En effet ! J'en viens à présent au bilan financier. Les chiffres clefs de la campagne sont éloquents. Si son coût - évalué autour de 700 millions d'euros - est inférieur de moitié aux estimations initiales, il reste très élevé, rapporté au nombre de personnes vaccinées ; 5,36 millions seulement : cela fait plus de 110 euros par personne vaccinée.
L'analyse de la Cour sur les contrats d'acquisition des vaccins recoupe très largement la nôtre : elle souligne les procédures contestables, le déséquilibre des contrats, les clauses exorbitantes imposées à l'administration et l'absence de garantie sur les délais de livraison. En revanche, la Cour considère que le conditionnement en multidoses a été imposé par les fournisseurs, ce dont je ne suis pas persuadé car les appels d'offres de 2005 prévoyaient déjà un tel conditionnement, avec la possibilité de disposer d'une partie des commandes en monodoses. Autre nuance, la Cour minimise un peu le transfert de responsabilité des producteurs à l'Etat, qui a bel et bien garanti la responsabilité des producteurs du fait des produits défectueux et aurait dû supporter le coût des indemnisations en cas d'effets indésirables ou d'inefficacité des vaccins - ce dernier risque étant sans doute celui dont les producteurs souhaitaient surtout se protéger...
La Cour a enfin eu l'impression d'une certaine absence de volonté de négocier, par exemple sur les clauses de révision ou sur les prix. Je crois cependant qu'il faut admettre que ce n'était guère possible. François Autain m'opposerait peut-être l'exemple de la Pologne : reste que le gouvernement d'un pays comme la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l'Allemagne ne pouvait pas choisir de ne pas acheter de vaccins. Il me semble, comme l'a préconisé notre commission d'enquête, que la principale leçon à tirer de cette expérience est la nécessité d'agir au niveau européen pour améliorer notre capacité de négociation et encadrer les clauses de tels contrats.
La Cour constate que la résiliation d'une partie des commandes a permis une importante économie mais que cette résiliation aurait dû être plus rapide et plus importante. Cependant, comme Didier Houssin l'avait dit à mi-mot, le Gouvernement a craint une interruption immédiate des livraisons. On était au début du pic de la pandémie et au moment de l'éphémère affluence dans les centres de vaccination : le doute était permis.
La discussion de la loi de financement de la sécurité sociale nous a donné l'occasion de prendre la mesure du sur-financement de l'Eprus par l'assurance maladie, que le rapport critique à juste titre et que le Parlement a sanctionné en supprimant la dotation pour 2011 de l'assurance maladie à l'Eprus. La loi de financement a aussi permis de réajuster la contribution de l'assurance maladie complémentaire, qui a été affectée, comme l'avait souhaité le Sénat, à l'assurance maladie et non à l'Eprus. Il n'est pas admissible que l'Etat demande à l'assurance maladie de préfinancer les achats de vaccins alors que l'on pouvait recourir aux procédures d'urgence prévues par la Lolf et qu'il aurait été possible de s'en préoccuper avant le mois de juillet. Il est absolument nécessaire de compléter le plan « Pandémie grippale » par un volet financier.
L'enquête de la Cour des comptes complète et rejoint nos analyses ; riche d'enseignements, elle offre de nombreuses pistes pour tirer les leçons de la pandémie et améliorer notre dispositif de réponse aux crises sanitaires.