Intervention de Gilbert Barbier

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 janvier 2007 : 1ère réunion
Santé — Adaptation au droit communautaire en matière de médicament - examen du rapport

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier, rapporteur :

Après avoir rappelé que l'harmonisation des règles européennes dans le domaine du médicament a débuté en 1965, M. Gilbert Barbier, rapporteur, a souligné qu'une nouvelle étape a été franchie en 2004 par l'adoption d'un « paquet médicament » constitué d'un nouveau règlement et de trois directives consacrées respectivement aux médicaments à usage humain, aux médicaments traditionnels à base de plantes et aux médicaments vétérinaires. Cette réforme voulait répondre à l'arrivée sur le marché de médicaments innovants et à la multiplication des produits à finalité sanitaire. Elle a été élaborée selon la procédure de codécision associant le Parlement européen et le Conseil.

Le présent projet de loi vise principalement à assurer la transposition des mesures législatives de la directive 2004/27 du Parlement et du Conseil du 31 mars 2004, modifiant une précédente directive de 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette opération aurait d'ailleurs dû être réalisée au plus tard le 30 octobre 2005. Le Gouvernement entend en outre utiliser ce texte pour demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances les mesures de transposition nécessaires à cinq autres directives et éviter ainsi que la France ne se voie à nouveau condamnée par la cour de justice des communautés européennes (CJCE) en raison du retard accumulé en la matière.

a estimé que le premier apport positif du projet de loi réside dans la clarification qu'il apporte à la notion de médicament pour tenir compte des évolutions scientifiques récentes. Seront désormais considérés comme des médicaments, au sens juridique du terme, outre les produits issus de la thérapie génique et cellulaire, les produits radiopharmaceutiques et certains médicaments à usage local. A contrario, la qualité de médicament ne sera pas reconnue aux compléments alimentaires, aux produits diététiques, aux cosmétiques ou aux dispositifs médicaux.

Le projet de loi consacre également le médicament générique, dont la composition qualitative et quantitative est identique à celle des substances actives et qui présente la même forme pharmaceutique que la spécialité de référence. Sa bioéquivalence doit être démontrée par des études appropriées et la directive 2004/27/CE apporte sur ce point des réponses claires à un certain nombre de questions. Ainsi, concernant la durée de l'exclusivité dont bénéficie le titulaire du médicament princeps, le demandeur ne sera désormais plus tenu de fournir les résultats des essais cliniques s'il peut démontrer que la spécialité qu'il produit constitue le générique d'un médicament de référence autorisé depuis au moins huit ans. Cette procédure ne fait toutefois pas obstacle au maintien d'un délai de dix ans, à compter de l'autorisation initiale de mise sur le marché du médicament de référence, pour lancer la commercialisation d'un générique.

Le deuxième apport majeur du texte concerne la révision des procédures de mise sur le marché : la procédure centralisée d'autorisation s'appliquera désormais aux médicaments orphelins, ainsi qu'aux médicaments à usage humain contenant une substance active nouvelle qui n'ont jamais été autorisés dans l'Union européenne et destinés au traitement du sida, du cancer, du diabète ou d'une maladie neurodégénérative. En introduisant en droit communautaire la notion de caducité d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), la directive 2004/27/CE précise que cette AMM est délivrée pour une durée de cinq ans et que le produit en question doit faire l'objet d'une réévaluation du rapport bénéfice-risque à l'issue de cette période. En revanche, une fois le premier renouvellement accordé, l'autorisation demeure acquise pour une durée indéterminée.

Le renforcement de l'indépendance des experts et la transparence accrue des travaux menés par les agences sanitaires constituent le troisième apport de la directive 2004/27/CE. Le récent rapport d'information de la commission consacré à l'analyse des conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments a d'ailleurs souligné la nécessité de mieux appliquer ces principes en droit français.

En conséquence, trois obligations pèseront désormais sur l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) :

- l'agence devra publier une synthèse des dossiers d'autorisation de tout nouveau médicament, sous la forme d'un rapport public d'évaluation présentant les essais menés et leur actualisation, après délivrance de l'autorisation, ainsi que les motivations de sa décision. M. Gilbert Barbier, rapporteur, a alors fait valoir que l'Afssaps n'a pas attendu l'entrée en vigueur des nouvelles exigences imposées par la réglementation européenne pour instituer ce rapport et le mettre en ligne, une fois l'autorisation signée et notifiée à son titulaire ;

- l'agence devra publier son règlement interne, celui de ses commissions, l'ordre du jour et les comptes rendus des réunions, assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires ;

- elle devra enfin, dans le souci de prévenir les conflits d'intérêts avec les experts travaillant pour son compte, obtenir une déclaration annuelle de la part de tous ses agents, et non plus uniquement des membres des commissions ou des vacataires recrutés dans le cadre de l'instruction des dossiers.

Le quatrième apport de la directive réside dans l'amélioration du cadre des relations entre les entreprises pharmaceutiques, les prescripteurs et les patients. Le projet de loi confirme en conséquence le principe d'une réglementation restrictive pour la publicité du médicament et précise strictement les conditions dans lesquelles des échantillons de médicaments ou autres avantages seront susceptibles d'être accordés par les laboratoires aux professionnels de santé.

