a d'abord rappelé que la commission des lois s'était saisie pour avis des seuls articles 12 à 14 du chapitre VI du projet de loi relatif à la programmation militaire, modifiant les dispositions du code de procédure pénale, du code pénal et du code de la défense concernant les perquisitions judiciaires et le secret de la défense nationale. Il a relevé que ces modifications répondaient aux recommandations formulées par le Conseil d'Etat dans un avis du 5 avril 2007 et visaient à établir des règles procédurales garantissant un équilibre satisfaisant entre deux objectifs constitutionnels d'égale portée : la sauvegarde des intérêts de la nation et la recherche des auteurs d'infractions pénales.
Le rapporteur pour avis a observé que les éléments classifiés intéressant une procédure judiciaire pouvaient être obtenus par deux voies : la réquisition et la perquisition. Si la première ne risquait pas d'exposer le magistrat à l'infraction de compromission du secret de la défense nationale, tel n'était pas le cas de la seconde qui comporte deux difficultés :
- l'accès aux zones comportant des éléments classifiés -hormis l'accès aux enceintes militaires, régi par l'article 698-3 du code de procédure pénale- est susceptible d'exposer le magistrat au délit de compromission du secret de la défense nationale du seul fait de sa présence sur les lieux ;
- la connaissance de documents classifiés résultant d'opérations de perquisitions reste soumise, comme le Conseil d'Etat l'a indiqué dans son avis, à plusieurs incertitudes : le magistrat n'est pas, en principe, autorisé à accéder à ces documents (l'officier de police judiciaire ne saurait, par ailleurs, se prévaloir d'une habilitation au secret défense pour les recueillir) tandis que le dépositaire de ces éléments ne doit pas les communiquer, sauf à tomber sous le coup du délit de compromission. Selon le Conseil d'Etat, la protection de ces secrets « impose notamment que les pièces saisies, qui ne peuvent être versées au dossier de l'enquête avant une éventuelle déclassification, soient maintenues sur place et que le chef de service ou d'établissement soit désigné en tant que gardien des scellés ».
a indiqué que le projet de loi s'efforçait de répondre à ces difficultés. S'agissant de l'accès aux lieux, le texte distingue trois catégories :
- les lieux classifiés définis comme ceux « auxquels il ne peut être accédé, sans que, à raison des installations et des activités qu'ils abritent, cette accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Les modifications introduites par l'Assemblée nationale ont permis d'encadrer une notion qui, dans le projet de loi initial du Gouvernement, avait suscité de vives inquiétudes : d'une part, la décision de classification résulterait d'un arrêté du Premier ministre qui serait publié au Journal officiel et pris après avis de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) ; d'autre part, cette classification serait prise pour une durée de cinq ans ;
- les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale. Grâce aux modifications introduites par l'Assemblée nationale, le choix de ces lieux résulterait d'une procédure précise comportant trois garanties : ces lieux figureraient sur une liste établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre ; cette liste serait régulièrement actualisée et communiquée à la CCSDN ainsi qu'au ministre de la justice qui la rendraient accessible aux magistrats de façon sécurisée ; les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale seraient déterminées par décret en Conseil d'Etat ;
- les lieux neutres, soit tous ceux qui ne relèveraient pas des catégories précédentes et où, vraisemblablement, des informations classifiées se trouveraient de façon tout à fait irrégulière.
a présenté les conditions qui seraient requises pour une perquisition dans ces trois catégories de lieux :
- s'agissant des lieux classifiés, trois conditions seraient requises : la présence d'un magistrat et du président de la CCSDN, une décision écrite et motivée du magistrat transmise en amont au président de la CCSDN et une déclassification temporaire, totale ou partielle des lieux ;
- s'agissant des lieux abritant un secret de la défense nationale, deux conditions seraient requises : la présence du magistrat et du président de la CCSDN, la nécessité d'une décision écrite du magistrat, qui indiquerait au président de la CCSDN les informations utiles à l'accomplissement de ses missions -les raisons et l'objet de la perquisition lui étant communiqués au moment où celle-ci commence. Selon le rapporteur pour avis, ce dispositif ne devait traduire aucune défiance vis-à-vis de la CCSDN. En effet, selon lui, l'esprit d'indépendance et d'équilibre avec lequel le président de cette institution et les autres membres s'acquittent de leur mission garantit qu'un lien de confiance s'établisse tout au long de la procédure entre la CCSDN et l'autorité judiciaire. Il a noté qu'un dialogue pourrait ainsi s'engager dès le moment où les « informations utiles » seraient transmises au président de la commission consultative ;
- s'agissant des perquisitions amenant la découverte fortuite de documents classifiés dans les lieux neutres, le texte initial du Gouvernement qui prévoyait une suspension de la perquisition a été très opportunément modifié par les députés afin que la perquisition puisse se poursuivre et que soit simplement prévue la mise sous scellés des éléments classifiés.
a indiqué que le déroulement de la perquisition dans les lieux abritant des éléments classifiés et dans les lieux classifiés obéirait aux mêmes principes : seul le président de la CCSDN ou son représentant pourrait prendre connaissance d'éléments classifiés ; ces derniers seraient inventoriés puis placés sous scellés par le président de la CCSDN qui en deviendrait le gardien ; la déclassification et la communication des documents mentionnés dans l'inventaire interviendraient selon les règles actuelles prévues dans le cadre de la procédure de réquisition.
Le rapporteur pour avis a également noté que le projet de loi prévoyait de nouvelles incriminations liées à l'institution des lieux classifiés. Il a relevé que les députés avaient également souhaité prendre en compte le risque que les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale soient utilisés à des fins détournées pour dissimuler des éléments non classifiés et les soustraire ainsi au régime de perquisition de droit commun ; un délit créé par le texte permettrait de réprimer de tels faits.
En conclusion, M. François Pillet, rapporteur pour avis, a souligné que les modifications introduites par l'Assemblée nationale avaient beaucoup amélioré le texte des articles 12, 13 et 14 qui, dans sa rédaction initiale, n'était pas satisfaisant. Par ailleurs, il a relevé que le cadre juridique fixé par le projet de loi exclurait à l'avenir l'existence de lieux sanctuarisés et non identifiés comme tels. Il a ajouté que les procédures de perquisition s'inscrivaient dans une logique proche de celle retenue par l'article 56-1 du code de procédure pénale pour les avocats. En outre, ce dispositif conférait un rôle accru à la CCSDN dont chacun s'accordait à saluer le rôle qu'elle exerçait depuis sa mise en place en 1998.
Il a invité en conséquence la commission à proposer d'adopter sans modification les articles 12 à 14 du projet de loi.