Vous avez parlé, monsieur Fischer, d'hyper-austérité. Mon sentiment est que ce projet de loi constitutionnelle est justement là pour éviter une telle austérité à laquelle nous pourrions un jour être amenés en cas de perte de notre indépendance nationale. Le but de ces règles est d'échapper aux déboires que connaissent nos amis grecs ou portugais, qui ont dû accepter une hyper-austérité décidée ailleurs, car il n'y avait plus personne pour financer leur endettement.
Comment parvenir à l'équilibre ? En jouant sur les dépenses et sur les recettes.
Du côté des recettes, il y a encore du travail à faire. La pression fiscale dans notre pays est globalement plus lourde que chez certains de nos voisins, mais certaines voies d'eau doivent encore être colmatées. J'invite le Parlement à se pencher sur les niches fiscales et aussi sur certains taux de TVA. Les niches sont un univers immense, et selon que l'on est de gauche ou de droite, on attaque les unes et on préserve les autres, et réciproquement. Il faut tailler des deux côtés pour que notre fiscalité réponde aux besoins de notre pays, puisqu'il s'agit de financer des dispositifs d'aide sociale et de sécurité sociale dont nous voulons qu'ils restent les meilleurs du monde. Pour cela, il faut mettre les recettes à niveau, mais aussi travailler sur les dépenses.
Quand j'ai parlé de « resserrer les mailles du filet », ce qui a chagriné M. Fischer, j'avais en tête toutes ces dépenses qui contribuent subrepticement à nos déséquilibres. Certains opérateurs publics recourent à l'emprunt en faisant croire au marché, sous prétexte qu'ils sont publics, qu'ils sont couverts par le souverain. Ils imposent à l'Etat, en dehors de toute autorisation parlementaire, de lourdes charges à terme. Ces opérateurs devraient ne pouvoir avoir recours au marché qu'avec l'autorisation fournie par un décret du ministère des finances.
Bien d'autres mesures pourraient être prises sans écraser les classes moyennes : vous avez cité l'excellent rapport de l'OCDE qui critique notre politique de financement du logement : nous dépensons presque deux fois plus que la moyenne des pays européens en matière d'aide au logement et nous sommes loin d'être aussi efficaces que nos voisins. Il y a donc là matière à réexaminer la question. La dépense publique doit soutenir ceux qui en ont véritablement besoin, alors que les dispositifs en place aident ceux qui pourraient se passer de cette aide, tandis que les mesures en faveur des plus pauvres se réduisent comme peau de chagrin.
J'en viens aux dépenses de santé : je comprends les frustrations qui ont été exprimées. J'observe néanmoins que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est de mieux en mieux respecté, grâce au travail et à l'action du Parlement. Peut-être même l'équilibre aurait-il été atteint si la crise ne s'était pas produite. Nous savons que les dépenses de santé vont continuer à croître pour des raisons strictement démographiques et technologiques. La discipline financière est donc nécessaire pour conserver la qualité de ce système. Cela dit, de grands progrès ont été réalisés ces dernières années, même si beaucoup reste encore à faire.
Ce qui est en cause, ce n'est pas simplement le rôle des marchés, mais surtout notre indépendance et nos enfants. Ce dispositif fait donc oeuvre de salubrité publique.
J'en viens à la remarque de M. Vasselle : le déficit du budget de l'Etat est souvent lié à des circonstances conjoncturelles qui échappent au contrôle du Parlement et même du Gouvernement. Des règles plus sévères pourraient néanmoins améliorer la maîtrise des dépenses publiques. Du côté des collectivités territoriales, le groupe de travail présidé par Gilles Carrez et Michel Thenault a fait des propositions qui vont dans le bon sens.