Enfin, des moyens d'action juridiques supplémentaires seront accordés à l'Afssaps pour remplir ses missions. Les autorités sanitaires pourront désormais demander directement aux industriels, et à titre gratuit, la transmission d'échantillons de produits, même en dehors des procédures d'inspections qu'elles lancent.

a ensuite indiqué qu'au-delà de ces dispositions techniques de transposition, le projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, non seulement pour transposer cinq autres directives européennes, mais également pour intervenir dans plusieurs domaines du droit de la santé.

Soulignant l'importance des retards de transposition en droit interne qui conduisent fréquemment la Commission européenne à engager à l'encontre de la France des procédures pouvant déboucher sur le paiement de lourdes astreintes financières, il s'est prononcé en faveur de cette habilitation. Les cinq directives interviennent dans des domaines très divers de la santé publique : les normes de qualité et de sécurité applicables au sang humain, les produits cosmétiques, les normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules humains, les médicaments traditionnels à base de plantes et les médicaments vétérinaires.

Il a formulé, en revanche, des réserves sur les autres demandes d'habilitation du Gouvernement portant sur les dispositions du code de la santé publique relatives aux autorisations d'importation des médicaments à usage humain, aux insecticides et acaricides destinés à l'homme, aux aliments diététiques et à l'exercice des pouvoirs d'enquête de l'Afssaps.

De plus, il a fait observer que la durée demandée pour cette habilitation est de huit mois : si ce délai est acceptable pour la transposition des directives européennes, dans la mesure où cette obligation s'impose aux pouvoirs publics, il semble excessif pour les autres mesures envisagées. Ne serait-il pas singulier que le Parlement autorise le recours aux ordonnances au-delà du terme de la législature par un gouvernement encore indéterminé ? Certes, aucune disposition constitutionnelle ne s'y oppose expressément, mais il proposera de ramener ce délai à trois mois et d'enlever du champ de l'habilitation la demande relative aux sanctions administratives et aux dispositions pénales, qui ne lui paraît pas justifiée.

Par ailleurs, le projet de loi vise à donner une existence juridique aux actions d'accompagnement des patients réalisées par les laboratoires depuis 2001. Inspirés de pratiques américaines, ces programmes sont engagés par les entreprises pharmaceutiques pour assister les personnes souffrant de pathologies lourdes, comme l'ostéoporose ou la sclérose en plaques, et dont le traitement nécessite un apprentissage spécifique. Les laboratoires souhaitant recourir à cette méthode ont pris la précaution de saisir l'Afssaps de leur demande. Celle-ci a donc chargé sa commission de la publicité de déterminer si une telle démarche correspond bien à un service rendu aux malades. Huit dossiers ont reçu un avis favorable mais les autorités sanitaires en ont rejeté sept autres, dont le contenu a été jugé de nature promotionnelle. En définitive, l'Afssaps a fait oeuvre utile en acceptant de se saisir de cette question et appliqué une réelle sélectivité en ne donnant son accord que dans un cas sur deux.

Après avoir attiré l'attention sur le faible nombre de dossiers examinés - quinze en cinq ans -, M. Gilbert Barbier, rapporteur, a précisé que le ministère de la santé, comme d'ailleurs l'Afssaps, ont jugé nécessaire de définir un cadre juridique approprié pour réglementer ces programmes d'accompagnement qui ont suscité un certain nombre de polémiques. Dans ce contexte, il a estimé qu'y procéder par ordonnance ne constitue peut-être pas le moyen juridique le plus satisfaisant. Fort heureusement, l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle définition des contours de l'ordonnance attendue, qui lève les malentendus et témoigne qu'il n'a jamais été question, pour les pouvoirs publics, d'autoriser la surveillance des patients à domicile par les entreprises pharmaceutiques. Le rapporteur proposera d'ailleurs de renforcer encore la disposition de protection des patients.

Enfin, M. Gilbert Barbier, rapporteur, a présenté deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale portant sur l'usage du titre de psychothérapeute, qu'il s'est étonné de voir figurer dans un texte intégralement consacré au médicament.

Ces dispositions ont pour objet, d'une part, de créer une commission régionale chargée de valider les dossiers des professionnels exerçant depuis au moins trois ans sous la dénomination de « psychothérapeute », d'autre part, de préciser que la formation à la psychopathologie clinique, prévue par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, ne pourra être assurée que dans un cadre universitaire.

La création d'une telle commission peut sans doute s'avérer utile pour faciliter l'application de la nouvelle réglementation, mais elle bouleverse l'équilibre du texte adopté en 2004, qui renvoyait la détermination des règles transitoires au pouvoir réglementaire. Plus encore, la seconde mesure remet en cause l'ensemble de la négociation conclue entre le Gouvernement et les différents acteurs du secteur prévoyant que ces formations pourraient être assurées soit à l'université, soit dans des organismes privés agréés par l'Etat. Elle lui semble donc très contestable.

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