a tout d'abord indiqué que la question de l' « après-Jeanne d'Arc » l'avait conduit à s'intéresser à la formation des marins.
Il a rappelé que le désarmement de la Jeanne d'Arc, le bâtiment-école qui est une pièce maîtresse dans notre dispositif de formation des officiers de marine, était proche. Ce bâtiment ne sera pas remplacé, obligeant à une réflexion globale sur l'organisation de la formation initiale des officiers et, au-delà, sur la formation des marins.
Plus largement, il a observé que les armées évoluaient aujourd'hui dans un environnement marqué par la part croissante des opérations interarmées, interalliées et internationales. Il fallait, à l'évidence, en tirer les conséquences en termes de formation.
Enfin, dans un contexte budgétaire difficile, le meilleur rapport coût/efficacité devait être recherché.
Il a indiqué qu'en sus de ses travaux sur le système français, il avait tenté un exercice de comparaison entre les systèmes français et britannique de formation des marins, les deux marines étant comparables en de nombreux points (vocation océanique, forces nucléaires, choix d'équipements, effort budgétaire et personnels).
Evoquant tout d'abord l'évolution des besoins de formation, il a rappelé que la marine était une armée d'ingénieurs et de techniciens. Les matériels, de plus en plus sophistiqués, et la réduction du format des équipages exigent des personnels adéquatement formés et polyvalents pour les mettre en oeuvre. Armée de petite taille, la marine forme de petits effectifs, dans un grand nombre de spécialités. Il en résulte, notamment, un coût de formation par marin double de celui des autres armées. La marine prévoit de consacrer en 2008, 286,5 millions d'euros à la formation de ses personnels, soit environ 10 % des crédits de préparation et d'emploi des forces navales.
a considéré que le principal défi, qui touche, lui, toutes les armées, tenait plutôt à l'évolution de notre société. La formation initiale en effet doit faire passer de l'état civil à l'état militaire des jeunes qui y sont moins préparés sinon moins disposés. Le système doit s'adapter à une population désormais différente.
Des méthodes pédagogiques plus interactives et faisant davantage appel aux nouvelles technologies sont nécessaires, tout comme l'accent mis sur le développement de qualités humaines telles que l'esprit d'équipage ou la formation au « leadership ».
C'est pourquoi le rapporteur a estimé que la partie initiale de la formation, celle où s'acquiert l'état militaire, devait relever de chacune des armées. On y acquiert non seulement un savoir-faire mais encore une culture et un sentiment d'appartenance qui font partie de l'attractivité du métier militaire. Ce dernier point sera de plus en plus décisif dans un contexte démographique où les jeunes entrants sur le marché du travail seront moins nombreux.
Il a indiqué que l'école navale, valorisant son implantation sur le site de Brest, avait ainsi fait le choix de développer son rayonnement dans le domaine maritime en nouant des partenariats avec des universités et des instituts de recherche, plutôt que de se rapprocher de ses homologues des autres armées. Elle a mis en place un institut de recherche spécifique, l'IRENAV, qui sert de cadre aux projets de recherche des élèves.
S'agissant d'une formation plus interarmées, c'est dans le domaine des spécialités que les perspectives de mutualisation étaient les plus évidentes.
Il a indiqué que ce processus avait été engagé : les personnels de maintenance aéronautique étaient formés à Rochefort par les soins de l'armée de l'air, les formations en langues étaient dispensées à Strasbourg sous tutelle de l'armée de terre et la marine accueillait, à Querqueville, les formations administratives et aux métiers de bouche de l'ensemble des armées et de la gendarmerie.
