La Commission européenne, après un cinquième rapport en novembre 2010, a ouvert une consultation sur la politique de cohésion jusqu'au 31 janvier 201l. Dans ce cadre, notre commission a confié à M. Sutour et moi même le soin de tracer les grandes orientations de cette politique durant la prochaine période de programmation, comme nous l'avions fait en 2004. Notre rapport, adopté le 26 janvier dernier, se concluait par un plaidoyer pour une politique ambitieuse de cohésion.
Avec un budget en stagnation, la tentation est grande d'amputer l'enveloppe de 347 milliards allouée à la cohésion pour financer de nouveaux objectifs. La valeur ajoutée de cette politique est pourtant reconnue : 1,4 million d'emplois créés, 38 000 projets de recherche soutenus, 4 000 kilomètres de rail et 2 000 de routes et 23 millions de personnes raccordées à des systèmes de traitement des eaux usées entre 2000 et 2006. Au-delà de ce bilan chiffré officiel, elle présente l'avantage, par rapport aux politiques sectorielles de l'Union, d'encourager des stratégies intégrées de développement régional et orientées vers des objectifs communs dans un cadre financier stable - sept ans - et complémentaire de l'investissement national. Elle assure 25 % de l'investissement public dans les régions françaises métropolitaines. Sa renationalisation serait une impasse.
Le réalisme financier commande toutefois de modifier ses règles. Conséquence des élargissements de 2004 et de 2007, le PIB moyen par habitant a baissé de plus de 10 % dans l'Union ; le centre de gravité de la politique de cohésion s'est déplacé vers l'Est. Seize régions, sur les 84 relevant actuellement de l'objectif « convergence », devraient en sortir, ce qui engendrera une économie évaluée à près de 50 milliards. Cependant, le PIB des nouveaux États membres ayant sensiblement progressé, le maintien à son niveau actuel du plafond décidé en 2006 pour adapter les transferts à la capacité d'absorption de ces États - règle du capping correspondant à un plafond de 3 à 4 % du PIB - occasionnerait un surcoût de 75 milliards. Bel exemple du caractère complexe, contradictoire, voire tortueux de la politique européenne... D'où la nécessité d'un rééquilibrage de la politique de cohésion au profit des États contributeurs nets.
Pour ce faire, il faut revoir à la baisse la règle du capping - le faible taux de consommation des fonds dans plusieurs nouveaux États membres plaide en ce sens - et augmenter l'intensité de l'aide en direction des régions ne relevant pas de l'objectif « convergence ». La France, deuxième contributeur net au budget européen, derrière l'Allemagne, a vu son solde net négatif multiplié par 13 en dix ans pour atteindre 5 milliards. L'impératif est de ne pas dégrader encore ce solde net. D'autant que la France cessera probablement d'être bénéficiaire nette au titre de la PAC du fait de l'application de celle-ci aux nouveaux États membres après 2013. Dans les négociations, la France ne peut donc s'en tenir à la seule PAC.
La Commission européenne propose de redéployer des crédits de l'objectif « convergence » vers l'objectif « compétitivité », seul volet de la politique de cohésion pour lequel notre pays est bénéficiaire net. Ce projet représente une chance pour toutes les régions françaises, en particulier celles qui deviendraient éligibles au surcroît d'aide envisagé pour les nouvelles régions intermédiaires. Saisissons-nous-en.