Intervention de André Reichardt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 novembre 2011 : 1ère réunion
Prévention et accompagnement pour l'organisation des soirées en lien avec le déroulement des études — Examen du rapport

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Cette proposition de loi a comme point de départ le rapport de Mme Martine Daoust, rectrice de l'académie de Poitiers, remis à Mme Valérie Pécresse et intitulé : Soirées étudiantes et week-ends d'intégration. Plusieurs incidents plus ou moins graves dus à l'absorption d'alcool ou de stupéfiants avaient en effet été signalés lors de telles soirées : comas éthyliques, tentatives de viol... Une personne est morte par défenestration, croyant qu'elle pouvait voler, une autre s'est noyée dans un étang...

Dans son rapport, Mme Daoust a préconisé la généralisation d'opérations de « testing » pendant les soirées avec des sanctions en cas de non respect de la réglementation sur les open bars et la vente d'alcools au forfait, la publication d'un guide à destination des chefs d'établissements et l'obligation de déclarer préalablement les soirées et week-ends d'intégration à la préfecture ou à la mairie et à l'établissement d'enseignement supérieur.

Mme Daoust a procédé à l'audition de tous les acteurs concernés. Elle estime que la déclaration doit renseigner sur la personne responsable et les modalités de prévention mises en oeuvre. Elle a proposé également qu'un texte législatif définisse précisément les événements visés afin « de ne pas inclure trop de rassemblements privés dans le dispositif ».

A la suite de ce rapport, M. Vial a donc déposé une proposition de loi. Ce texte prévoit une déclaration préalable pour tout événement festif estudiantin se déroulant en dehors de l'établissement supérieur. En effet, lorsque de tels événements se déroulent dans l'enceinte de l'école, les chefs d'établissements sont responsables. Sont donc visés « les rassemblements à caractère festifs d'étudiants ou d'autres usagers organisés en dehors des établissements exerçant des missions d'enseignement supérieur mais en lien avec le déroulement des études ». Selon la proposition de loi, doivent faire l'objet d'une déclaration les rassemblements « dont certaines conditions tiennent à leur importance, leur mode d'organisation et aux risques encourus par les participants », la détermination de ces conditions étant renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.

Ce texte s'inspire directement du dispositif en vigueur pour les rave parties qui figure dans la loi du 15 novembre 2001. La déclaration de la soirée ou du week-end devra être adressée au chef d'établissement d'enseignement supérieur et au préfet pour détailler les mesures envisagées pour garantir « la sécurité, la salubrité, l'hygiène et la tranquillité publique ». L'autorisation d'occuper le terrain ou le local où est prévu le rassemblement doit être jointe au dossier. Si le préfet estime que les moyens envisagés sont insuffisants pour garantir un bon déroulement du rassemblement, il organise une concertation avec les responsables de l'événement et il peut leur imposer toute mesure qu'il juge nécessaire. Enfin, il pourra interdire la manifestation si elle risque de porter atteinte à l'ordre public ou si, en dépit d'une mise en demeure préalable adressée à l'organisateur, ce dernier n'a pas tenu compte des mesures demandées par le préfet. Si la manifestation a quand même lieu, des amendes peuvent être prononcées et le matériel confisqué, comme pour les rave parties. Ce régime déclaratif s'apparente à un régime d'autorisation, puisque le préfet peut interdire le rassemblement si les mesures qu'il préconise ne sont pas adoptées.

J'ai procédé à diverses auditions : j'ai reçu les plus importantes associations d'étudiants et les représentants de l'enseignement supérieur et des grandes écoles. Tous souhaitent une concertation en amont des manifestations afin que les mesures préventives adéquates soient prises. Certaines organisations étudiantes nous ont même demandé la mise en place d'un label pour l'organisation des soirées étudiantes. Les représentants des chefs d'établissements considèrent, pour leur part, qu'il est très important qu'une déclaration préalable leur parvienne afin qu'ils soient tenus informés de ce qui se passe en dehors de leur établissement. Enfin, les représentants des ministères nous ont dit qu'ils souhaitaient connaître l'existence de pareils rassemblements. Dès le départ, les représentants de la police et de la gendarmerie se sont en revanche interrogés pour savoir s'ils pourraient faire face à l'afflux de demandes. Enfin, tous estiment qu'il est indispensable que ce dispositif soit souple. Les représentants des étudiants veulent que la déclaration soit simple, pour éviter, selon leurs propres termes, une « usine à gaz ». Les déclarations devront en effet être limitées aux cas qui en valent la peine. Les chefs d'établissement sont plutôt d'accord avec ce type de déclarations, mais ils ne veulent pas que leur charge de travail explose.