Il a cependant estimé que cette logique semblait pouvoir être poussée beaucoup plus loin, l'école des fourriers de Querqueville étant plus une colocalisation qu'une école interarmées : les équipes enseignantes locales sont certes interarmées, mais, pour les élèves, les cours restent dispensés par armée, les efforts, réels, des personnels de l'école, se heurtant à des différences d'organisation propre à chacune des armées. Une impulsion interarmées pour gommer les différences de calendrier de recrutement, de systèmes d'exploitation, de logiciels ayant le même objet, de procédures qui n'ont pas de justification opérationnelle, serait dans ce domaine éminemment souhaitable.
a précisé que les armées disposant d'une structure de dialogue, le comité de coordination de la formation recense les contenus des formations et les rapprochements possibles. Il semble cependant nécessaire de renforcer dans ce domaine l'impulsion donnée à ce mouvement ; au plus haut niveau, c'est-à-dire celui du chef d'état-major des armées. Il ne s'agit pas là de définir des contenus de formation, mais bien de lever les obstacles qui s'opposent à des rapprochements plus significatifs et plus profitables.
Evoquant les évolutions susceptibles d'intervenir dans l'organisation de la formation, il a rappelé que le système de formation de la marine s'appuyait largement sur les écoles, sous la direction d'une structure relativement légère en état-major. Les instructeurs proviennent des unités, ce qui garantit un dialogue permanent entre les écoles et les forces. Ces écoles sont au nombre de 27, de tailles très différentes.
Si le centre d'instruction naval (CIN) de Saint-Mandrier, qui forme à de nombreuses spécialités (51 types de cours différents), accueille 2.300 élèves officiers et non-officiers et plus de 4.850 stagiaires par an, tandis que l'école de navigation sous-marine de Brest forme une centaine de personnes par an avec une moyenne de 4 stagiaires par cours, dans de nombreux cas, les formations concernent un nombre très réduit d'élèves.
a relevé qu'à la différence des écoles placées sous tutelle de la DGA, les écoles des différentes armées n'étaient pas des établissements publics : elles sont considérées comme des unités et relèvent, pour leurs dépenses, de la région militaire, ou de la direction du personnel de la marine pour la solde des élèves.
Il a constaté que ce système présentait divers inconvénients.
En premier lieu, il n'est pas adapté à la spécificité des besoins des écoles, tant en matière d'achat qu'en matière d'entretien des matériels.
Il a regretté que l'expérimentation de globalisation de crédits dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF, menée au CIN Saint-Mandrier, en 2004-2005, n'ait pas été pérennisée.
Il a craint que la suppression annoncée du « régime des masses », procédure dérogatoire permettant de rendre compte a posteriori de certaines dépenses (32 millions d'euros pour la marine), ne se traduise par une perte de souplesse dans la gestion des écoles.
D'une façon générale, il a estimé que l'autonomie de gestion des écoles devait être renforcée tant pour des questions d'organisation que de développement et de rayonnement sur le plan universitaire et scientifique. Pour l'institut de recherche de l'Ecole navale, cette évolution est indispensable. Sur le strict domaine de la recherche, un GIP est en cours de constitution avec l'Ecole supérieure des arts et métiers, Thalès et DCNS. L'école atomique de Cherbourg, qui dispense des formations de très grande qualité, devrait également avoir les moyens de rayonner dans son domaine spécifique, le nucléaire, actuellement en grand développement.
a estimé que l'évolution vers une autonomie de gestion accrue supposait cependant une certaine taille critique dont beaucoup d'établissements ne disposaient pas.
Il a estimé que la réflexion en cours sur les implantations militaires devrait prendre en considération l'appareil de formation, même si des investissements en infrastructure s'avéraient nécessaires à d'éventuels rapprochements.
Il a ensuite évoqué les coopérations européennes envisageables.
Il a rappelé que le ministre de la défense avait annoncé que la mise en place d'une sorte « d'Erasmus de la Défense » pour les officiers serait une de ses priorités. Il a considéré que, sur ce point, la démarche devait être pragmatique.
Les échanges complets de cursus, comme tel est le cas avec l'Allemagne, pour deux élèves par an depuis 1993, à l'école navale, paraissent difficiles à généraliser. En 2008, l'école devrait cependant accueillir des marins belges et allemands pour la scolarité du master.
