Intervention de Gilles Carrez

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris — Réunion du 17 février 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles Carrez parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du grand paris

Gilles Carrez, parlementaire en mission sur le financement du projet de transports du Grand Paris :

a tout d'abord souligné que le rapport qu'il a rendu, fin septembre 2009, au Premier ministre, ne concerne que la dimension « transport » du Grand Paris. Dans cette approche, toutefois, il s'est efforcé de bien prendre en compte les autres aspects du projet, opérations d'aménagement et construction de logements. Pour l'élaboration de ce rapport, il a constitué un groupe de travail associant l'ensemble des parties prenantes, notamment l'Etat, la région Ile-de-France, le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) et les opérateurs de transport, ainsi que des élus, de toutes appartenances politiques et franciliens comme provinciaux.

La rédaction du rapport a reposé sur les cinq règles de méthode suivantes :

- le projet de transport pris en considération doit répondre aux besoins urgents de l'lle-de-France en même temps qu'il engage l'avenir ;

- les besoins de financement de ce projet doivent être analysés en termes tant d'investissement que de fonctionnement, en vue d'affecter à chaque catégorie de dépenses des ressources propres ;

- toutes les ressources de financement possibles doivent être recherchées, afin de ne négliger aucune piste ;

- les efforts contributifs du monde économique, des usagers des transports en commun, des contribuables et des entreprises de transport doivent être proportionnés et équitables ;

- l'emprunt ne doit être utilisé qu'à proportion des capacités de remboursement.

Sur le fondement, d'une part, de l'identification, par les services de l'Etat, des besoins en transports et, d'autre part, du projet de nouveau métro associé au développement du Grand Paris, M. Gilles Carrez a établi un phasage des travaux à réaliser. Une première phase, pour la période 2010-2025, inclurait notamment :

- plusieurs opérations relevant des contrats de projets Etat-région (CPER), certaines se trouvant déjà inscrites dans le contrat en cours d'exécution, couvrant la période 2007-2013, dont le prolongement du réseau Eole à l'ouest ;

- la reconfiguration des lignes C et D du réseau de RER ;

- un programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et la mise en accessibilité du réseau pour les personnes à mobilité réduite ;

- enfin, la réalisation d'une première partie du métro automatique, dont le bouclement de la nouvelle rocade de métro et le prolongement de la ligne 14, au sud, jusqu'à Orly et, au nord, jusqu'à Pleyel voire Le Bourget. Il n'a pas été préjugé de la solution qui sera retenue pour desservir Roissy. En outre, deux variantes possibles ont été prises en considération en ce qui concerne la partie orientale du tracé.

a fait valoir la cohérence de la première phase de réalisation du volet « transport » du Grand Paris ainsi conçue. D'une part, elle tend à préparer les opérations d'aménagement et de construction de logements à venir, nécessairement liés au réseau de transports. D'autre part, elle ne perd pas de vue l'objectif d'achever, au terme d'une seconde phase, soit après 2025, la « double boucle » du tracé prévu.

Le besoin de financement de cette première phase a été évalué 43,2 milliards d'euros en dépenses de fonctionnement, réparties comme suit :

- 32,2 milliards d'euros pour les charges d'exploitation, dont un besoin de 24,1 milliards induit par la seule « dérive » du socle de fonctionnement du réseau existant, sous l'hypothèse d'un rythme annuel de + 1,8 point au-dessus de l'inflation en moyenne sur la période (contre + 2,3 points entre 2000 et 2008), et un besoin complémentaire de 8,1 milliards lié aux nouvelles réalisations ;

- 9,2 milliards d'euros au titre du programme de rénovation et d'acquisition du matériel roulant et 1,8 milliard pour la mise en accessibilité du réseau.

Pour financer ces dépenses, quatre ressources pourraient être mobilisées :

- la modernisation du versement transports, par l'actualisation du zonage existant et l'augmentation des taux. La mesure, compte tenu de la croissance économique, permettrait de dégager 11,9 milliards d'euros sur la période 2010-2025. M. Gilles Carrez a reconnu le caractère « difficile » de cette réforme sur le plan politique, mais il a considéré celle-ci comme légitime, dès lors que l'amélioration de l'offre de transport contribue directement à renforcer la compétitivité des entreprises ;

- le renouvellement de la politique tarifaire des transports publics, qui passerait notamment par une revalorisation des tarifs, selon un rythme ne dépassant pas celui du pouvoir d'achat des ménages, et une révision du zonage actuel. Sur la période 2010-2025, 16,5 milliards d'euros pourraient ainsi être dégagés. M. Gilles Carrez, tout en admettant que ces mesures étaient également délicates à mettre en oeuvre, a estimé nécessaire d'enrayer la dégradation des recettes tarifaires observée ces dernières années ;

- les gains de productivité réalisés par les opérateurs, qui seraient rétrocédés à due proportion au système de transport, sur la base des contrats liant ces opérateurs au STIF ;

- le recours à l'emprunt, M. Gilles Carrez présentant l'hypothèse d'un financement intégral, par ce moyen, du matériel roulant et de la mise en accessibilité du réseau, soit 11 milliards d'euros. Le coût de l'opération, sur la période 2010-2025, serait limité à 6 milliards d'euros, l'emprunt permettant en effet de décaler dans le temps les besoins de financement.

