a souligné que l'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des affaires sociales est riche d'enseignements et intervient à point nommé pour infléchir l'action des pouvoirs publics, et notamment du Gouvernement. Dans quelques semaines, en effet, celui-ci présentera le plan national IST-VIH 2010-2013. Il est très souhaitable que les principales recommandations de la Cour puissent être prises en compte dans l'élaboration et l'exécution de ce nouveau plan national.
Cette étude de la Cour a tout d'abord le grand mérite de rappeler que, malgré les progrès considérables qui ont été faits dans la prise en charge sanitaire des patients, l'épidémie de VIH/Sida se poursuit.
Le développement des traitements antirétroviraux depuis 1995 a permis une diminution spectaculaire de la mortalité liée au VIH puisque le nombre de personnes décédées du sida a été de 358 en 2008, alors qu'il s'élevait à plusieurs milliers dans les années quatre-vingt-dix. Le nombre de nouveaux cas de sida déclarés a lui aussi diminué sensiblement. Ces évolutions positives ne doivent cependant pas cacher d'autres données plus préoccupantes : le nombre de détections de séropositivité et de nouvelles infections par le VIH reste important. Ainsi, en cinq années, le nombre de découvertes de séropositivité a, certes, diminué mais il semble connaître une stabilisation à un niveau encore très élevé, puisqu'il atteint 6 500 en 2008. Le nombre de nouvelles contaminations a été, pour sa part, estimé à environ 7 000. Ces chiffres généraux masquent d'importantes disparités puisque le nombre de contaminations ne diminue pas parmi les homosexuels masculins. En 2008, 2 500 d'entre eux ont découvert leur séropositivité et 3 300 environ ont été contaminés par le VIH.
Les personnes d'Afrique subsaharienne constituent, après les homosexuels masculins, une des populations les plus touchées par le VIH en France. Environ 1 000 d'entre elles ont été contaminées par le VIH en 2008 et 1 900 ont appris leur séropositivité. En ce qui concerne les usagers de drogues injectables, le nombre de nouvelles contaminations par le VIH et des découvertes de séropositivité est faible et a diminué depuis 2003. Enfin, en 2008, environ 2 000 femmes et hommes français ont été contaminés par le VIH suite à des rapports hétérosexuels, ce qui est loin d'être négligeable.
Un dernier élément particulièrement préoccupant réside dans le dépistage tardif d'un grand nombre de cas de séropositivité. Malgré un nombre de dépistages toujours très élevé en 2008, la moitié des personnes découvrent leur séropositivité à un stade où le déficit immunitaire est déjà important. Ces diagnostics tardifs constituent une perte de chance pour les personnes concernées, en raison du retard à la mise en route du traitement. Certaines personnes, en particulier les usagers de drogues et les hommes contaminés par rapports hétérosexuels, sont diagnostiquées plus tardivement que d'autres.
a ensuite présenté les conclusions et recommandations de la Cour des comptes, organisées autour de deux axes : intensifier les actions de prévention et de dépistage, d'une part, renforcer le pilotage de la politique conduite contre le VIH/Sida, d'autre part.
L'essentiel des dépenses consacrées à la lutte contre le VIH est actuellement destiné à la prise en charge sanitaire, ce qui ne peut étonner compte tenu du prix très élevé des traitements : la prise en charge sanitaire a coûté 1,1 milliard d'euros au seul régime général en 2008. Rapportées à ce niveau de dépenses, celles consacrées à la prévention et au dépistage présentent un caractère marginal, puisqu'elles s'élevaient à 54 millions d'euros environ. Même si cette comparaison n'a qu'une signification limitée, elle met en évidence la nécessité de renforcer la prévention.
A ce sujet, la Cour formule plusieurs propositions importantes. Elle recommande de mieux cibler la prévention sur les groupes à risques et de mettre en oeuvre des messages de prévention en direction des personnes séropositives. Le rapport récemment rendu par les professeurs France Lert et Gilles Pialoux sur la réduction des risques formule de nombreuses propositions pour renforcer la prévention et insiste notamment sur l'importance des traitements antirétroviraux comme méthode pour limiter la diffusion de l'infection, compte tenu de l'importance de la charge virale comme facteur de transmission.
