Intervention de Wolfgang Wodarg

Commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A — Réunion du 16 juin 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Wolfgang Wodarg médecin épidémiologiste ancien président de la sous-commission de la santé de l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Wolfgang Wodarg :

a indiqué qu'il avait dirigé pendant treize ans, en tant que directeur de santé publique, une institution chargée de la veille sanitaire dans le Nord de l'Allemagne. Il était notamment responsable du suivi des vagues d'épidémies de grippe saisonnière.

Les systèmes d'information permettant le recueil de données sur la grippe recensaient alors en moyenne, dans cette région, une quarantaine d'hospitalisations et quatre décès pour une population totale de 200 000 personnes, en période de saison grippale normale.

C'est pourquoi, il a été très tôt surpris par les chiffres avancés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la grippe A(H1N1)v. Il n'y avait que quelques cas recensés - environ six cents - qui, ensuite, ont été utilisés pour effrayer le monde entier.

a ensuite retracé, en procédant à l'aide de vidéoprojections, l'évolution de la grippe H1N1 depuis son apparition au Mexique. A ce moment, les travaux du Professeur Neil Ferguson, en particulier, expert auprès de l'OMS, concluaient, à partir d'une analyse des mouvements de voyageurs au Mexique, à un nombre très élevé de cas potentiels, en total décalage avec ce qui a été observé sur le terrain, notamment dans la région du Nord de l'Allemagne dont M. Wolfgang Wodarg avait eu la charge.

Le nombre de cas recensés a du reste été ensuite révisé, tous les cas n'ayant pas été ultérieurement confirmés.

Deux principaux arguments étaient avancés par les experts pour justifier l'état de pandémie :

- d'une part, la vitesse de propagation du virus. Or celle-ci, certes impressionnante, est corrélée aux déplacements aériens et est donc souvent observée pour d'autres maladies ;

- d'autre part, la nouveauté du virus. Or il ne s'agissait pas d'un virus entièrement nouveau, mais d'une recombinaison génétique à partir d'éléments déjà connus, la preuve en étant que les personnes âgées de plus de 60 ans avaient souvent une protection immunitaire contre le virus. Elles avaient donc été en contact auparavant avec des virus analogues. Par ailleurs, la caractéristique des virus grippaux est de muter régulièrement. Chaque année apparaît ainsi de nouveaux virus de type grippal.

a ajouté que plusieurs éléments tendaient très tôt à démontrer qu'il n'y avait pas lieu d'être effrayé par ce virus et qu'il s'agissait en réalité d'une grippe banale.

En premier lieu, l'étude des épidémies de grippe au cours des dernières décennies montre que grâce au développement des antibiotiques, et donc au meilleur traitement des complications liées à la grippe, ainsi que grâce à l'amélioration de l'état de santé de la population, la mortalité liée à la grippe tend, de façon générale, à diminuer, sauf quelques exceptions, comme celle de la grippe de Hong-Kong de 1968.

De plus, M. Wolfgang Wodarg a rappelé que plus un virus se propage rapidement, comme dans le cas du virus A(H1N1)v, moins il est dangereux car il a besoin, pour se diffuser, de préserver des « réservoirs » de virus.

Or ces deux arguments ont été ignorés par l'OMS au moment du passage à la phase 6 de l'alerte pandémique, le 11 juin 2009.

Les données sur l'évolution du virus au cours de l'hiver austral, et notamment les données australiennes, ont confirmé, dès les mois d'août et de septembre, que le virus n'était pas dangereux. Les principales caractéristiques de la grippe A(H1N1)v étaient alors connues : elle était peu sévère et touchait davantage les jeunes que les personnes âgées qui étaient en partie immunisées. Les formes les plus graves concernaient surtout les personnes présentant déjà certaines pathologies. Or, là encore, ces éléments n'ont pas été pris en compte par l'OMS qui, craignant une aggravation de la situation, persistait dans sa vision catastrophiste de la situation et continuait à attiser la peur.

Lors de la préparation à la pandémie de grippe aviaire, elle avait eu cette même attitude alarmiste. Pourtant la grippe H5N1 demeure aujourd'hui une zoonose.

a indiqué que le déclenchement de la pandémie a ainsi constitué une aubaine pour les laboratoires pharmaceutiques, fabricants de vaccins et d'antiviraux. Evoquant à ce propos les liens pouvant exister entre les experts et l'industrie pharmaceutique, il a cité l'exemple du Professeur Klaus Stöhr, qui après avoir recommandé l'achat du vaccin Optaflu, développé par le laboratoire Novartis, a ensuite rejoint ce laboratoire.

Il a ajouté que l'évaluation des mesures prises en Australie pour lutter contre le virus A(H1N1)v avait montré que la stratégie vaccinale n'est pas la seule réponse face à une pandémie grippale. Comme l'avait déjà montré l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), de simples mesures d'ordre comportemental, notamment la non-consultation des patients en cabinets médicaux ou les mesures d'hygiène, peuvent permettre d'enrayer une pandémie. D'ailleurs, l'Australie envisage, lors d'une prochaine épidémie, de développer ces mesures alternatives à la vaccination.

Les derniers chiffrages disponibles sur la grippe A(H1N1)v - entre 17 000 et 18 000 décès dans le monde - montrent que les estimations initiales étaient surestimées, ceci d'autant plus lorsqu'on les compare avec les 500 000 décès annuels imputés à la grippe saisonnière. Ces chiffrages ne distinguent d'ailleurs pas entre les décès directement et indirectement liés à la grippe A(H1N1)v.

Selon M. Wolfgang Wodarg, la déclaration de l'état de pandémie a été permise par le changement de la définition de la notion de pandémie retenue par l'OMS. Auparavant, il fallait non seulement que la maladie éclate dans plusieurs pays à la fois mais aussi qu'elle ait des conséquences très graves avec un nombre de cas mortels au dessus des moyennes habituelles. Or ce dernier aspect a été supprimé pour ne retenir que le critère de la propagation de la maladie. La communication de l'OMS sur ce point a été maladroite car elle aurait dû préciser que cette grippe, si elle se diffusait rapidement, n'était pas grave.

Un certain nombre d'Etats, comme le Royaume-Uni, la Chine et le Japon, ont protesté contre ce changement de définition et souligné son caractère irresponsable compte tenu des conséquences lourdes qu'il entraînerait. Dans un premier temps, l'OMS a semblé entendre ces arguments. Cependant, par la suite, le comité d'urgence mis en place pour la grippe A(H1N1)v et dont l'OMS a choisi de garder la composition secrète, a insisté pour que soit déclarée la pandémie, en s'appuyant sur les études du Professeur Neil Ferguson. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le cadre de ses travaux de contrôle sur la gestion de la grippe A(H1N1)v, n'a pas pu obtenir la composition de ce groupe et la commission compétente a critiqué ce manque de transparence et de collaboration de l'OMS.

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