Afin de prendre en compte ces diverses opinions, je vous propose plusieurs amendements. Tout d'abord, il est nécessaire de mieux définir quelles sont les manifestations étudiantes concernées. Pour l'instant, la proposition de loi est imprécise : que doit-on en effet entendre par « les rassemblements à caractère festifs d'étudiants ou d'autres usagers organisés en dehors des établissements exerçant des missions d'enseignement supérieur mais en lien avec le déroulement des études » ? La notion d' « étudiants ou autres usagers » permet de désigner l'ensemble des étudiants d'université mais aussi les élèves des grandes écoles, des classes préparatoires, des BTS, que le seul terme d'étudiant ne permet pas de couvrir, parce qu'il s'agit de viser aussi bien les week-ends d'intégration des grandes écoles que les galas d'universités, ou encore les rassemblements d'étudiants en BTS... L'expression « en lien avec le déroulement des études » paraît également imprécise. Les auteurs du texte veulent éviter de viser des événements privés. Pour contourner cet écueil, il est possible de se référer à la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et ainsi qu'à la protection des mineurs qui définit le bizutage comme « le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées au milieu scolaire et socio-éducatif ». Je vous propose donc un amendement qui s'inspire de cette définition pour viser les rassemblements d'étudiants, afin de faire référence à une notion déjà inscrite dans la loi.

Mon deuxième amendement propose un régime de déclaration plus souple. La proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour la définition des conditions « tenant à l'importance des rassemblements, le mode d'organisation et les risques encourus par les participants ». Le dispositif en vigueur pour les rave parties renvoie également à un décret en Conseil d'Etat qui prévoit l'obligation d'une déclaration au préfet pour les manifestations de plus de 500 personnes. Cependant, un renvoi au décret ne permettrait pas au législateur de définir suffisamment précisément les rassemblements qui devront faire l'objet d'une déclaration. Une telle définition est en effet indispensable dans la mesure où cette proposition de loi pourrait restreindre la liberté de réunion et porter atteinte au respect de la vie privée. Je vous propose donc de fixer deux seuils : à partir de 100 personnes, l'organisateur devra déclarer la manifestation au seul chef d'établissement. A partir de 500 personnes, le chef d'établissement, mais aussi le préfet devront être prévenus. Cette solution a le mérite d'écarter tout risque juridique de voir le dispositif s'appliquer à des réunions privées et permettra d'éviter que les préfectures ne soient submergées de demandes d'autorisation. Si les mesures prévues lui semblent insuffisantes, le chef d'établissement pourra engager une concertation avec l'organisateur, mais il ne pourra être tenu responsable d'un éventuel échec de cette concertation. A partir de 500 participants, le préfet devra contacter les organisateurs, comme cela se fait déjà pour les rave parties, si les moyens envisagés pour garantir la santé et la sécurité des participants lui paraissent insuffisants. Il pourra inviter l'organisateur à prendre toute mesure nécessaire pour garantir le bon déroulement du rassemblement. Il est également proposé de réduire au seul motif de la protection de l'ordre public la possibilité d'interdire le rassemblement projeté. Le texte initial de la proposition de loi prévoit que le préfet pourra aussi interdire la manifestation si les mesures prises lui paraissent insuffisantes, ce qui semble trop rigoureux. Si les mesures prises ne satisfont pas aux exigences de la préfecture, le préfet pourra demander aux forces de police ou de gendarmerie d'assurer un contrôle renforcé de l'événement.

Enfin, comme pour les rave parties, si les organisateurs passent outre l'interdiction, des amendes de cinquième classe pourront être prononcées.

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