Mais c'est depuis 1990 que les ministères de la Ville et des Sports travaillent de concert pour redynamiser et pacifier les banlieues. On a multiplié les animations, ouvert les gymnases en soirée, sur un modèle américain, mais toujours pour les garçons. Il reste beaucoup à faire pour féminiser la politique de la ville : féminisation de l'encadrement, activités d'expression et de loisir destinées aux filles, accompagnement des filles de leur immeuble à la salle de gym...
J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon exposé, qui traite d'un autre aspect des inégalités entre les hommes et les femmes dans le monde sportif : celui de la place des femmes dans les organisations sportives. Du côté des pratiques, les femmes ne représentent qu'un tiers des licenciés en club ; elles pratiquent davantage à domicile, en salles de fitness, pendant les vacances... Pas ou peu de femmes dans les grandes administrations du sport, les services des sports des collectivités, les conseils d'administration de Nike, Reebok ou Adidas, au CIO ou à la tête des fédérations : le « plafond de verre » y est encore plus bas qu'ailleurs ! Plus on monte dans la hiérarchie, moins on trouve de femmes : une étude réalisée par Caroline Chimot en 2003 nous révèle qu'elles représentent 5% des 153 présidents de fédération, 10% des entraîneurs nationaux ; 25% des titulaires du brevet d'État d'éducateur sportif premier degré, 15% pour le brevet d'État second degré. C'est un monde très masculin, y compris dans les sports féminins : les sportives sont « entraînées » par des hommes, qui perpétuent un modèle masculin de l'entraînement.
Dans les entreprises et administrations du secteur sportif, les cadres, du public comme du privé, sont majoritairement des hommes. En 2004, j'avais enquêté en Alsace auprès de 200 magasins d'articles de sport. Plus de 85% des dirigeants ou gérants étaient des hommes. En revanche, à l'intérieur des boutiques, les femmes occupaient les postes de caissières et de vendeuses. Ils expliquaient préférer des femmes pour les secteurs à connotation féminine - fitness, vêtements - et celles-ci étaient tenues « d'avoir un beau physique pour attirer les hommes ». Mais tout ce qui était technique - en particulier les secteurs du cyclisme ou de la montagne - était le domaine exclusif des hommes. Ce qui revient à considérer qu'il y a des compétences féminines spécifiques ou « naturelles ». Les femmes qui disent avoir été recrutées dans certains postes parce qu'elles ont davantage de douceur et de doigté reconnaissent aussi parfois cette spécificité des « qualités féminines » et elles ont intériorisé le discours que les hommes tiennent sur les femmes.
Il reste donc beaucoup à faire, la « domination masculine » - pour reprendre les termes de Bourdieu - est sans cesse réaffirmée. Mais on note quand même des résistances et des évolutions : il y a désormais des arbitres femmes pour les matchs masculins de foot ou de handball.