Intervention de Bernard Kouchner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 décembre 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Kouchner ministre des affaires étrangères et européennes

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

a tout d'abord évoqué la visite en France du colonel Kadhafi, en rappelant que la Libye était aujourd'hui un Etat en cours de réintégration au sein de la communauté internationale. Elle a d'ailleurs été désignée à l'unanimité par son groupe géographique pour devenir membre du Conseil de sécurité des Nations unies, dont elle exercera la présidence au mois de janvier 2008. En 2003, le renoncement de la Libye au terrorisme et à son programme nucléaire militaire a été largement salué. Depuis lors, un très grand nombre de pays ont repris les contacts avec les dirigeants libyens, la visite du président Chirac à Tripoli en 2004 en étant un exemple parmi d'autres. Lors du Conseil affaires générales et relations extérieures du 10 décembre, l'Union européenne s'est félicitée des perspectives de conclusion d'un accord-cadre dans lequel elle voit un tournant de ses relations avec la Libye. Il faut rappeler qu'avant d'arriver à Paris, le colonel Kadhafi s'était rendu au Portugal et qu'il poursuivra sa visite en Europe par un séjour en Espagne.

a estimé que la France avait d'autant moins de raisons de se refuser à recevoir le Chef d'Etat libyen qu'elle a précisément témoigné de son engagement fort en matière de défense des Droits de l'homme, en oeuvrant de manière décisive à la libération des infirmières bulgares. Cette libération constituait d'ailleurs une condition indispensable à l'intensification des relations bilatérales.

a ajouté qu'il était pour autant légitime d'exprimer les réticences que peut inspirer le régime libyen du point de vue des Droits de l'homme. Il a indiqué qu'à titre personnel, il avait douloureusement ressenti la disparition en Libye de l'imam libanais Moussa Sadr, fondateur du mouvement chiite des déshérités. Il a souligné que les autorités françaises, à l'occasion de cette visite, marqueraient très clairement leurs préoccupations en matière de respect des Droits de l'homme, comme elles l'avaient fait, lors des récentes visites du Président de la République et lors de ses propres visites en Chine et en Russie. Il a estimé que dans une économie mondialisée, la France ne pouvait se permettre d'exclure toute relation avec certains partenaires importants, mais qu'elle ne devait pas pour autant renoncer à affirmer ses valeurs. Il a d'ailleurs précisé qu'il comptait renforcer le rôle des ambassades comme « maisons des Droits de l'homme », relais de la politique française de défense et de promotion des Droits de l'homme.

a ensuite abordé la question du Kosovo, en indiquant que le Conseil affaires générales du 10 décembre avait pris acte de l'impossibilité de trouver une solution acceptée par la Serbie et les représentants du Kosovo, en dépit du délai supplémentaire laissé à la négociation à l'initiative de la France. Les Européens s'accordent à considérer que l'indépendance du Kosovo est inéluctable, même si certains d'entre eux ont indiqué que pour des raisons nationales, ils ne pourront pas reconnaître une déclaration unilatérale d'indépendance. Il importe donc de maintenir une unité d'expression de l'Union européenne respectant la diversité des positions des Etats-membres, puisque certains reconnaîtront l'indépendance du Kosovo et d'autres pas. En tout état de cause, il est très souhaitable qu'aucune décision n'intervienne avant les élections présidentielles prévues en Serbie fin janvier et début février, sauf si celles-ci devaient être reportées.

Le ministre des Affaires étrangères et européennes a souligné que le maintien d'une présence internationale au Kosovo posait un double problème de légalité et de responsabilité. Si l'on devrait, sur le plan juridique, continuer à s'appuyer sur la résolution 1244, il est important que la responsabilité des Européens, pour une question qui relève de l'Europe au premier chef, soit clairement établie. Il est fondamental qu'un accord puisse intervenir au Conseil européen du 14 décembre sur l'envoi d'une mission de police et de justice européenne qui prendrait le relais de la mission des Nations unies instaurée en 1999. Le débat prévu le 19 décembre au Conseil de sécurité sous présidence italienne sera vraisemblablement difficile. En tout état de cause, il faut être en mesure de faire face à tout incident ou toute provocation, afin d'éviter des affrontements ou un exode des populations serbes du Kosovo. Parallèlement, il est nécessaire que l'Union européenne marque clairement sa volonté de considérer la Serbie comme un candidat à l'adhésion.

a ensuite évoqué le nouvel ajournement de l'élection présidentielle au Liban. Il a donné des précisions sur les difficultés liées à la nécessité de réformer la Constitution pour permettre la candidature d'un haut fonctionnaire, l'opposition liant son appui à un accord politique plus global, à l'heure actuelle jugé inacceptable pour la majorité. Il a estimé que dans un contexte de fortes pressions extérieures, ces objections pouvaient apparaître comme un nouveau prétexte pour ne pas trouver d'issue à la crise politique. Il a cependant souligné que le départ du président Lahoud, l'absence de nouveau Président de la République, n'avait donné lieu à aucun trouble. Il a également jugé positif qu'un consensus ait été établi sur un candidat à la fonction présidentielle, en la personne du général Michel Sleimane. Enfin, il a indiqué qu'il serait difficile de progresser vers un règlement de la crise sans dialoguer avec la Syrie et l'Iran.

Le ministre des Affaires étrangères a ensuite salué les résultats de la conférence d'Annapolis, dans laquelle il a vu un succès notable insuffisamment reconnu. Il s'est notamment félicité de la perspective ouverte pour la conclusion, avant la fin de l'année 2008, d'un accord menant à la création d'un Etat palestinien. Il a souligné l'importance de la conférence des donateurs, qui se déroulera à Paris le 17 décembre, en indiquant qu'une attention particulière serait portée au contrôle, à la transparence et au suivi des projets, afin de s'assurer que les fonds leur seront directement affectés. Il a reconnu que l'Union européenne, comme d'ailleurs les autres parties au Quartette, ne figurait pas, aux côté des Etats-Unis comme garant du suivi du processus engagé à Annapolis, même si elle était représentée à la conférence par Javier Solana, Benita Ferrero-Waldner et Tony Blair. Il a néanmoins indiqué que le succès de la conférence et la dynamique engagée n'étaient pas une garantie d'aboutissement. Les réunions de Paris, puis celle vraisemblablement tenue à Moscou en 2008 devraient structurer et poursuivre le processus.

Evoquant le Darfour, M. Bernard Kouchner a fait part des obstacles entravant le déploiement des troupes de la MINUAD au Darfour, si bien qu'il ne sera pas effectif avant janvier, comme prévu dans la résolution 1769. Il a également précisé que le démarrage de l'opération européenne au Tchad, qui vise à apporter assistance aux personnes déplacées et à empêcher les incursions des milices dans les camps de réfugiés, butait sur un besoin de 14 hélicoptères actuellement non satisfait. Il a vivement regretté ces difficultés, alors que les problèmes de sécurité et la situation humanitaire continuaient à se dégrader en l'absence d'intervention internationale, en particulier au Tchad où 400.000 personnes déplacées sont concernées, selon l'organisation non gouvernementale OXFAM.

Enfin, il a indiqué que le sommet Union européenne-Afrique de Lisbonne avait permis de nouer des contacts utiles avec plusieurs dirigeants africains, dans le prolongement de la « diplomatie de la réconciliation » que la France entend promouvoir. Il a notamment cité le cas de la Côte d'Ivoire et du Rwanda. Il a également estimé que l'Europe devait prendre acte du rôle croissant joué par la Chine en Afrique et chercher à mener avec celle-ci des actions en commun.

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