Intervention de Benoît Paumier

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 25 mars 2009 : 1ère réunion
Action culturelle extérieure de la france — Audition de M. Benoît Paumier inspecteur général des affaires culturelles

Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles :

a rappelé en préambule que le contexte général de la répartition des compétences ministérielles en matière d'action culturelle extérieure de la France était marqué par l'héritage de la prépondérance du ministère des affaires étrangères. Le Quai d'Orsay conserve, en effet, un rôle quasi-exclusif dans la coopération avec les régions du monde relevant de l'ancienne zone de compétence du ministère de la coopération, devenue la zone dite de solidarité prioritaire, et de la francophonie, c'est-à-dire principalement l'Afrique, l'Océan Indien, les Caraïbes et l'ancienne Indochine. En outre, l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France reposent sur une division traditionnelle des tâches entre un ministère des affaires étrangères responsable du rayonnement de la culture française à l'étranger, dans une logique d' « export », et un ministère de la culture compétent pour l'accueil des cultures étrangères en France, dans une logique d' « import ». Ce « Yalta », qui structure de longue date l'organisation de l'action culturelle française internationale, ne rend toutefois plus compte de l'évolution des compétences respectives de chaque ministère liée aux mutations de l'environnement extérieur.

En matière de rayonnement culturel à l'étranger, le ministère de la culture intervient traditionnellement à quatre niveaux :

- l'accueil des cultures étrangères et l'accueil et la formation des professionnels culturels étrangers, via notamment le soutien aux festivals et aux événements culturels, dont l'accueil des cultures étrangères est l'objet premier, et le financement de CulturesFrance pour l'organisation de saisons culturelles étrangères en France, conjointement avec le Quai d'Orsay ;

- une fonction d'expertise, notamment en matière patrimoniale ;

- la coopération dans le domaine cinématographique conduite par le Centre national de la cinématographie ;

- la coopération dans le domaine du livre conduite par le Centre national du livre, le Bureau international de l'édition française et la Centrale de l'édition, coopération chiffrée à près de six millions d'euros dans le récent rapport sur la politique de soutien au livre français à l'étranger de MM. Olivier Poivre d'Arvor et Marc-André Wagner.

a ensuite expliqué que la montée en puissance du ministère de la culture dans la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure était moins le résultat d'une redistribution des rôles avec le ministère des affaires étrangères que le fait de l'européanisation et de la mondialisation des enjeux de politique et d'économie culturelles. Dans ce contexte, le ministre de la culture s'est vu reconnaître, dans les décrets d'attribution du 15 mai 2002 puis du 25 mai 2007, un rôle important en matière de rayonnement international de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie. Ce champ d'intervention élargi a été confirmé par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture et de la communication le 1er août 2007.

Par ailleurs, cet élargissement de compétences est aussi le résultat de l'extension progressive des missions du ministère de la culture, comme l'adjonction à son périmètre de différents secteurs, anciennement le livre, la lecture et l'architecture, ou, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le rattachement de la direction du développement des médias, en charge de la gestion budgétaire de l'audiovisuel extérieur.

La participation croissante du ministère de la culture à la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure découle très largement de l'européanisation et de la mondialisation des questions culturelles qui ne sont plus exclusivement envisagées comme de stricts enjeux diplomatiques. A ce titre, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné que l'expertise du ministère de la culture était de plus en plus régulièrement sollicitée à l'occasion de négociations internationales portant sur les droits d'auteur et le piratage, la mise en oeuvre de la diversité culturelle qui se traduit par une réciprocité nécessaire entre l'accueil des cultures étrangères et le rayonnement international de la culture française, la circulation et la mobilité des collections, la coopération internationale en matière de lutte contre les vols et les trafics d'oeuvres culturelles, ou encore la mobilité des artistes.

Il a relevé, par ailleurs, le poids croissant de la dimension internationale de l'activité des opérateurs culturels, désormais indispensable à leur équilibre budgétaire et financier. Le rapport précité a en effet chiffré la part des revenus tirés de l'exportation pour les éditeurs de livres à 25 %.

