Aujourd'hui, le système allemand repose sur trois piliers : l'assurance retraite légale ; les retraites d'entreprise ; l'épargne retraite individuelle.
L'assurance retraite légale et les pensions des fonctionnaires représentent, aujourd'hui encore, la très grande majorité des ressources des retraités : environ 80 %, contre 5 % pour les retraites d'entreprise et un peu plus de 10 % pour le pilier privé facultatif.
Ce premier pilier est composé d'un régime général, plus couramment appelé l'« assurance légale allemande » et de plusieurs régimes spécifiques à certaines professions (fonctionnaires, agriculteurs, professions libérales).
L'assurance légale, universelle et obligatoire a conservé jusqu'à présent les principales caractéristiques de ses origines bismarckiennes :
- un financement par cotisations : la branche vieillesse est majoritairement financée par des cotisations assises sur un salaire brut sous plafond, les prestations relevant de la solidarité nationale devant, en principe, être couvertes par l'impôt. Le produit de ces cotisations ne représente toutefois que les trois quarts des recettes totales de l'assurance légale, le quart restant est assuré par des versements provenant du budget de l'Etat fédéral ;
- un financement égal employeur-employé : le taux de cotisation, actuellement de 19,9 %, est partagé par moitié entre le salarié et l'employeur, soit 9,95 % chacun ;
- une gestion paritaire : l'assurance retraite allemande est, comme les autres branches, gérée de manière paritaire par les représentants des assurés et des employeurs.
Calculée en annuités jusqu'en 1992, la pension de retraite légale est, depuis lors, exprimée en points, même si le système est en fait intermédiaire entre un régime à annuités et un régime par points puisque, en pratique, la pension versée dépend du nombre d'années de cotisations et du montant du salaire perçu.
L'assuré accumule des points tout au long de sa vie, sur la base d'un point par an pour le paiement de cotisations correspondant à une année pleine au salaire moyen. Les cotisations sont toutefois plafonnées ; l'assuré ne peut pas accumuler plus de deux points par an. A l'inverse, les situations de moindre cotisation donnent droit à des bonifications (faible revenu, période d'éducation des enfants) ou à une modulation du niveau des cotisations (période de chômage).
Comme ses voisins européens, l'Allemagne doit faire face aux conséquences financières et sociales du vieillissement de sa population, qui exerce mécaniquement une pression sur l'assurance retraite légale, contrainte de verser des pensions plus longtemps. Mais le défi démographique que le pays doit surmonter va bien au-delà du seul problème du vieillissement. L'Allemagne se caractérise en effet par l'un des taux de fécondité les plus bas d'Europe (1,38 enfant par femme en 2008).
La conjugaison de ces deux phénomènes se traduit par un véritable déclin démographique : la population devrait passer de quatre-vingts millions d'habitants aujourd'hui à soixante-cinq ou soixante-dix millions d'ici 2060. L'Allemagne perdrait alors son statut de pays le plus peuplé de l'Union européenne, au profit de la Grande-Bretagne.
Plusieurs des interlocuteurs de la délégation ont expliqué que la société allemande continue à exercer une pression morale sur les femmes qui décident de poursuivre leur activité professionnelle, tout en élevant leurs enfants. Heureusement, les mentalités évoluent et les pouvoirs publics commencent à prendre des mesures destinées à faciliter la garde d'enfants. Mais beaucoup reste encore à accomplir, notamment en matière d'infrastructures.
Dès les années quatre-vingt-dix, l'Allemagne a entrepris une adaptation de son système de retraite, rendue nécessaire par la réunification et l'apparition des premiers déficits. Celle-ci s'est poursuivie au tournant des années 2000, sous le gouvernement du chancelier Schröder, dont la priorité était de garantir, dans le contexte de la mondialisation, la compétitivité de l'économie allemande. Les objectifs affichés étaient clairs : stabiliser les taux de cotisations et ralentir la dynamique des dépenses.
La réforme la plus emblématique a consisté à développer le deuxième pilier de retraite d'entreprise et, surtout, à renforcer le troisième pilier par capitalisation, le but étant de compenser la diminution attendue des taux de remplacement dans le régime de base. Parallèlement, plusieurs modifications importantes ont été introduites dans le premier pilier afin d'assurer sa viabilité à long terme.
Deux dispositions législatives adoptées en 2001 encadrent strictement l'évolution du régime d'assurance retraite par répartition :
- un plafond de taux de cotisations : celui-ci ne doit pas dépasser 20 % jusqu'en 2020 et 22 % jusqu'en 2030. En cas de non-respect de ces objectifs, le gouvernement fédéral est tenu de proposer des mesures correctrices ;
- un plancher de taux de remplacement net (après cotisation mais avant impôt) : celui-ci ne doit pas passer en dessous des 46 % jusqu'en 2020 et des 43 % jusqu'en 2030. En cas de franchissement de ce seuil, le gouvernement fédéral a l'obligation légale de proposer des mesures appropriées pour accroître le niveau des pensions.
L'Allemagne a également cherché à ralentir la dynamique des dépenses de retraite, en jouant sur le mécanisme de revalorisation des pensions. L'indexation des pensions repose aujourd'hui sur l'évolution du salaire brut moyen, mais aussi sur deux autres facteurs :
- le « facteur Riester » qui sert à tenir compte d'une part, de l'évolution des taux de cotisations à l'assurance légale, d'autre part, des contributions effectuées par les assurés dans un dispositif de prévoyance vieillesse facultatif. Concrètement, le développement des contrats d'épargne retraite affecte négativement l'évolution des pensions de base ;
- le « facteur de viabilité » qui reflète l'évolution du rapport de dépendance économique (c'est-à-dire du rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants). En pratique, lorsque ce rapport de dépendance économique se dégrade, la progression du salaire brut moyen n'est répercutée qu'en partie, limitant ainsi la revalorisation des pensions.
