M. Pillet et moi-même avons travaillé en bonne intelligence, d'autant plus aisément que nous n'avions pas de divergence de fond : tous deux attachés à l'ordonnance de 1945, nous croyons que la prévention doit prévaloir sur la répression, qu'il faut autant que possible privilégier des mesures alternatives à l'enfermement, que des mesures éducatives sont indispensables avant, pendant et après l'enfermement, mais, pas d'angélisme, nous sommes également convaincus que l'incarcération est parfois nécessaire. Il y a une gradation de mesures et d'institutions destinées aux mineurs : protection de famille dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), puis, s'agissant de ceux qui ont commis des infractions, placement en établissement de placement éducatif ou en foyer, centres éducatifs fermés (CEF), établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et quartiers pour mineurs.
C'est à partir du centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, qui date d'une cinquantaine d'années, qu'ont été créés des quartiers pour mineurs séparés ou à peu près. La loi du 9 septembre 2002 a créé les CEF et les EPM ; les premiers CEF ont été établis rapidement, les premiers EPM en 2007. Nous avons visité le centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis, quatre CEF sur quarante-quatre et trois EMP sur six ; nous avons en outre entendu une quarantaine de personnes pour évaluer la pertinence de ces nouvelles structures.
Lorsque les CEF ont été créés en 2002, beaucoup étaient critiques, moi y compris. Le placement en centre fermé apparaissait comme un enfermement hypocrite. Mais les choses sont un peu plus complexes. L'enfermement, dans ces centres, est plus juridique que physique, ce dont témoigne le nombre important de fugues. Les CEF marquent un progrès par rapport aux quartiers pour mineurs et même aux EPM. Le taux d'occupation y est élevé - 87 % - ce qui montre que les juges ont recours à cette formule. Les magistrats, syndicalistes et représentants de l'administration que nous avons entendus n'y sont pas hostiles, s'ils ne sont pas tous enthousiastes. Seule la FSU nationale nous a fait part d'une opposition de principe, car elle considère qu'il ne peut y avoir d'éducation dans un cadre fermé, mais cette position est idéologique plus que pragmatique ; les autres syndicats, y compris la CGT, ne sont pas du tout sur la même ligne.
Les places en CEF sont au nombre de 488 ; dix des centres sont publics, les trente-quatre autres sont associatifs. Je l'ai dit, nous en avons visité quatre, à Saint-Venant, Liévin, Brignoles et Savigny-sur-Orge. Nous avons aussi tiré profit des rapports de notre collègue Jean-René Lecerf sur les questions pénitentiaires et de notre collègue Nicolas Alfonsi sur la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que des communications du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et de la Défenseure des enfants.
Sont susceptibles d'être placés en centre fermé des jeunes multirécidivistes de 13 à 18 ans. La Défenseure des enfants a considéré qu'il y avait trop de primodélinquants dans ces centres, ce qui est partiellement faux : trois quarts des mineurs concernés sont multirécidivistes, et parmi les autres, certains ont commis des crimes, et dans de tels cas un placement en CEF ne me paraît pas injustifié.