Si j'ai été neuf ans ministre déléguée au temps libre, à la jeunesse et aux sports, je suis ingénieur financier de formation, métier que j'ai continué d'exercer au long de ma vie professionnelle. J'ai ainsi dirigé douze ans une entreprise financière vouée aux investissements dans les domaines de la défense (au niveau des PME), de l'aéronautique et de l'espace. Mes fonctions actuelles au Bureau de prévision économique m'amènent également à travailler sur des sujets pointus, liés aux pôles de compétitivité.
J'ai donc mené de front une activité dans deux domaines, et j'ai à plusieurs reprises été appelée par les ministres en charge pour mener des travaux tantôt sur les questions de défense, avec Alain Richard, tantôt sur les questions sportives avec Marie-Georges Buffet et Jean-François Lamour. C'est ainsi que j'ai dirigé, par exemple, le Conseil national des activités physiques et sportives et qu'à la demande du président du Comité national olympique et sportif français, Denis Masseglia, reprenant une idée d'Henri Sérandour, son prédécesseur, et d'André Auberger, paraplégique à la suite d'une blessure reçue au cours de la guerre d'Algérie, et qui a dirigé le mouvement handisport, je travaille aujourd'hui à la création d'une Fondation du sport français.
Comme universitaire et grande voyageuse, j'ai côtoyé beaucoup d'étudiants de toutes nationalités, qui ont donné un horizon international à ma vision de la situation, laquelle ne porte pas toujours à l'optimisme. Le rapport 2009 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement montre assez que nous sommes loin du compte pour ce qui concerne les femmes, notamment en matière de lutte contre les mariages précoces.
Dans les différents métiers que j'ai exercés, j'ai pu constater que les femmes n'étaient guère présentes et que seules les plus pugnaces, comme Annette Roux, vraie porteuse de projet, parvenaient à se faire une place au soleil. Même chose dans le monde politique, où la France est encore montrée du doigt. Le constat vaut aussi pour le monde syndical, qui a perdu Nicole Notat, et le monde associatif - il y a probablement plus de femmes à la tête de fédérations sportives que de grands mouvements associatifs.
François Mitterrand, lorsqu'il était dans l'opposition, avait bâti un contre-cabinet qui comptait une femme, Marie-Thérèse Eyquem, hélas décédée avant qu'il n'arrive au pouvoir. Et c'est ainsi que j'ai été appelée au portefeuille des sports. Je dois reconnaître que le monde politique et les fédérations sportives ont vite oublié mon appartenance au sexe féminin pour s'intéresser avant tout aux projets que je défendais : réforme du statut des clubs - on se souvient des fameuses caisses noires de Saint-Etienne -, reconnaissance des missions de service public, reconnaissance des acquis professionnels et organisation de filières éducatives, toutes choses inscrite dans la loi de 1984, statut, aussi, des athlètes de haut niveau - tant j'avais été frappée par la différence avec ce qui prévalait alors aux États-Unis.
Je n'ai donc pas eu le sentiment que le monde sportif fût allergique à la prise de responsabilité des femmes, qui me semble poser beaucoup plus de problèmes, ainsi que je l'ai dit, dans le monde associatif. A l'entrée en vigueur de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, en 1981, un rapport de l'Insee présentait des chiffres accablants. Il apparaissait ainsi qu'une femme mère de deux enfants engagée dans la vie professionnelle travaillait en moyenne 39 heures de plus par semaine qu'un homme ! Même écart pour les loisirs : lorsque les hommes se livraient à des activités associatives ou sportives, les femmes restaient cantonnées à l'accueil de la famille, des vieux parents, ou à l'accompagnement des enfants au jardin public...
Nous n'en sommes plus là. Et les femmes accèdent aujourd'hui à des responsabilités plus élevées. C'est ainsi que l'on constate, partout dans le monde, que la place des femmes dans l'enseignement, en même temps qu'elle devient moins lourde dans le primaire et le secondaire, progresse à l'université. Dans le domaine sportif, les choses ont évolué au même rythme que la société. Dans le sport de haut niveau, les femmes sont de plus en plus nombreuses. Et cela est important, car elles jouent, pour toutes, un rôle de locomotive, d'autant qu'elles prennent bien souvent, ensuite, des responsabilités fédérales. Je pense notamment à Brigitte Deydier qui fut Directrice Technique Nationale de la Fédération française de judo. De plus en plus, les disciplines olympiques s'organisent pour laisser place aux femmes. Je pense au pentathlon, où elles font merveille, ou à la natation, dans le sillage de Monique Berlioux, devenue directrice du Comité International Olympique (CIO).
Outre que les femmes sont de plus en plus nombreuses à mener une vie active - 70 % des 25-55 ans travaillent - en partie grâce à une politique familiale beaucoup plus favorable en France que chez beaucoup de nos voisins européens, dont l'Allemagne, les évolutions démographiques jouent également. L'espérance de vie des femmes est supérieure de sept ans à celle des hommes. Les femmes de plus de 50 ans ont infléchi les pratiques sportives. C'est sous leur influence que se sont ainsi développés les sports de nature. Je recherche d'ailleurs, au sein de l'association de préfiguration de la Fondation du sport, des projets innovants dans le domaine sportif.
Pour avoir travaillé avec l'association « Ni putes ni soumises », je sais que des freins culturels persistent cependant. Brigitte Deydier s'est également penchée sur la question. Les jeunes filles des banlieues ont bien du mal à exercer certains sports... Il faut en avoir conscience... Je le dis pour avoir vu, au Qatar, une déléguée hollandaise vanter devant une assemblée de femmes voilées les mérites de la natation...