Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le déplacement effectué à Tokyo du 15 au 19 février 2009 s'inscrivait dans le cadre des travaux de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, mais qu'il avait également été l'occasion de mener des auditions spécifiques dans les domaines économique et financier.
Il a rappelé que le Japon reste la deuxième économie mondiale derrière les Etats-Unis, même si la Chine le talonne désormais. Il dispose également des deuxièmes réserves de change au monde - près de 1000 milliards de dollars fin janvier 2009 - après les réserves chinoises.
Sa population avoisine les 128 millions d'habitants, mais la population active comme la population totale ont commencé à décroître. Cette évolution démographique résulte notamment d'une faible natalité et d'une immigration très marginale. Si ces tendances se prolongent, la population japonaise pourrait être ramenée à 100 millions d'habitants à l'horizon 2050. Ces évolutions se traduisent également par un fort vieillissement démographique qui pèse particulièrement sur les comptes sociaux.
a observé que la situation des finances publiques japonaises est très dégradée. Selon le consensus des économistes, le déficit public passerait de 25000 milliards de yens (environ 200 milliards d'euros) en 2008 à 34000 milliards (environ 270 milliards d'euros) en 2009. Il pourrait donc dépasser 8 % du produit intérieur brut (PIB). La dette publique brute du Japon, évaluée à 173 % du PIB en 2008, pourrait atteindre 181 % à la fin de l'exercice 2009.
Dans ce contexte, l'augmentation des prélèvements obligatoires, tout particulièrement de la taxe sur la consommation, demeure un sujet tabou, en particulier en période pré-électorale. M. Philippe Marini, rapporteur général, a toutefois relevé que les membres de la majorité comme de l'opposition reconnaissent, en privé, la nécessité de relever à terme le niveau de certaines impositions, notamment pour faire face à l'évolution des dépenses sociales.
Il a ensuite mis en évidence la dépendance de l'économie japonaise vis-à-vis du reste du monde. Celle-ci est de plus en plus intégrée à l'économie asiatique. La Chine représente, à elle seule, 16 % des exportations du Japon. La part des Etats-Unis dans les exportations japonaises diminue mais demeure élevée (17,5 %). En comparaison, l'ensemble de l'Europe représente 14 % des exportations japonaises.
Le Japon consacre des dépenses importantes à la recherche-développement (3,6 % du PIB, contre 2,6 % aux Etats-Unis et 2,1 % en France) et dispose d'un atout technologique, puisqu'il est le premier pays au monde en nombre de brevets déposés. Il exporte ainsi trois fois plus de produits à contenu technologique qu'il n'en importe. Dans ces conditions, et alors qu'il est lui-même assez fermé, le Japon craint par dessus tout le protectionnisme des autres Etats.
a noté la forte instabilité ministérielle depuis la fin du gouvernement Koizumi (2001-2006) et la fragilité du gouvernement actuel, dirigé par M. Taro Aso, alors que l'opposition contrôle déjà la chambre haute. Des élections à la chambre basse devraient avoir lieu d'ici au mois de septembre 2009, les études d'opinion actuelles laissant entrevoir une victoire probable de l'opposition. Il a toutefois relevé l'absence de clivage très marqué entre la majorité et l'opposition sur les questions économiques.
a ensuite observé que le Japon, qui avait dû prendre des mesures drastiques pour faire face à une grave crise immobilière et bancaire dans les années 1990, avait d'abord eu le sentiment d'être épargné par la crise des subprimes. Les banques japonaises avaient été assez peu exposées aux produits toxiques, du fait d'une gestion prudente du risque et d'une régulation étroite des marchés financiers par la Financial Services Agency (FSA). Ainsi le Japon avait tendance, au départ, à donner des conseils au sein des instances internationales tirés de la manière dont il avait réglé sa propre crise durant les années 1990.
Ce pays est toutefois entré en récession au troisième trimestre 2008, avec une brutalité qui a surpris. Les chiffres du quatrième trimestre 2008 sont très négatifs, puisqu'ils font apparaître une contraction du PIB de plus de 12 % en rythme annualisé. Le consensus des économistes prévoit ainsi un recul du PIB japonais de 5,8 % en 2009 et une croissance de 0,9% en 2010.
Cette évolution résulte en particulier d'un effondrement des exportations, en raison du ralentissement économique des principaux partenaires commerciaux du Japon. Entre janvier 2008 et janvier 2009, la production automobile s'est également contractée de 41 %. Dans ce contexte, le taux de chômage, qui s'établissait à environ 4 % en 2008, pourrait atteindre 5,1 % en 2009. Cette évolution, qui touche d'abord les employés dits « non réguliers » (contrats à durée déterminée, travailleurs à temps partiel, intérimaires...), apparaît cependant sous-évaluée, les actifs les moins qualifiés ayant, en effet, tendance à se retirer d'eux-mêmes du marché du travail, tandis que la flexibilité du système de rémunération des employés dits « réguliers » limite les suppressions d'emploi.
a observé que cette situation économique est aggravée par la récente remontée du yen par rapport à l'euro, particulièrement nette depuis la mi-2008. Il a noté que, selon certaines interprétations, le gouvernement japonais serait tenté de « noircir » le tableau économique, en annonçant des perspectives plus sombres qu'elles ne le sont en réalité, et ce afin de faire baisser le yen. Par ailleurs, le Japon devrait continuer à soutenir le dollar, ses réserves de change étant en quasi totalité constituées de bons du Trésor américains.