Le rapporteur a indiqué qu'un travail de recensement et de comparaison des différentes formations d'officiers dispensées en Europe avait été réalisé et que, sur cette base, il fallait développer les échanges de semestres.
Il a estimé que cette approche pragmatique était préférable à celle d'un « bâtiment-école européen », qui apparaissait davantage comme l'expression de la volonté française de remplacer la Jeanne d'Arc à moindre frais, que de celle de proposer une coopération européenne et qui ne peut relever que d'une démarche de plus long terme. C'est pourquoi le désarmement de la Jeanne d'Arc conduira certainement à une révision plus large de notre outil de formation qu'il n'apparaît de prime abord. Dans l'immédiat, la solution retenue consiste à dissocier l'école de spécialité et la période de stage, la première étant réalisée au CIN de Saint-Mandrier, la seconde sur la frégate Georges Leygues accompagnée de deux autres bâtiments ainsi que par le recours accru à des simulateurs.
Il a précisé qu'amorcée sous l'effet de l'application aux écoles militaires des normes établies par le processus de Bologne (LMD : Licence, Master, Doctorat), la division des cursus en semestre, opérée depuis 2002 à l'école navale était décisive pour nouer des coopérations et favoriser des échanges, au bénéfice de la formation linguistique et de la formation aux pratiques d'autres armées. A la différence notable du Royaume-Uni, c'est au demeurant la voie suivie par les autres écoles européennes (Allemagne, Belgique, Espagne). Elle permet d'accueillir en cours de formation des étudiants issus de l'université ou d'autres filières. Elle a cependant eu pour effet de faire passer la scolarité de l'école navale de 3 à 4 ans et conduit à des cursus particulièrement denses pour certaines spécialités.
a souligné que le renforcement de la « modularité » pourrait permettre de commencer plus tôt certains parcours, comme celui des atomiciens et que la phase de « militarisation » des élèves officiers, répartie au long du cursus, pourrait utilement être dispensée au début de celui-ci, pour une meilleure perception par les élèves de la carrière à laquelle ils se destinent. Des coopérations devant également être développées pour les personnels travaillant sur des matériels issus de programmes menés en coopération (Horizon, FREMM, 2e porte-avions).
Evoquant ensuite l'outil de formation britannique, il a souligné que même si le résultat obtenu était, en définitive, assez proche, la philosophie du système de formation britannique était très différente. L'environnement économique (économie en croissance), social (marché du travail dynamique et compétitif) ou militaire (engagements importants en Iraq et en Afghanistan) dans lequel s'inscrit ce système de formation génère des contraintes particulières, notamment, budgétaires.
a indiqué que le Royaume-Uni s'était livré à une révision globale de son outil de formation militaire.
Lancée en 1999 après une très vaste consultation, la « Defense Training Review » a été publiée en 2001.
Le mot d'ordre en était la réduction des coûts passant par la réduction du volume de personnels, la réduction du nombre de sites, la réduction de la durée de formation et le recours accru aux nouvelles technologies. Elle s'inscrit dans un contexte général d'externalisation poussée et de mutualisation forte entre armées.
Le budget de la formation des marins s'élève à 500 millions de livres par an, ce qui représente 15 % des crédits de la marine. Sur ce total, 120 millions de livres sont consacrés à la rémunération des personnels en formation. Le rapporteur a précisé que la comparaison avec la France était cependant malaisée en raison du caractère perfectible de nos outils de connaissance des coûts.
a souligné que les Britanniques évoquaient plus la notion d'entraînement que de formation. L'enseignement académique est strictement réduit et confié, autant que possible, à l'université, voire à l'auto-formation. Il se concentre sur les aspects plus militaires (valorisation du travail en équipe, leadership, courage physique...) et se veut avant tout appliqué, orienté vers les situations concrètes auxquelles sont confrontés les personnels.