Il a également fait observer que les ministères de la culture dans les autres pays s'investissent de plus en plus dans des activités à caractère diplomatique, aussi bien bilatérales que multilatérales, comme en témoigne l'implication des ministres de la culture dans le processus qui a conduit à l'adoption par l'UNESCO en 2005 de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

a souligné en outre l'implication accrue du ministère de la culture dans le soutien aux industries culturelles, premier vecteur d'accès à la culture, en particulier chez les jeunes. Le rôle des organismes de promotion des exportations de biens culturels à l'étranger, gérés directement par les professionnels concernés et fonctionnant principalement grâce au soutien du ministère de la culture, est à cet égard essentiel. Au nombre de ces structures figurent notamment TV France International pour l'exportation de programmes télévisuels français, UniFrance pour la promotion des films français à l'étranger, le Bureau export de la musique, l'AFEX (« Architectes français à l'export ») dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme et le Bureau international de l'édition française.

Le rôle de soutien de l'État aux exportations culturelles, qui se traduit notamment par une démarche de « lobbying » auprès de la Commission européenne et dans le cadre de négociations commerciales, est d'une nature profondément différente de celle de la coopération culturelle traditionnelle. Même si ces deux logiques participent d'une finalité commune qui justifie l'engagement de la puissance publique, à savoir le rayonnement de la culture française, il s'agit bien de deux métiers distincts qui doivent relever d'opérateurs différents.

a souligné l'interdépendance croissante des politiques culturelles internes avec des sujets européens transversaux tels que la fiscalité, les fonds structurels, les télécommunications ou encore les échanges universitaires. Il a insisté, en outre, sur le développement de l'activité internationale des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture, qui représentent près de 85 % de ses effectifs. Parmi ces établissements publics de plus en plus sollicités au titre de la coopération culturelle et de l'exportation du savoir-faire français, il a retenu les cas emblématiques des musées du Louvre et du Quai Branly.

Il a souligné le fait que la contribution de chacun des ministères à la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France est plus équilibrée qu'il n'y paraît : des synergies continuent à se développer entre un ministère des affaires étrangères gérant un réseau culturel à l'étranger dense et universel et un ministère de la culture disposant d'un vaste réseau d'opérateurs publics et d'associations professionnelles dont il est le partenaire privilégié.

Sur le plan administratif, l'action culturelle internationale ne pourrait être mieux traitée par un ministère unique, dont elle ne serait pas fonctionnellement la première priorité, dans la mesure où :

- au sein du ministère des affaires étrangères, la diplomatie politique et les questions stratégiques constituent le coeur de métier, de même que les questions de coopération économique et de développement au sens strict ;

- au sein du ministère de la culture, le poids des nombreux métiers de la culture et les enjeux de politique culturelle ne permettent pas à l'administration d'avoir toujours une pleine conscience de l'impact de la mondialisation sur les questions culturelles internes.

En conclusion, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que le ministère de la culture, dans l'élaboration d'une stratégie globale au service de la diplomatie française d'influence, devait porter ses efforts principalement sur les trois axes suivants :

- la poursuite du travail de regroupement budgétaire des crédits affectés à son action internationale. Au sein de la nomenclature budgétaire issue de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'action n° 6 « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » a ainsi permis de conférer aux crédits internationaux une meilleure visibilité et de faciliter les arbitrages au sein de cette enveloppe budgétaire. Néanmoins, cet exercice de rationalisation budgétaire est inachevé, dans la mesure où la coopération en matière d'archives, d'arts plastiques ou de livres n'est toujours pas prise en compte dans l'action n° 6 ;

- le recensement des priorités géographiques de ses opérateurs, la coordination de l'action internationale de ses établissements publics et la synthèse par zones géographiques de l'action du ministère, ce qui implique de doter les services qui en sont responsables des compétences et de la légitimité politique et administrative pour le faire ;

- l'articulation, dans un cadre interministériel, de son action avec celle du Quai d'Orsay afin de mieux prendre en compte les priorités stratégiques définies par ce dernier, ses capacités d'action sur le terrain à l'étranger, en même temps que les logiques économiques et les ambitions artistiques dont est porteur le ministère de la culture. Cette coopération interministérielle devrait comprendre un volet stratégique, soit dans un cadre de travail strictement bilatéral, soit dans le cadre plus formel d'un conseil interministériel, ainsi qu'un volet plus opérationnel au niveau d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure placé sous la cotutelle effective des deux ministères.

Un large débat s'est ensuite engagé.

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