Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 novembre 2011 : 1ère réunion
Application de l'article 68 de la constitution — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

L'article 68 de la Constitution, relatif à la destitution du Président de la République, prévoit dans son dernier alinéa qu'une loi organique en détermine les modalités d'application : c'est l'objet de la présente proposition de loi. Le statut juridictionnel du chef de l'Etat est régi par les articles 67 et 68 de la Constitution. L'article 67 pose en principes l'immunité et l'inviolabilité du Président de la République pendant l'exercice de ses fonctions : il ne peut être ni interrogé, même comme témoin, ni poursuivi devant aucune juridiction. On a souvent souligné le déséquilibre que cela occasionne, puisque le chef de l'Etat peut être à l'origine de poursuites. Mais surtout, le périmètre de l'inviolabilité est encore mal défini : s'il est légitime de protéger le Président de la République au cours de son mandat contre toute procédure dilatoire ou animée par des intérêts politiques, cette protection doit-elle s'étendre à ses collaborateurs ? La cour d'appel de Paris vient de décider qu'un ancien chef de cabinet du Président qui n'avait pas respecté le code des marchés publics était couvert par l'article 67 ; il y aura sans doute un pourvoi en cassation. Pour quelles raisons le droit commun ne s'appliquerait-il pas aux collaborateurs du chef de l'Etat ?

Quant à l'article 68, il dispose que « le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. » Cet article résulte de la loi constitutionnelle du 23 février 2007. Or, depuis quatre ans et neuf mois, la loi organique qu'il prévoit n'a toujours pas été promulguée. MM. Patriat et Badinter ont voulu y remédier en déposant une proposition de loi qui a déjà été examinée en commission et en séance, puis renvoyée en commission. Le groupe socialiste a décidé de demander sa réinscription à l'ordre du jour. M. Hyest, dans son précédent rapport, indiquait que si le Gouvernement tardait trop à déposer un projet de loi organique, la commission réexaminerait la proposition de nos collègues ; mais on annonçait le dépôt imminent d'un texte gouvernemental. Nous en disposons effectivement depuis un an, mais il n'a toujours pas été inscrit à l'ordre du jour : il est temps de réagir.

En rédigeant mes amendements, je me suis inspiré des propos de M. Hyest en 2010 : il ne fallait pas répéter dans la loi organique ce que la Constitution disait déjà ; il fallait attendre le projet gouvernemental pour comparer les deux textes. J'ai donc cherché à éviter toute redondance et à retenir le meilleur de chaque texte.

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