Intervention de Wolfgang Wodarg

Commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A — Réunion du 16 juin 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Wolfgang Wodarg médecin épidémiologiste ancien président de la sous-commission de la santé de l'assemblée parlementaire du conseil de l'europe

Wolfgang Wodarg :

a indiqué que, depuis 2005, la plupart des pays du monde ont signé des contrats de pré-achat de vaccins pour se préparer à la lutte antipandémique. En France comme en Allemagne, les contrats signés comportaient une clause indiquant que la déclaration par l'organisation mondiale de la santé (OMS) d'une pandémie de phase 6 entraînerait l'application de ces contrats et donc l'obligation pour l'Etat d'acheter des vaccins. En Allemagne, GSK a vendu des vaccins en multidoses accompagnés d'adjuvants facturés entre 6 et 8 euros. Les vaccins eux-mêmes coûtaient entre 1 euro et 1,20 euro. Cela tient au fait que le virus n'était pas brevetable alors que l'adjuvant l'était.

L'autorisation de mise sur le marché de vaccins en urgence n'a pas permis de faire attention à leur qualité thérapeutique. Ces vaccins ont été acceptés par défaut, parce qu'ils existaient et c'est pour cela que l'on a admis qu'ils soient adjuvantés.

Des entreprises ont également imaginé d'autres stratégies pour fabriquer des vaccins plus vite. Plutôt que de pratiquer la culture sur oeufs, traditionnelle, ils ont utilisé des bioréacteurs et des cellules provenant de tumeurs qui se multiplient très vite. Mais le risque d'impureté des vaccins ainsi produits n'a jamais été évalué et on ne sait pas si une cellule tumorale aurait pu être injectée à un patient par le biais du vaccin. On a pris là un risque très important.

On savait pourtant depuis l'annonce faite par l'Australie en septembre 2009 qu'il n'y avait pas réellement de danger. Il aurait donc fallu prendre le temps de développer des vaccins plus sûrs. En fait, le « label » pandémie a facilité la vente des vaccins. Il est intéressant de noter qu'à l'occasion de la visite du président Sarkozy au Mexique, le 9 mars 2009, Sanofi a signé un contrat d'implantation d'une usine de vaccins dans ce pays.

On a aussi affirmé que le virus H1N1 ne pouvait être comparé avec les virus de la grippe saisonnière. En réalité, ce sont des échelles de mesures différentes qui ont été appliquées par l'OMS rendant toute comparaison épidémiologique difficile. En Allemagne, en France et dans de nombreux pays d'Asie, les professionnels de santé, qui avaient une connaissance pratique de la grippe, n'ont pas cru le message de l'OMS et se sont très peu fait vacciner. En Allemagne, il y a généralement 25 % des professionnels de santé qui se font vacciner contre la grippe saisonnière. Ils n'ont été que 10 % à se faire vacciner contre la grippe H1N1.

Commentant la réponse de Mme Margaret Chan, directeur général de l'OMS, à l'article du British medical journal dénonçant les liens d'intérêts de plusieurs experts ayant participé à l'élaboration des recommandations de l'OMS sur l'usage des antiviraux contre un virus de grippe pandémique, M. Wolfgang Wodarg a considéré que, malgré les dénégations apportées, il apparaît néanmoins que l'OMS a utilisé, pour déterminer son attitude face au virus H1N1, des critères définis très rapidement et élaborés de manière peu transparente.

Le rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui sera adopté la semaine prochaine, cherche à créer plus de transparence dans la prise de décision au sein de l'OMS et à élaborer une meilleure politique de communication face aux risques sanitaires.

En conclusion, M. Wolfgang Wodarg a affirmé qu'il faut absolument séparer la santé publique des intérêts économiques sous peine de gaspiller des ressources rares et de risquer de porter atteinte à la santé des populations.

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