Intervention de Philippe Séguin

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 octobre 2009 : 1ère réunion
Application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Audition de M. Philippe Séguin premier président mmes rolande ruellan présidente de la sixième chambre et catherine mayenobe secrétaire générale Mm. Laurent Rabaté conseiller maître rapporteur général et simon fetet rapporteur général adjoint de la cour des comptes

Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes :

a rappelé que l'Acoss pourrait procéder à des émissions complémentaires sur les marchés afin de couvrir un besoin de trésorerie d'un montant compris entre 30 et 60 milliards d'euros. Ces émissions bénéficieront du soutien technique de l'agence France Trésor, qui agira comme prestataire de service de l'Acoss. Ceci étant, le Gouvernement n'ayant pas donné de précisions sur les modalités techniques de ces émissions, la Cour n'est pas en mesure de porter une appréciation sur leur impact financier mais peut simplement constater que le niveau exceptionnellement bas des taux courts favorise aujourd'hui une solution de refinancement à court terme. Mais ces conditions ne peuvent être que transitoires car les taux devraient remonter lorsque la reprise se confirmera et l'accumulation des déficits pèsera alors lourdement sur les charges d'intérêt.

La critique de la Cour vise cependant moins les modalités actuelles de gestion de la dette sociale que les principes : l'accumulation de découverts, laissés à la charge de l'Acoss, prive de portée le système de cantonnement de la dette sociale alors que la création de la Cades, en 1996, visait justement à mettre fin à la facilité de déficits accumulés. C'est pourquoi la Cour recommande, comme le rapporteur général de la commission, que ces découverts soient transférés à la Cades, ce qui implique, pour respecter la loi organique de 2005 selon laquelle tout accroissement de la dette doit s'accompagner d'une augmentation des ressources à due concurrence, une hausse du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Enfin, la Cour ne préconise pas une réouverture de la Cades car cela reviendrait à repousser à l'infini une masse croissante de déficits sociaux.

Concernant les relations entre la sécurité sociale et l'Etat, malgré l'effort notable d'apurement des dettes envers le régime général et les autres régimes accompli en 2007 et au début de l'année 2008 par l'Etat, il est frappant de constater que ces dettes se sont largement reconstituées à la fin de l'année dernière : elles atteignaient 7,4 millions d'euros dans les comptes au 31 décembre 2008, et presque 6 millions d'euros encore, après les versements intervenus début janvier, en application de la loi de finances rectificative pour 2008. Dans cet ensemble, les dettes exigibles, qui proviennent d'une insuffisance de crédits budgétaires, représentent 3,6 millions d'euros. L'écart sur ce poste dépasse la marge d'erreur acceptable, même si on doit admettre que la prévision n'est pas toujours aisée, notamment pour les aides au logement. Selon le directeur du budget, auditionné par la Cour cet été, ces écarts récurrents ne traduisent pas une sous-estimation délibérée mais s'expliquent par les aléas de la procédure budgétaire : les montants de crédits inscrits auraient à plusieurs reprises intégré comme acquises des mesures d'économies, par exemple des réductions d'exonérations dans les Dom, qui n'ont finalement pas été engagées.

S'agissant du problème de la T2A, M. Philippe Séguin a indiqué que les tarifs GHS représentaient, en 2007, 76 % de l'enveloppe médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), alors que les missions d'intérêt général et l'aide à la contractualisation (Migac) n'en couvraient que 14 % et que le solde de 10 % correspondait aux divers forfaits ou aux médicaments de la liste en sus. L'examen des pratiques de pays comparables à la France semble cependant montrer que tous conservent une part de dotations globales. La France ne fait donc pas exception sur ce point. Ceci étant, il faut veiller à ce que les dotations correspondent à des charges objectivables et chiffrables et ne servent pas à masquer les conséquences financières des lenteurs dans les réformes d'organisation et de fonctionnement. De ce point de vue, l'inquiétude de la Cour provient, d'une part, des retards dans les travaux d'objectivation des missions d'intérêt général (Mig), d'autre part, de la croissance de la composante dite « aide à la contractualisation » et, au sein de cet ensemble, des aides dites « diverses ».

Par ailleurs, la lisibilité du mode de financement des hôpitaux suppose des règles claires qui reposent sur une bonne connaissance des coûts des hôpitaux et qui s'inscrivent dans la durée. Le rapport de la Cour démontre que si les changements importants qui ont marqué la campagne 2009 sont plutôt positifs, leur mise en oeuvre a été obscurcie par divers aménagements destinés à en réduire les effets. Il en est résulté une communication tardive des nouveaux tarifs, gênante pour les hôpitaux. La Cour recommande donc la stabilisation des règles pendant trois ans, qui devront être mis à profit pour finaliser des travaux de fond, telle la clarification des Mig ou du modèle de fixation des tarifs. Enfin, la mise en place de la convergence tarifaire suppose de disposer d'une connaissance comparative des coûts entre hôpitaux et cliniques. Même si la nouvelle échelle nationale de coûts à méthodologie commune, mise en place en 2009 sur la base des données 2006, y contribue, elle comporte encore de nombreuses limites, ce qui la rend impropre à fonder une tarification commune. D'autres difficultés perdurent et c'est pourquoi la Cour, estimant que l'objectif de convergence reste flou, est favorable à une expérimentation de convergence limitée à certains GHS et comprend la décision de report de la mise en place de la convergence intersectorielle.

Enfin, concernant l'organisation de l'hôpital, M. Philippe Séguin a rappelé que l'enquête de la Cour met en évidence une disparité surprenante des performances des hôpitaux qui ne s'explique que partiellement par les différences de vocations et d'échelle entre les établissements de l'échantillon étudié. Les référentiels de bonne pratique existants sont en effet souvent ignorés ou écartés, faute d'implication suffisante à tous les niveaux : agence régionale de l'hospitalisation, directeurs des établissements, chefs de service ou de pôle. L'intervention croissante des pôles devrait cependant permettre une réflexion sur les moyens et les modes d'organisation les plus efficaces. L'intégration prochaine de modules relatifs à la gestion dans les référentiels de « certification » des établissements qu'organise la Haute Autorité de santé (HAS) devrait également concourir à cet objectif. Enfin, la Cour propose, d'une part, que les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les établissements et la tutelle intègrent un volet relatif aux outils de gestion et à leur diffusion effective dans les pôles, d'autre part, que ces contrats ou leurs avenants soient l'occasion d'une revue des performances comparées des différents pôles et de la définition de plans d'actions, en cas de performances dégradées. Améliorer la situation des hôpitaux ne suppose donc aucun texte nouveau, mais uniquement de la volonté et une constance dans l'effort.

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