Au nom de la Faider, je vous remercie de votre invitation : c'est l'une des premières fois que s'exprime, dans cette enceinte, la position des épargnants futurs retraités.
Nous estimons qu'il est vain d'espérer maintenir le taux de remplacement actuel par le seul mécanisme de la répartition. Les prévisions démontrent qu'à l'horizon 2030-2050, le système de retraite par répartition, même agrémenté de mesures techniques, « paramétriques », ne saurait suffire à maintenir les pensions à leur niveau actuel, quand bien même on taxerait davantage les revenus de l'épargne, qui sont déjà la variable d'ajustement des besoins financiers de l'État. Une taxation accrue aurait pour effet de compromettre la confiance des épargnants, qu'il ne faut pas mettre en péril. Il convient de stabiliser cette taxation. Aussi nous semble-t-il indispensable d'inciter davantage à l'épargne-retraite, pour qu'un système de retraite par capitalisation complète notre système par répartition.
Entre les différents dispositifs d'épargne retraite, la rente viagère nous semble mériter une attention particulière. Elle n'a pas bonne presse, parce qu'elle est injustement assimilée à une spoliation - comme si le capital avait disparu à l'extinction de la rente, ce qui est faux - et parce que l'opinion conçoit difficilement le calcul actuariel sur lequel la rente repose. Ce calcul correspond très exactement au remboursement du capital initial, distribué sur les années restant à vivre calculées en fonction de l'espérance moyenne de vie. Le retraité reçoit ainsi sur cette durée des arrérages annuels ou mensuels qui correspondent au remboursement du capital et à sa rémunération sous la forme d'un intérêt.
Pour encourager la rente viagère et la rendre plus attractive, nous proposons d'abord de la renommer « revenu à vie », puisque ce revenu est versé toute la vie et qu'il est le seul à garantir contre le « risque longévité », s'il est permis de qualifier ainsi la chance de vivre plus longtemps.
En fait, les calculs démontrent qu'il est devenu indispensable de mobiliser l'assurance-vie pour assurer un complément de retraite. D'après les calculs des caisses de retraite (CNAV, Agirc, Arrco), à supposer que les prestations puissent être maintenues à l'identique, le taux de remplacement diminuerait de 10 % pour les cadres moyens hommes d'ici 2030 et de 5 % pour les cadres femmes. Pour assurer un taux de remplacement équivalent à celui d'aujourd'hui pour les presque quatre millions de cadres, et compte tenu du salaire moyen, les caisses devraient disposer de 17 milliards d'euros supplémentaires par an.
Pour combler ce besoin annuel de 17 milliards d'euros, il faudrait mobiliser un capital de 400 à 450 milliards d'euros valeur 2009. Or, l'encours des produits d'épargne spécifiquement consacrés à la retraite est encore très faible : 5 milliards pour le Perp et 3 milliards pour le Perco créé par la loi Fillon. Quelle que soit la volonté de diffuser ces produits, l'écart à combler est trop important.
Reste, donc, à mobiliser l'assurance vie, qui représente un encours de 1 300 milliards d'euros, dont 125 milliards sont d'ores et déjà consacrés à l'épargne-retraite. Il resterait à mobiliser 300 milliards d'euros supplémentaires - valeur 2009 -pour combler le déficit prévisible des caisses. Or, 30 % à 50 % des titulaires de contrats d'assurance-vie déclarent y souscrire pour préparer leur retraite : il y aurait ainsi 400 à 600 milliards d'euros déjà investis en assurance-vie, qui pourraient être consacrés au « revenu à vie ».
Nous proposons d'encourager la sortie de l'assurance-vie en rente, en « revenu à vie », et non en capital, lors de la liquidation de la retraite, dans des proportions à déterminer par la loi. Un capital peut cependant être utile au moment de prendre sa retraite pour rembourser le solde d'un emprunt ou faire face à des dépenses exceptionnelles : c'est pourquoi nous proposons également un aménagement du Perp, pour rendre possible la sortie en capital jusqu'à 20 % de l'épargne acquise.
Nous proposons aussi que l'employeur puisse abonder le Perp, comme c'est déjà possible pour le Perco : M. le rapporteur général s'est également prononcé pour cette faculté, qui est l'une des clés du succès du Perco.
Le Perp bénéficie en outre d'un avantage fiscal à l'entrée, ce qui est peu attractif pour les jeunes et les salariés modestes, tandis que la rente future est taxée au taux plein. Pour les inciter davantage à préparer leur retraite, nous proposons que l'État leur verse un « chèque retraite crédit d'impôt » directement sur un Perp, d'un montant équivalent à l'avantage fiscal consenti aux épargnants imposables lors des premières années de souscription au Perp. Cette épargne serait alors véritablement populaire, à l'exemple de la Riester-Rente allemande, autrement dit les primes d'encouragement à l'épargne-pension.
Nous proposons encore, au nom de l'équité, un toilettage fiscal et social. Il conviendrait ainsi, selon nous, de mettre fin à la double imposition, à la « double peine » qui frappe l'épargne ainsi investie, puisque la rente est assujettie à des prélèvements sociaux, qui ont déjà pesé sur le capital lors de la souscription.
Nous proposons également d'aménager la fiscalité de l'assurance-vie - qui est moins une niche fiscale que, comme l'a dit le rapporteur général de l'Assemblé nationale, un « produit à fiscalité particulière » - de telle façon que l'exonération de taxation forfaitaire à 7,5 %, dont bénéficient les sorties en capital effectuées par les assurés placés en retraite anticipée, soit étendue à toute personne liquidant ses droits à la retraite : ce serait inciter davantage les épargnants à conserver leur contrat d'assurance vie jusqu'à leur retraite.
Enfin, nous proposons d'exonérer d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux la sortie partielle d'assurance-vie en rente, ce qui reviendrait à l'aligner sur la fiscalité du Perp, ceci dans des plafonds à définir dans la loi et en limitant l'avantage aux détenteurs de contrats souscrits plus de dix ans avant la retraite, pour éviter les effets d'aubaine. Cela permettrait d'assurer par ce complément de revenu un taux de remplacement, qui, sans être le taux actuel, correspondrait à un niveau global à déterminer.