La couverture du besoin de financement résiduel en fonctionnement (9,8 milliards d'euros) imposerait une croissance des contributions de la région Ile-de-France et des départements franciliens, donc un effort supplémentaire des contribuables, à un rythme de 4,2 points au-dessus de l'inflation sur la période considérée.

En ce qui concerne l'investissement, le besoin de financement de la première phase de réalisation a été évalué à 24,4 milliards d'euros, ainsi décomposés :

- d'une part, 12,7 milliards d'euros pour la réalisation de la première partie du métro automatique, dont 7,7 milliards pour la rocade de métro et 5 milliards pour le prolongement de la ligne 14 ;

- d'autre part, 2,8 milliards d'euros pour la reconfiguration du réseau de RER, dont 1,8 milliard pour le prolongement d'Eole et un milliard pour les lignes C et D, ainsi que 8,9 milliards d'euros au titre d'opérations inscrites dans les CPER.

Ces besoins pourraient être couverts par six catégories de ressources principalement :

- la poursuite de l'effort budgétaire consenti dans le cadre des CPER, évalué à 6,4 milliards d'euros sur la période 2010-2025 ;

- la modernisation des ressources fiscales assises sur les bureaux, notamment par l'actualisation des tarifs et du zonage. Ainsi révisée, la taxe sur les locaux à usage de bureaux, de commerce et de stockage permettrait de dégager 5,3 milliards d'euros, sur la période et la redevance sur la création de bureaux, 2 milliards d'euros ;

- l'augmentation de la contribution des usagers de la route, orientation que M. Gilles Carrez a fait valoir comme conforme aux principes fixés dans le cadre du Grenelle de l'environnement. En premier lieu, le relèvement dans la région Ile-de-France de la taxe kilométrique sur les véhicules de transport de marchandises (« éco-redevance poids lourds », qui doit entrer en vigueur en 2013), à hauteur de 30 %, justifié par la congestion du trafic automobile, engendrerait un produit de 1,3 milliard d'euros sur la période considérée. En second lieu, une revalorisation du montant des amendes de stationnement forfaitaires de 11 à 20 euros procurerait une ressource complémentaire de 0,6 milliard d'euros sur cette période. M. Gilles Carrez a rappelé que le STIF reçoit 50 % du produit de ces amendes, la région 25 % ;

- la création d'une taxe spéciale d'équipement « Grand Paris ». Calibrée pour un produit annuel de 100 millions d'euros, cette taxe représenterait un coût de 20 euros par an, en moyenne, pour un ménage francilien redevable des taxes foncières et d'habitation. Elle rapporterait 1,6 milliard d'euros sur la période 2010-2025 ;

- la création d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour en Ile-de-France. Cette ressource, estimée à 30 millions d'euros par an, engendrerait 0,5 milliard d'euros sur la période ;

- un emprunt, à hauteur de 9,3 milliards d'euros, afin de couvrir le besoin résiduel en dépenses d'investissement. Compte tenu de la proposition d'emprunter 11 milliards d'euros pour financer les dépenses de fonctionnement, le recours à l'emprunt pour le projet de transports du Grand Paris, au total, s'élèverait ainsi à 20,3 milliards d'euros.

La seconde phase de réalisation du projet, prévue après 2025, permettrait le bouclage de l'ensemble. Elle comprendrait, notamment, la construction de la liaison La Défense-Versailles-Saclay-Orly, qui représente un coût d'investissement de 4,5 milliards d'euros. M. Gilles Carrez a estimé que cette seconde phase pourrait être financée sans difficulté particulière.

Il a précisé que, dans le but d'optimiser les coûts, il conviendrait de placer le système de transport francilien dans une situation concurrentielle, afin de réaliser des gains de productivité. En outre, le recours aux contrats de partenariats public-privé sur la conception et la construction des ouvrages permet de maîtriser les coûts et les délais de réalisation.

Par ailleurs, l'articulation de l'action de l'Etat avec celle des collectivités territoriales constitue un impératif pour la réussite du projet. Pour cette raison, le plan de financement proposé n'intègre pas les ressources qui pourront être tirées de la valorisation foncière. Il faut laisser aux collectivités territoriales la liberté d'affecter cette ressource aux projets de leur choix, équipements publics ou logements sociaux en particulier ; l'Etat ne devrait pas décider unilatéralement d'une forme de « préemption » de la valorisation foncière en faveur du réseau de transport. Les futurs contrats de développement territorial, créés par le projet de loi relatif au Grand Paris, pourront constituer le cadre des accords à trouver sur ce point.

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