Intervention de Bernard Spitz

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 11 février 2009 : 1ère réunion
Presse — Audition de M. Bernard Spitz délégué à la coordination des etats généraux de la presse écrite

Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite :

a relevé que la presse quotidienne payante d'information politique et générale était, à l'évidence, la forme de presse la plus exposée aux perspectives économiques douloureuses de l'année 2009. L'impact de la crise financière internationale sur l'équilibre financier des titres de presse est tel que les quatre derniers mois ont été marqués par l'annonce de licenciements massifs dans des journaux américains aussi prestigieux que le Los Angeles Times, le New York Times ou le Chicago Tribune. Cette conjoncture défavorable pénalisera d'autant plus les quotidiens nationaux français qu'elle se greffe sur une dégradation structurelle de leurs bilans entamée depuis plusieurs décennies.

Au départ accompagnés par un mélange d'espoir et de scepticisme, voire d'une certaine hostilité liée à la crainte d'une ingérence croissante du politique dans les médias, les Etats généraux se sont conclus par la publication, le 8 janvier 2009, d'un Livre vert proposant tant des mesures d'urgence qu'un plan global et détaillé de réformes structurelles, accueillis très favorablement par l'ensemble des parties prenantes. La méthode empirique qui a présidé au déroulement des travaux des différents pôles de ces Etats généraux a ainsi démontré que cette initiative répondait à un véritable besoin partagé par tous les acteurs du secteur.

Evoquant les principales propositions de réformes structurelles, M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, est tout d'abord revenu sur la nécessité pour les acteurs de la presse écrite de s'entendre sur une refonte de son système de fabrication. Les coûts engendrés par celui-ci seraient, selon certaines estimations, supérieurs de 30 à 40 % à ceux pratiqués chez nos partenaires européens. Les coûts de fabrication sont ainsi tenus responsables d'un prix de vente des quotidiens sensiblement plus élevé en France que dans le reste de l'Europe. Ces coûts sont le fruit d'équilibres sociaux historiques propres au secteur de la fabrication et de l'impression. Bien que la modernisation du statut des ouvriers du syndicat du Livre et la remise en cause de son monopole d'embauche dans les imprimeries soient des sujets particulièrement délicats, M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, s'est réjoui de la réponse favorable des partenaires sociaux à l'ouverture de négociations sociales en vue de réduire les coûts de fabrication.

Il a ensuite brossé un tableau général du système de distribution de la presse et examiné une série de mesures destinées à pallier son inefficacité. La méthode empirique mise en oeuvre par les Etats généraux a notamment permis, au travers d'un cas pratique consacré au lancement simulé en France d'un équivalent du quotidien allemand Bild Zeitung, de mettre en évidence le lien entre les insuffisances de notre réseau national de distribution et l'absence, dans notre pays, de quotidiens nationaux tirant à plus d'un million d'exemplaires. En effet, la loi dite « Bichet » du 2 avril 1947 consacre le principe d'une clause d'exclusivité du contrat de groupage dans le cadre d'une distribution via un système de coopératives : elle est ainsi à l'origine du monopole des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) dans la distribution des quotidiens nationaux. Cette situation s'oppose à ce que le réseau de distribution des NMPP, dont l'offre est insuffisante, se combine avec celui de la presse quotidienne régionale (PQR), plus étoffé et bénéficiant d'une longue expérience dans le portage à domicile, pour atteindre une masse critique.

Par ailleurs, M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, a souhaité alerter la commission sur la situation inquiétante du métier de diffuseur de presse, dont la rémunération est sensiblement inférieure à celle pratiquée dans le reste de l'Europe, alors même que les coûts de la distribution en France sont proches de la moyenne européenne. Dès lors que les messageries de presse et les dépositaires captent l'essentiel de la valeur ajoutée issue de la distribution de la presse, les marchands de journaux voient progressivement leur métier se réduire à celui de simple manutentionnaire responsable de la gestion des invendus, sans avoir la moindre possibilité de développer une véritable relation commerciale au contact de leur clientèle.

S'agissant du rôle de La Poste dans le système de distribution français, il a observé que, si le service de transport postal s'avérait profitable pour la presse magazine, il n'en allait pas de même pour la presse quotidienne nationale (PQN) dont les taux d'abonnement demeurent très faibles, en particulier du fait de ses carences en matière de portage à domicile.

Dans ces conditions, M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, a indiqué que les Etats généraux de la presse avaient privilégié la voie du pragmatisme, en appelant les acteurs du système de distribution à la concertation dans le cadre d'un comité chargé de suivre, pendant six mois, l'expérimentation de formes alternatives de distribution. Les travaux de ce comité de suivi devraient permettre de formuler, en dernier ressort, des propositions tendant à moderniser le réseau de distribution, sans pour autant modifier la loi « Bichet ». Le développement du portage à domicile, la mutualisation des capacités de distribution entre les réseaux de la PQN et de la PQR, l'assouplissement des règles d'assortiment des titres et la revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse devraient être les principales pistes à l'étude.

Enfin, les réformes structurelles devront également concerner la rénovation du contenu éditorial de nos titres de presse. Ce besoin est particulièrement sensible lorsqu'il s'agit pour la presse écrite payante de s'adapter aux codes de lecture modernes et de redevenir attractive auprès des jeunes de 15 à 25 ans qui envisagent de plus en plus l'information au travers du prisme de la gratuité. M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, s'est ainsi déclaré favorable à la mise en oeuvre de l'abonnement gratuit à un quotidien pour les jeunes atteignant la majorité : cette mesure est susceptible de redonner aux jeunes le goût d'une analyse rigoureuse et sélective de l'information, en leur offrant pendant six mois l'expérience de la lecture régulière d'un journal. Cette mesure est ainsi appelée à exercer un effet vertueux sur la rénovation du contenu éditorial de ces journaux.

En ce qui concerne la problématique des droits d'auteur des journalistes, il a relevé que les Etats généraux de la presse écrite avaient eu la sagesse de s'en remettre au compromis dégagé par un groupe de travail informel en 2007, dans un document appelé le « Blanc ». La solution, équilibrée, repose sur la substitution à un droit lié à la publication d'un contenu sur un support déterminé d'un droit lié à un temps d'exploitation.

Enfin, M. Bernard Spitz, délégué à la coordination des Etats généraux de la presse écrite, a indiqué que trois mesures d'urgence en faveur de la presse pouvaient être envisagées pour l'année 2009 :

- l'instauration d'un moratoire d'un an pour la mise en oeuvre des accords État-Presse-La Poste, qui prévoyaient une forte augmentation des tarifs postaux dans les années à venir ;

- le doublement de la part des investissements publicitaires de l'État dans la presse. Sur près d'une centaine de millions d'euros de dépenses publicitaires, l'État n'en consacre que 20 % à la presse écrite, alors que celle-ci capte environ 37 % du marché publicitaire. À titre d'exemple, en Belgique, les pouvoirs publics réservent à la seule presse écrite l'intégralité de leurs achats publicitaires mais ne lui versent, en revanche, aucun subside ;

- la revalorisation de la rémunération des marchands de journaux au travers d'exonérations temporaires de leurs charges sociales.

Un débat s'est ensuite engagé.

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