Autre différence importante, les personnels sont recrutés plus tôt, plus jeunes et sans condition de diplôme particulière, 20 % d'une promotion de l'école de formation des officiers en effet sont recrutés sans diplôme universitaire. A HMS Raleigh, centre de formation initiale des équipages, une part non négligeable des recrues est mineure. Le recrutement fait une large place à la promotion par le rang tandis que l'équivalent de la formation des sous-officiers recrutés à un niveau élevé dans notre école de maistrance, qui fournit en France les effectifs promus par le rang, n'existe pas en tant que telle.
Dans un souci d'adaptation de la formation au « juste besoin », les parcours de formation sont beaucoup plus modulaires. Le choix des spécialités s'effectue très tôt, dès l'entrée en formation, ce qui permet d'adapter la durée des cursus à la spécialité choisie. La durée de la formation initiale des officiers varie ainsi de 28 à 49 semaines.
Un accent particulier est mis sur l'utilisation des nouvelles technologies, notamment comme outil de personnalisation de la formation et comme alternative à la présence physique des personnels dans un centre de formation.
Le système de formation tire aussi avantage des progrès accomplis dans la simulation, qui permettent, dans des conditions de sécurité totale et à moindre coût, d'exposer les personnels à des situations très variées et à unifier leur expérience.
a souligné que la marine britannique avait, par ailleurs, une longue expérience de l'externalisation. Des contrats de quinze ans ont ainsi été signés en 1996 pour tous les sites d'entraînement et reconduits, après renégociation, jusqu'en 2012. Ils avaient d'emblée pour objectif une économie de 46 millions de livres (en crédits de personnels principalement), objectif partiellement atteint à l'approche de l'échéance du contrat.
Ces partenariats publics-privés ont progressivement changé de nature pour passer de la simple prestation de services à un partenariat beaucoup plus intégré qui allie, en matière de formation, la conception et la fourniture des supports pédagogiques, le développement et la mise à disposition des outils de formation, comme les simulateurs mais aussi le soutien des infrastructures et les prestations de formateurs. La société « Flagship » est extrêmement visible sur tous les sites, qu'il s'agisse de ses installations ou de ses personnels.
Une des conséquences les plus notables de la Defense training review est d'ailleurs un projet de partenariat public-privé particulièrement ambitieux qui représente 14 milliards de livres sur 30 ans. Ce projet vise à assurer la formation de spécialité des trois armées, dans des domaines où les besoins sont proches, sur un campus de défense situé à St Athan, dans le sud du pays de Galles, où est actuellement implanté un centre de formation de l'armée de l'air.
Il consiste en un vaste programme immobilier réalisé ex nihilo et financé, pour partie, par la vente de sites existants, réduisant le nombre d'implantations de 30 à 10. Le contrat devrait être signé en 2008 pour une durée de 30 ans et une mise en oeuvre à partir de 2011.
Afin de ne pas donner à ce projet le caractère d'une université de la défense « civile », le ministère de la Défense britannique a décidé de maintenir un ratio de 40 % du temps de formation assurée par des militaires.
Tout en indiquant que ses interlocuteurs s'étaient montrés confiants dans la capacité du ministère de la Défense à gérer cette relation avec le partenaire privé de façon profitable, le rapporteur a considéré cette expérience comme risquée. A terme, il convient de s'interroger d'une part sur la répartition des rôles entre l'Etat et le secteur privé dans un domaine où les possibilités de mise en concurrence sont par nature limitées et d'autre part sur les conséquences de la présence d'une part importante de formateurs civils dans les équipes.
En conclusion, M. André Boyer, rapporteur, a estimé que, sans imaginer la transposition d'un modèle d'organisation très différent, il était possible de tirer parti de certaines expériences, qu'il s'agisse notamment d'une pratique beaucoup plus ancienne de l'interarmées (en respectant bien sûr la culture spécifique de chaque milieu), ou d'une pratique beaucoup plus poussée de l'externalisation, sur laquelle on peut être plus réservé.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.