Complétant ces propos, M. Yannick Bodin, rapporteur de la mission d'information, a indiqué que ces premiers entretiens permettaient d'identifier les principales causes de la panne de l'ascenseur social et d'ébaucher quelques pistes de propositions.
La première difficulté, mise en avant par l'ensemble des intervenants, renvoie aux défaillances de notre système d'information et d'orientation. En effet, il apparaît, d'une part, que les conseillers d'orientation-psychologues et les enseignants n'ont qu'une connaissance insuffisante de ces filières et de leurs débouchés ; d'autre part, les acteurs de l'orientation semblent trop souvent entretenir une forme de déterminisme, conduisant à orienter les jeunes issus de milieux défavorisés vers les filières courtes ou techniques, et donc à les écarter des baccalauréats généraux, qui représentent la principale voie d'accès aux classes préparatoires.
Une deuxième difficulté, d'ordre culturel ou psychologique, se traduit, chez certains jeunes et leurs familles, par un phénomène d'autocensure, parfois renforcé par le souhait ou la nécessité de travailler rapidement.
Faisant référence aux témoignages des étudiants entrés à l'Institut d'études politiques de Paris par la voie des « conventions éducation prioritaire », M. Yannick Bodin, rapporteur de la mission d'information, a relevé les difficultés rencontrées par ces jeunes pour surmonter les décalages des « codes » culturels, liés aux comportements vestimentaires ou au langage. De fait, s'ils ont pu combler les écarts au niveau académique par un surcroît de travail, ces étudiants ont avant tout souffert, les premiers temps, d'un manque de confiance en eux, qui s'est progressivement estompé au fil de leur intégration dans l'école.
Il a souligné, ensuite, les handicaps financiers liés au coût des études en classes préparatoires et dans les grandes écoles, notamment en raison de la nécessité de trouver un logement. Puis il a insisté sur les disparités géographiques de la carte des classes préparatoires, qui créent des inégalités au détriment des lycéens issus des banlieues difficiles, mais aussi des zones rurales ou enclavées et des zones industrielles en reconversion.
Rappelant que la mission n'avait pas vocation à juger de la pertinence des récentes initiatives en cours, M. Yannick Bodin, rapporteur de la mission d'information, a évoqué plusieurs premières pistes de propositions, qui ne sont encore ni définitives, ni exhaustives.
Il a insisté, tout d'abord, sur la nécessité d'améliorer, dès le collège, le système d'information et d'orientation des élèves, et de démystifier, en parallèle, les classes préparatoires, sans pour autant négliger l'ampleur des efforts que nécessite ce type d'études. Il a relevé, par ailleurs, que l'information devrait porter non pas exclusivement sur les plus grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, mais sur l'ensemble d'entre elles.
Puis il a suggéré de développer notamment les actions de tutorat, plébiscitées par de nombreux intervenants, aussi bien pour l'accompagnement des lycéens en amont que pour apporter un soutien aux étudiants une fois entrés en classe préparatoire ou dans une grande école.
En outre, il a indiqué que la mission pourrait proposer une amélioration de la carte géographique des classes préparatoires, après un examen attentif de cette carte et des critères qui régissent l'ouverture et la fermeture de ces classes. Toutefois, il a rappelé que des places restaient vacantes dans les classes préparatoires existantes et qu'il convenait donc d'abord de favoriser la mobilité des étudiants, notamment en développant les internats. Ceci s'avère particulièrement important pour les filles, un certain nombre de familles étant culturellement réticentes à les laisser s'éloigner du domicile des parents. L'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques des lycées concernés serait également utile pour garantir à tous les étudiants un cadre de travail propice aux études.
a suggéré de revoir le système des bourses, d'autant plus que ces études exigeantes sont incompatibles avec l'exercice d'une activité professionnelle. Il a fait référence, à cet égard, au débat public actuel concernant l'ensemble du dispositif d'aides sociales aux étudiants et, notamment, à la proposition visant à créer en leur faveur un revenu d'autonomie. De même, il s'est interrogé sur la proposition inscrite dans les programmes de plusieurs candidats à l'élection présidentielle, consistant à réserver à chaque lycée une sorte de « droit de tirage », afin que ses meilleurs élèves puissent accéder aux classes préparatoires.
Enfin, il a relevé que, seule, une très faible proportion des bacheliers technologiques intégrait les classes préparatoires technologiques, offrant pourtant de réels débouchés, et que cela constituait sans doute une autre piste à approfondir.