S'agissant de la situation des banques japonaises, il a relevé qu'elles se trouvent confrontées à deux risques majeurs : la baisse brutale du cours des actions, qui diminue leurs ratios de solvabilité, et la nécessité de provisionner pour couvrir d'éventuelles pertes du fait de la récession économique qui augmente leur taux de créances douteuses. Ceci se traduit par un resserrement du crédit qui pénalise les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Les banquiers rencontrés à Tokyo ont en revanche estimé que les grands groupes ont encore la possibilité de se financer sans faire appel aux banques, en raison de la trésorerie accumulée ces dernières années et du rôle des grands conglomérats.
a noté que les banques japonaises devront donc trouver des solutions pour pallier ce manque de fonds propres. Il a également relevé les interrogations des autorités japonaises concernant les effets de la régulation financière sur le cycle économique, certaines personnes rencontrées estimant qu'il faut, en cas de crise, envisager des ratios de solvabilité plus faibles.
Il a ensuite dressé un panorama des actions entreprises par la Banque du Japon. Celle-ci a progressivement ramené son taux directeur de 0,5 % à 0,1 % à la fin de l'année 2008, ce qui n'a eu qu'un impact limité sur l'économie. Ce moyen d'action apparaît ainsi désormais neutralisé.
La Banque du Japon a donc été conduite à mettre en oeuvre, à titre temporaire, une série de mesures destinées à rendre plus souples les opérations de refinancement des banques sur le marché monétaire et, indirectement, à faciliter le financement des entreprises d'ici à la fin de l'exercice fiscal en cours, période pendant laquelle les besoins de trésorerie des entreprises augmentent.
a ensuite indiqué qu'un plan de relance a été présenté par le gouvernement japonais, pour un montant global de 75000 milliards de yens, soit environ 600 milliards d'euros. Ces mesures sont financières pour l'essentiel (84 %), les mesures budgétaires ne représentant que 16 % du total du plan. Dans ce contexte, le budget 2009 est le plus élevé de l'histoire du Japon, avec des dépenses en hausse de 6,6% par rapport à celles de l'exercice 2008-2009. Les dépenses s'élèveraient ainsi à 88550 milliards de yens au cours de cet exercice, soit près de 710 milliards d'euros. Dans le même temps, les recettes diminueraient de presque 14 %, conduisant à un déficit d'environ 33300 milliards de yens (près de 270 milliards d'euros).
Les mesures financières présentées par le gouvernement japonais sont notamment constituées par des garanties de crédit aux PME, le rachat éventuel d'actions détenues par les banques et une possible injection de fonds publics dans le capital des banques régionales.
Les mesures budgétaires comprennent des mesures de soutien à l'investissement des entreprises et des particuliers ; des crédits à destination des collectivités locales pour la revitalisation du tissu économique local et pour soutenir le secteur agricole ; des mesures de soutien à la consommation, sous la forme de chèques distribués aux ménages, ce qui a fait l'objet de controverses ; enfin, des dépenses en faveur de l'emploi ainsi que du système de protection sociale. Bien qu'elle ne soit pas épargnée par la crise, l'industrie automobile ne bénéficie pas de mesures de relance spécifiques, les mesures consacrées à l'emploi, qui ont un impact positif sur ce secteur, étant considérées comme suffisantes.
a indiqué que, face à la dégradation de la situation économique, le gouvernement japonais envisage un nouveau plan de relance d'au moins 20000 milliards de yens (170 milliards d'euros), qui serait cette fois intégralement financé par voie budgétaire. Il a noté que le plan précédent n'était cependant toujours pas définitivement adopté par le Parlement à la mi-février et que l'action et la communication du gouvernement apparaissaient désordonnées.
Dans ce cadre, il a estimé que la sortie de crise pour le Japon dépendra en priorité de l'évolution de la demande intérieure chinoise et du rebond de l'économie américaine. La situation dégradée des finances publiques et l'évolution des dépenses sociales devraient conduire, à terme, à un relèvement des prélèvements obligatoires, notamment de la taxe sur la consommation, même si le sujet reste encore tabou.
a observé que le Japon conserve cependant de réels atouts, du fait de ses capacités de recherche, mais également du consensus social qui règne dans les entreprises. Pour autant, certaines personnes rencontrées lors de ce déplacement se sont interrogées sur l'évolution du modèle incarné par ce pays, estimant que l'importance du consensus dans la prise de décision avait fait prévaloir, jusqu'à présent, le statu quo sur les réformes structurelles.