Intervention de Michel Lussault

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 27 juin 2007 : 1ère réunion
Réforme des universités — Audition de Mm. Thierry Coulhon et michel lussault vice-présidents de la conférence des présidents d'université cpu

Michel Lussault, vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU) :

a jugé que, même si le texte de l'avant-projet de loi faisait encore aujourd'hui l'objet d'une concertation avec la CPU et les syndicats, les grandes lignes de la réforme impulsée par l'avant-projet de loi ne devraient pas être fondamentalement remises en question. Il a indiqué que la CPU partait du constat suivant : partout dans le monde, le succès des systèmes publics d'enseignement supérieur repose sur des universités autonomes, et même fortement autonomes. Il a estimé que cette constante méritait d'être rappelée face à certains discours qui critiquent le principe même de cette autonomie. Il a ajouté qu'en France l'autonomie des universités avait été instituée par la loi de 1984, mais que celle-ci restait fortement contrainte par des contrôles souvent tatillons.

Il a constaté, également, que le secteur du savoir et de la recherche était touché par le phénomène de la mondialisation, se traduisant par une concurrence de plus en plus acharnée entre les établissements universitaires. Tout en relevant qu'en Europe certaines universités s'organisaient aujourd'hui selon une conception marchande de l'enseignement et de la recherche, il s'est déclaré favorable, en revanche, à ce que l'autonomie des universités se développe en France, dans le cadre du service public, sous le contrôle de l'Etat, qui doit conserver un rôle réel de régulation. Il a jugé utile cette dernière mise au point pour éviter toute ambiguïté, ajoutant que la Conférence des présidents d'université appelait même l'Etat à prendre davantage ses responsabilités.

Il a rappelé ensuite que, depuis sept ans, la CPU avait formulé, à plusieurs reprises, des suggestions pour accroître l'autonomie des universités. Tout en estimant, en effet, que la loi de 1984 était bien conçue et équilibrée, grâce en particulier à une préparation approfondie, il a constaté cependant qu'elle ne pouvait plus, en l'état, répondre aux besoins qui résultent d'un contexte historique nouveau. Il en a énuméré les principales évolutions : tout d'abord, la démocratisation de l'enseignement supérieur, qui s'est traduite par une forte croissance des effectifs et par le changement d'échelle des universités ; ensuite, la révolution qui est intervenue dans le domaine de la recherche et qui a conduit les universités, qui ne jouaient, à la fin des années 1970, qu'un rôle marginal, à représenter, au travers de leurs laboratoires, 70 % de la recherche publique ; en y ajoutant la conversion des universités à une logique contractuelle, qui résulte à la fois des contrats qu'elles passent avec l'Etat tous les quatre ans et de leur intégration dans les contrats de plan Etat-Région ; enfin, la révolution du système licence-master-doctorat (LMD), né du processus de Bologne et qui a contribué à faire évoluer l'offre de formation universitaire. Il a jugé que ces différentes mutations nécessitaient aujourd'hui une réforme profonde de la structure des universités et une approche renouvelée des compétences que celles-ci doivent exercer dans le domaine de leur budget, de la gestion de leurs ressources humaines et de celle de leur parc immobilier, pour répondre à l'ambition de faire des universités françaises des universités de référence en Europe.

a estimé ensuite que l'avant-projet de loi paraissait comporter des avancées significatives dans tous les domaines fondamentaux où des changements sont attendus.

Evoquant pour commencer la réorganisation de la gouvernance des universités, il a déploré que les conseils d'administration actuels soient pléthoriques dans leur composition et que leurs fonctions soient mal définies. Il a plaidé, en conséquence, en faveur d'une composition plus resserrée et d'un recentrage de leurs missions sur la définition des objectifs stratégiques.

Il a ajouté que, partout dans le monde, des conseils d'administration puissants appelaient en contrepartie la création de structures collégiales, qui constituent moins des contre-pouvoirs que des pouvoirs d'accompagnement ; ainsi, au sein des universités publiques américaines, le conseil d'administration et son président ont des pouvoirs très importants, mais sont flanqués d'un conseil académique qui dispose également de compétences significatives. Il a jugé qu'en France le renforcement des conseils d'administration devait bien entendu s'accompagner du maintien des structures collégiales et de la représentation des étudiants.

Il a souhaité, en conséquence, que la loi prévoie la possibilité pour le conseil d'administration de déléguer une partie de ses attributions à deux conseils : le conseil des études et de la vie étudiante et le conseil scientifique, qui devraient jouer un rôle d'orientation. Il a considéré cependant que la dimension fixée par l'avant-projet de loi au conseil d'administration était sans doute trop restreinte, avec 7 membres extérieurs et 13 membres choisis en interne, notamment pour les établissements universitaires généralistes. Il a proposé, en conséquence, que leur effectif puisse être modulé entre 20 et 30 membres, jugeant que d'une façon générale un effectif de 28 membres constituerait une dimension moyenne raisonnable.

Il s'est réjoui que l'avant-projet de loi apporte des réponses intéressantes au problème de l'élargissement des compétences des universités. Il a rappelé que les présidents d'université souhaitaient qu'en effet celles-ci reçoivent de nouvelles compétences et qu'en contrepartie, les résultats qu'elles obtiendraient fassent l'objet d'une évaluation au regard des objectifs que leur assigne l'Etat. Il s'est félicité des avancées que comporte le texte dans différents domaines :

- en matière financière, avec l'établissement d'un budget global ;

- en matière de gestion des ressources humaines, en permettant aux universités de recruter l'ensemble de leur personnel, y compris le personnel administratif, et pas seulement comme aujourd'hui les étudiants chercheurs, et en autorisant les universités à procéder à des recrutements au rythme de leurs besoins, en fonction d'un calendrier défini à l'échelle nationale ;

- en matière de gestion de leur parc immobilier, même si certaines universités rencontreront sans doute en ce domaine davantage de difficultés en raison de la dégradation de leurs bâtiments.

Il a souhaité que ce nouveau statut reconnu aux universités ne soit pas optionnel, estimant qu'il convenait de faire le pari que toutes les universités accèdent à l'autonomie et aux nouvelles compétences, à l'horizon de cinq ans. Il a estimé qu'à l'image de la réforme du LMD à laquelle on avait assigné un calendrier de cinq ans et qui avait finalement abouti en trois ans, la réforme de l'autonomie de l'université se réaliserait sans doute plus rapidement que prévu.

La Conférence des présidents d'université souhaite, en outre, que la loi consacre son statut juridique, regrettant que, pour l'instant, ne lui soient pas reconnues la personnalité morale et une existence propre, ce qui constitue une entrave pour conduire des partenariats avec les autres réseaux universitaires européens, ou pour être représentée au sein de grandes structures nationales comme, par exemple, l'Agence nationale pour la recherche.

Un débat a suivi l'exposé de M. Michel Lussault.

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