Ces deux facteurs, respectivement introduits en 2001 et 2004, ont pour effet de minorer l'évolution des pensions telle qu'elle résulterait uniquement de l'évolution du salaire brut moyen.
Malgré son caractère a priori automatique, le mécanisme de revalorisation des pensions n'a, en réalité, été appliqué stricto sensu qu'en 2007. Son application à la lettre aurait en effet conduit à une diminution des pensions. Il est cependant prévu que les retards pris dans l'application des mécanismes correctifs devront être rattrapés au cours des prochaines années.
Enfin, après une nouvelle hausse du taux de cotisations au 1er janvier 2007 - celui-ci s'établissant désormais à 19,9 % -, la « grande coalition » a décidé de relever progressivement l'âge de départ à la retraite de soixante-cinq à soixante-sept ans entre 2012 et 2029. L'âge légal de départ à la retraite sera augmenté d'un mois par an les douze premières années et de deux mois par an les six années suivantes. Le nouvel âge de soixante-sept ans s'appliquera donc aux personnes nées à partir de 1964.
La loi du 9 mars 2007 relevant l'âge légal maintient toutefois la possibilité de partir dès soixante-trois ans, dès lors que l'assuré justifie de trente-cinq années de cotisations mais avec une décote de 3,6 % par année manquante. Elle prévoit également des aménagements pour certaines catégories de population (salariés ayant effectué une longue carrière, handicapés lourds, accidentés du travail, mineurs de fond, etc.).
Selon les responsables de l'assurance retraite légale, les gains financiers de cette mesure pour le régime seraient faibles à moyen terme pour deux raisons :
- d'une part, étant donné le caractère très progressif de la réforme, une petite partie seulement des retraités auront réellement liquidé leur pension à soixante-sept ans d'ici 2030 ;
- d'autre part, le fait que les actifs travailleront plus longtemps va améliorer le ratio de dépendance qui, en conséquence, jouera d'autant moins à la baisse sur le niveau des pensions.
Les premiers effets financiers ne devraient donc être véritablement observés qu'à partir de 2040.
L'ensemble de ces réformes commence à porter ses fruits sur le plan financier puisque le régime de l'assurance légale est structurellement équilibré et dégage même chaque année des excédents. Ainsi, l'assurance retraite légale disposait, en 2008, d'environ 244 milliards d'euros de recettes pour 240 milliards de dépenses. Selon les projections de l'assurance retraite datant de 2008, les excédents attendus dans les prochaines années permettraient d'atteindre l'objectif fixé par la loi d'un niveau de réserves équivalent à un mois et demi de prestations retraite, puis d'amorcer une réduction des taux de cotisation à partir de 2012.
Il existe donc aujourd'hui un certain consensus en Allemagne pour estimer que le système est viable financièrement à moyen terme. Certes, la crise économique n'a pas permis, en 2009, d'augmenter les réserves, contrairement à ce qui était prévu, mais la bonne résistance du marché du travail allemand devrait préserver le volume des recettes de cotisations.
Au-delà des enjeux en termes de financement de l'assurance légale, la question de l'allongement de la durée de la vie active revêt une importance particulière dans une Allemagne confrontée à des perspectives démographiques sombres, qui risquent d'entraîner à l'avenir des problèmes de main-d'oeuvre pouvant, in fine, compromettre sa compétitivité.
Les pouvoirs publics ont donc mis en place, depuis quelques années, une politique dite de « vieillissement actif », dont l'objectif est d'augmenter le taux d'emploi des seniors et de mieux réintégrer les chômeurs âgés sur le marché du travail. Plusieurs mesures ont été prises dans ce sens : encouragement de la formation professionnelle continue pour les seniors, revalorisation de la subvention versée aux entreprises qui recrutent des travailleurs âgés, allégement de charges sociales, extinction progressive des dispositifs de départ anticipé, etc.
Cette politique volontariste conjuguée à un âge légal de la retraite assez élevé commence à produire ses effets puisque le taux d'emploi des seniors est passé de 44,9 % en 2005 à 55 % aujourd'hui.
Les syndicats ne contestent pas ces résultats encourageants mais font néanmoins valoir que le report à soixante-sept ans de l'âge légal de départ à la retraite est une mesure qui « n'a pas de sens », tant que les seniors continueront à avoir des difficultés à se maintenir dans l'emploi. De leur côté, les employeurs prennent progressivement conscience qu'ils doivent mettre en place des actions de formation personnalisée à destination de leurs salariés âgés.
Le report de l'âge légal de départ à la retraite a aussi soulevé la question de la pénibilité de certaines professions : appuyée par certains syndicats, une partie du SPD a fermement revendiqué des aménagements spécifiques pour les professions considérées comme pénibles, tels les couvreurs et les infirmières. Ces propositions se sont toutefois rapidement vu opposer une fin de non-recevoir au motif qu'elles étaient difficilement réalisables.
En contrepartie, la loi de 2007 a instauré un nouveau dispositif permettant aux assurés ayant effectué une longue carrière - plus de quarante cinq ans de cotisations - de partir à soixante-cinq ans sans décote.
Au vu de la difficulté à définir et mesurer la pénibilité du travail, les syndicats estiment préférable de ne pas classer les métiers selon leur degré de pénibilité, ce qui pourrait poser des problèmes d'ordre technique mais aussi engendrer des inégalités entre catégories de travailleurs. Ils plaident toutefois pour l'adaptation du dispositif de retraite anticipée pour incapacité de travail afin d'offrir davantage de protection, notamment aux travailleurs les plus fragiles. Ils insistent aussi sur la nécessité de prévenir la pénibilité en améliorant les conditions de travail.