Intervention de Guibourg Delamotte

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 juin 2009 : 1ère réunion
Politique de défense du japon — Audition de Mme Guibourg delaMotte chercheuse à asia centre à sciencespo

Guibourg Delamotte, chercheuse à Asia Centre à SciencesPo :

a indiqué tout d'abord que la politique de défense du Japon avait connu ces dernières années des évolutions, souvent à la faveur d'événements internationaux, dont elle a souhaité rappeler les principales étapes. Elle a rappelé que l'alliance avec les Etats-Unis, dès le traité de sécurité de 1951, avait donné un premier encouragement au Japon à assumer sa défense et à s'associer à la stratégie régionale américaine, permis l'établissement d'une coopération entre forces armées japonaises et américaines et la tenue d'exercices communs, puis conduit le Japon à admettre la possibilité de contribuer plus activement, par la fourniture d'un soutien logistique, au maintien de la sécurité régionale à partir de 1997. Elle a indiqué que, à cet égard, une nouvelle impulsion avait été donnée à la suite des exercices militaires et des tirs de missiles chinois dans le détroit de Taiwan en 1996, grâce à de nouvelles directives de défense nippo-américaines en 1997 et à une loi de 1999 sur les situations de crise régionale. Elle a souligné que les crises nord-coréennes répétées, à l'image du premier tir d'un missile de longue portée nord-coréen qui était passé au dessus du territoire japonais en 1998, avaient incité le Japon à participer au système américain de défense anti-missiles, à lever progressivement et partiellement l'interdiction d'exporter des armes, à développer un programme de satellites de renseignement (civil théoriquement), puis à adopter une loi en mai 2008 permettant d'utiliser l'espace à des fins défensives. Elle a souligné que, à partir de la guerre du Golfe de 1990, plusieurs lois avaient été adoptées autorisant le déploiement des forces d'auto-défense japonaises à l'étranger, en particulier au Cambodge (dans le cadre de la loi sur la participation aux opérations de maintien de la paix de l'ONU de 1992), puis dans l'océan Indien, à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001, et même sur le territoire irakien, à l'issue de la guerre en Irak en 2003, dans des conditions toutefois assez restrictives.

Elle a également mentionné les évolutions institutionnelles, avec en particulier la création d'un ministère de la défense et d'un état-major des armées en 2006. En pratique, cet état-major assure la rotation des trois armes au poste de Chef d'état-major : l'EMA reste faible face aux commandements.

a cependant souligné que ces évolutions restaient limitées et difficiles et qu'elles se produisaient de manière progressive.

Elle a rappelé que, en l'absence de dispositions générales, toute intervention des forces armées japonaises à l'étranger était soumise au vote d'une loi par le Parlement et que les conditions de cette intervention étaient très restrictives, notamment en matière d'usage de la force (étendu en 2001 à la protection de civils placés sous la responsabilité des forces d'auto-défense, mais impossible au bénéfice de soldats étrangers). Elle a indiqué que le contrôle parlementaire était très rigoureux et que les forces d'auto-défense japonaises ne pouvaient intervenir, dans le cadre d'une opération internationale de maintien de la paix, qu'à l'issue des combats et après l'intervention d'un cessez-le-feu ; que, en vertu des lois de 2001 ou de 2003, elles ne pouvaient se déployer que dans des zones bien délimitées ; en toute hypothèse, elles devaient rester sous commandement japonais et les règles d'usage de la force étaient très encadrées. Elle a cité l'exemple de la lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d'Aden, où sont déployés deux destroyers japonais, qui, avant le vote d'une loi le 19 juin 2009, ne pouvaient théoriquement protéger que les navires battant pavillon japonais.

a ensuite indiqué que, parmi les principaux chantiers pour l'avenir, figuraient l'idée d'une révision de l'article 9 de la Constitution, par lequel le Japon s'engage à ne pas recourir à la force pour régler un différend international et à ne pas maintenir de forces terrestres, aériennes ou navales, l'adoption d'une législation générale sur le déploiement des forces d'auto-défense à l'étranger, le renforcement du contrôle politique sur les questions de défense et l'extension d'alliances du Japon avec certains pays, comme l'Australie ou l'Inde, et avec certaines organisations, à l'image du renforcement de ses liens avec l'OTAN, amorcé au début de l'année 2007. Elle a également mentionné, dans le domaine de l'armement, le renouvellement de la flotte de chasseurs pour remplacer les 90 F4 qui, à défaut du F22, pourraient être remplacés par des F35, et la question de l'exportation d'armes. Le Japon s'est doté en 2005 d'une capacité de ravitaillement en vol et, dans le contexte du tir de missile nord-coréen du mois d'avril dernier, envisage d'admettre le droit de frapper un territoire ennemi de manière préemptive (en situation de légitime défense). Son premier porte-hélicoptères est entré en service au début de l'année 2009 et un second porte-hélicoptères devrait être livré en 2011.

a estimé que les principaux objectifs de ces évolutions étaient une meilleure intégration du Japon au sein de la communauté internationale, ce pays souffrant encore d'un complexe lié à la fermeture vis-à-vis de l'extérieur avant l'ère Meiji et à sa défaite dans la Seconde Guerre mondiale, mais aussi la recherche de nouveaux vecteurs de puissance au moment où la puissance économique du Japon est en déclin, notamment par l'obtention d'un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies -qui n'est pas en soi considéré comme incompatible avec le pacifisme, lequel est au contraire mis en avant comme un atout du Japon- le souhait de lever les ambiguïtés actuelles sur la défense, en particulier en ce qui concerne le statut des forces armées et les interventions à l'étranger, ainsi que la volonté du Japon de contrebalancer la montée en puissance de la Chine.

Elle a toutefois mentionné les réticences de l'opinion publique japonaise, qui reste majoritairement pacifiste et opposée à une révision de l'article 9 de la Constitution, les réserves de la classe politique, qui reste très divisée concernant, par exemple, l'admission de la légitime défense collective, ainsi que les contraintes budgétaires, le budget de la défense japonais, en baisse ces six dernières années, étant de 38 milliards de dollars en 2008, ce qui représente environ 1 % du PIB, soit un montant inférieur au budget de la défense français. Elle a également souligné les lacunes des forces d'auto-défense japonaises, qui sont mal entraînées, et dont le contrôle repose davantage sur l'administration que sur le Gouvernement. Enfin, elle a évoqué les réticences des autres pays asiatiques.

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