La Cour recommande, par ailleurs, la mise en oeuvre d'une réglementation sanitaire des établissements de rencontre accueillant des activités sexuelles licites entre leurs clients. Elle constate en effet que ces établissements ne sont pas régis par une réglementation sanitaire qui imposerait à leurs exploitants d'inciter leurs clients à protéger leurs partenaires lors de rapports sexuels se déroulant dans leurs locaux ni, a fortiori, de sanctionner par une exclusion l'absence de respect des consignes de prévention. Pour pallier cette absence de réglementation, le ministère de la santé a encouragé la mise en place par le Sneg d'une structure de prévention qui favorise l'adhésion des établissements à une charte de responsabilité pour les engager notamment à afficher des messages de prévention et à mettre à disposition gratuitement les matériels de prévention. La Cour note cependant que tous les établissements n'adhèrent pas à la charte et qu'elle n'est pas appliquée de manière homogène.
A propos du dépistage, la Cour recommande de généraliser la proposition d'un dépistage sur une base volontaire. Cette proposition est conforme aux récentes préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS) en octobre 2009, ainsi qu'à celles formulées, dès 2006, par le conseil national du sida (CNS). Compte tenu de cette convergence de propositions tendant à élargir le dépistage pour limiter le nombre de patients qui découvrent leur séropositivité à un stade avancé de l'immunodépression ou lors des premiers symptômes cliniques du sida, il apparaît nécessaire de définir rapidement les modalités selon lesquelles cette proposition de dépistage à l'ensemble de la population sexuellement active pourrait être organisée.
La Cour a par ailleurs proposé de fusionner les dispositifs des centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) et des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des IST (Ciddist). La dualité des structures est, de fait, aujourd'hui anachronique et source d'incohérences. Tous les CDAG ne dépistent pas les IST, tandis que certains Ciddist ne dépistent pas le VIH. Les financements de ces centres sont également distincts, puisque les CDAG sont financés par l'assurance maladie et les Ciddist par le budget de l'Etat, certains conseils généraux maintenant des contributions volontaires. La proposition de fusion émise par la Cour est conforme à celle de plusieurs groupes de travail et institutions sur ce sujet et devrait donc être rapidement mise en oeuvre.
Le second axe essentiel des observations formulées par la Cour des comptes concerne le pilotage global par le ministère de la santé de la politique de lutte contre le VIH/Sida. Sur ce sujet, la juridiction financière met en évidence quelques faiblesses de l'organisation administrative ainsi qu'une certaine dilution des crédits accordés aux associations.
Elle relève en particulier l'insuffisante interdirectionalité de cette politique, la direction générale de la santé conduisant de manière sans doute trop solitaire le pilotage au sein du ministère de la santé. Par ailleurs, la dimension interministérielle de la lutte contre le VIH est trop négligée et l'intervention des ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice est insuffisante. En outre, la Cour relève que le CNS, dont les travaux font pourtant autorité, n'est plus saisi de demandes d'avis de la part du gouvernement depuis 2003 et qu'il n'a pas été consulté sur les deux derniers plans pluriannuels de lutte contre le VIH. Il est souhaitable que cette situation évolue pour le prochain plan pluriannuel. Il faut également relever que les plans pluriannuels s'échelonnent imparfaitement dans le temps, puisque le dernier plan s'est achevé en 2008 et que le nouveau programme ne sera présenté que dans quelques semaines.
Enfin, la Cour formule deux observations importantes à propos des subventions accordées aux associations : d'une part, le ministère de la santé peine à connaître la manière dont sont utilisées les subventions accordées au niveau local par les groupements régionaux de santé publique (GRSP), ce qui rend difficile l'évaluation de l'efficacité de ces dépenses ; d'autre part, la structure des subventions accordées au niveau local fait apparaître une forte dispersion. La Cour considère que la dispersion des concours aux associations emporte d'importantes déséconomies d'échelle. Il est souhaitable que le transfert prochain des compétences des GRSP aux nouvelles agences régionales de santé (ARS) permette de faciliter une remontée vers le ministère des informations relatives à l'utilisation des subventions accordées dans le cadre régional et de limiter la dispersion de ces subventions pour renforcer leur efficacité. Ceci étant, l'audition des associations a aussi montré que le critère essentiel doit demeurer celui de la qualité des projets, certaines petites structures menant des actions qui ne sont pas prises en charge par les plus importantes.
En définitive, l'enquête réalisée par la Cour des comptes se révèle particulièrement utile et devrait être dès à présent prise en considération dans le cadre de la préparation du plan national IST-VIH 2010-2013, qui sera prochainement présenté par le Gouvernement. Il serait souhaitable que la commission puisse entendre prochainement la ministre de la santé afin de l'interroger sur le contenu du plan national et le suivi des recommandations formulées par la Cour.