En réponse aux intervenants, Mme Emma Archer et M. Fabrice Rozié ont apporté les précisions suivantes :
- la rotation des livres est rapide aux Etats-Unis ; les années 2004 et 2005 ont été particulières, du fait des succès du livre « Da Vinci Code », qui s'est prolongé sur de longs mois ; mais en 2006, un livre ne se maintient que pendant 1 à 4 semaines parmi les 100 titres les plus vendus ; aucun livre étranger n'y figure, à l'exception de rares traductions en collection de poche d'Elie Wiesel et de Paulo Coelho ; 4 auteurs français, dont Michel Houellebecq et Andreï Makine, ont cependant figuré dans les meilleurs livres de l'année sélectionnés par la presse ; le livre de Bernard-Henri Lévy, « Sur les traces de Tocqueville », a été bien médiatisé et sa version américaine a été publiée avant sa version française, mais la présence de l'auteur sur le territoire américain et sa capacité à s'exprimer en anglais, rare chez les auteurs français, explique cette situation particulière ;
- le livre en français souffre de la barrière de la langue, qui limite son auditoire aux Etats-Unis ; l'un des moyens de l'élargir consiste à faire intervenir les auteurs français devant un auditoire qui ne soit pas exclusivement composé d'anglophones, mais aussi de francophones ou d'hispanophones ;
- le livre et les médias aux Etats-Unis ont une relation autre que celle que l'on trouve en France ; tout d'abord, les Américains s'étonnent de l'interdiction de la publicité en faveur des livres et des films à la télévision française ; par ailleurs, les émissions américaines relèvent davantage des « talk shows » ; cependant, un effort pourrait être tenté en direction des radios, en associant plusieurs auteurs français autour de lectures de leurs textes qui seraient confiées à de grands acteurs américains ;
- le reproche le plus fréquent que les éditeurs font aux écrivains français est de ne pas savoir tourner une histoire avec un commencement, des péripéties et un dénouement ; pour le public américain, un bon livre, c'est d'abord une bonne histoire qui se prête ensuite à une adaptation cinématographique ; le lent questionnement, cher aux auteurs français, est pour eux déroutant ; ils ont en revanche apprécié que la dernière série des prix littéraires se soit largement ouverte à des écrivains francophones plus portés au récit et à la saga ;
- le poids relatif des traductions tend à se réduire aux Etats-Unis ; en France, la littérature étrangère traduite représente encore 40 % du marché du livre en France ;
- un projet récent se propose d'associer sur 7 nouvelles, 7 écrivains français qui en imagineront le début, et 7 américains qui en réaliseront la fin ; c'est une forme de jeu littéraire dont l'objet est de faire dialoguer deux imaginaires qui se cherchent ;
- les Américains sont particulièrement friands de livres aux sujets religieux, de biographies d'hommes politiques ou de sujets d'actualité liés par exemple à la guerre en Irak ;
- une comparaison personnelle entre les années 90 et aujourd'hui permet d'inférer la quasi-disparition des librairies indépendantes proposant des livres en français ; quelques grandes librairies continuent cependant de proposer quelques rayons français, mais dans les grandes villes seulement ; les Français vivant aux Etats-Unis achètent leurs livres à l'occasion de leur passage en France ou s'adressent aux réseaux de vente canadiens ;
- la littérature québécoise pâtit autant que la française de la barrière de la langue ;
- il reste cependant, aux Etats-Unis comme en France, un fort désir mutuel de traduction, car cette première étape est souvent le premier échelon pour une reconnaissance internationale.