Intervention de Andris Piebalgs

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 avril 2008 : 1ère réunion
Union européenne — Energie - Audition de M. Andris Piebalgs commissaire européen en charge de l'énergie

Andris Piebalgs, commissaire européen en charge de l'énergie :

a vu dans la fixation d'un objectif européen de 20 % d'économies d'énergie d'ici à 2020 un outil privilégié de lutte contre le changement climatique. Si cet objectif implique l'adoption d'une législation adéquate en matière d'éco-conception, elle fait aussi appel à des gestes simples de la part de l'ensemble des citoyens. Les déclinaisons nationales du plan d'action proposé par la Commission en la matière apparaissent, à ce stade, décevantes. Toutefois, s'agissant de la France, les propositions du Grenelle de l'environnement et l'action de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie incitent à l'optimisme.

S'il a reconnu à chaque Etat membre le droit de composer son propre bouquet énergétique, M. Andris Piebalgs a rappelé que l'agrégation des bouquets nationaux devait permettre d'atteindre l'objectif de 20 % d'énergies renouvelables. Compte tenu des nombreux avantages associés à l'essor des énergies renouvelables, notamment en matière de réduction de la dépendance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, un accord politique sur le contenu du paquet énergie-climat avant la fin de l'année 2008 est éminemment souhaitable. Par ailleurs, pour ambitieux qu'ils soient, les objectifs nationaux n'ont pas été remis en cause par les Etats membres. La France, en particulier, dispose d'un fort potentiel solaire et éolien, qui devrait lui permettre d'atteindre un objectif de 23 %, au demeurant en phase avec les orientations du Grenelle.

a reconnu le caractère hors du commun du parc nucléaire français et concédé que plusieurs pays dans le monde manifestaient un regain d'intérêt pour cette énergie. Si cette tendance s'explique en partie par la nécessité de renouveler 50 % de la capacité de la production électrique européenne d'ici à 2030, le degré d'acceptation du nucléaire n'est pas le même dans tous les Etats membres. Cela rend nécessaire l'élaboration, par le Forum nucléaire et le Groupe de haut niveau, d'un cadre juridique communautaire garantissant un haut degré de sûreté.

L'accroissement des efforts de recherche est le corollaire des actions précédemment évoquées, afin d'améliorer le rendement des énergies renouvelables ou de développer les biocarburants de deuxième génération. A ce titre, M. Andris Piebalgs a rappelé que l'Union européenne consacrait 2,5 milliards d'euros par an à la recherche, contre 100 milliards de dollars évoqués par les candidats à l'élection présidentielle américaine. Les modalités de financement de cette recherche, qui doivent combiner le rôle moteur de la recherche publique et le développement de partenariats public-privé, feront l'objet d'une proposition de la Commission d'ici à un an.

Abordant les aspects stratégiques de la politique énergétique, M. Andris Piebalgs a rappelé que le Conseil européen de mars 2007 avait fait de la construction d'un « marché intérieur de l'énergie efficace, pleinement opérationnel et interconnecté » la condition essentielle de la sécurité d'approvisionnement de l'Union. Le troisième paquet présenté par la Commission en septembre 2007 vise à faire de ce marché intérieur une réalité, et repose sur un juste équilibre entre concurrence et réglementation. Il est donc souhaitable qu'il fasse l'objet d'un accord politique en juin 2008, prenant en compte, notamment, les positions exprimées en faveur de la « troisième voie ».

a regretté que des malentendus se soient noués autour de la question de la séparation patrimoniale. Sur ce point, il a jugé important que la preuve soit faite d'une séparation réelle entre activités de production et de transport. Cela implique que les investissements dans les réseaux et infrastructures de gaz et d'électricité soient réalisés sans délai et que les décisions soient prises de manière transparente, non discriminatoire, dans l'intérêt du marché et non dans un but d'éviction des nouveaux entrants. Après avoir jugé encourageante la vente par E.on d'une partie de son réseau, il a convenu que la séparation patrimoniale devait s'accompagner d'un renforcement des compétences des régulateurs nationaux et de la mise en place d'une agence de coopération, conformément à la conception française de « séparation régulée ».

S'agissant des tarifs réglementés, M. Andris Piebalgs a précisé que la procédure d'infraction engagée contre la France ne concernait que les tarifs non domestiques. La réversibilité du dispositif français devrait inciter davantage de clients particuliers à changer de fournisseur et protéger les clients vulnérables. La Commission européenne a d'ailleurs engagé une consultation sur les thèmes de l'information et de la mise en oeuvre des droits des consommateurs d'énergie, auxquels elle attache la plus grande importance. Il s'est néanmoins dit frappé de l'ignorance, manifestée par 70 % des foyers français, de la possibilité de changer de fournisseur.

Il a vu dans le développement des interconnexions électriques et gazières une condition supplémentaire à la construction d'un marché intérieur de l'énergie et à la prévention des pannes. A cet égard, un renforcement de la coopération entre les gestionnaires de réseau nationaux est nécessaire, coopération à laquelle la France doit prendre toute sa part, compte tenu de sa position géographique. Doivent, en outre, être salués, les efforts accomplis entre la France et l'Espagne, sous la coordination du commissaire Monti, pour établir une interconnexion de part et d'autre des Pyrénées.

La diversification des fournisseurs, des routes et des sources d'énergies étant le gage d'un approvisionnement sûr et stable, M. Andris Piebalgs a estimé que nos relations ne devaient pas se limiter aux pays producteurs d'énergie, soit l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) pour le pétrole, et la Russie pour le gaz.

Jugeant indispensable d'entretenir des relations fondées sur la confiance, la transparence et la réciprocité dans l'accès au marché avec les pays producteurs d'hydrocarbures, il a indiqué que ces éléments ne sauraient néanmoins se limiter à un pays particulier. Ainsi, des pays d'Asie centrale comme le Turkménistan ou l'Azerbaïdjan, mais aussi, pour ce qui concerne le gaz naturel liquéfié, des pays comme le Qatar ou l'Egypte, pourraient contribuer à diversifier le portefeuille gazier de l'Europe.

Abordant la question des relations avec les pays traversés par les infrastructures de transport d'énergie, il a souligné la position stratégique occupée par l'Ukraine et la Turquie pour l'acheminement du gaz, la Commission européenne travaillant actuellement en étroite collaboration avec les autorités turques pour faire aboutir rapidement le projet de gazoduc Nabucco, qui permettra d'importer du gaz de la mer Caspienne vers l'Autriche. Il a souhaité que ces deux pays, aujourd'hui observateurs au sein de la Communauté de l'énergie, puissent en devenir membres à part entière, dans la mesure où cette structure constitue le meilleur instrument de coopération avec les pays situés à proximité de l'Europe, l'Union méditerranéenne pouvant d'ailleurs, elle aussi, s'appuyer sur cet organe.

a ensuite noté la forte croissance des demandes chinoise et indienne de matières premières énergétiques, évaluées par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) à plus de 3 % par an pour chaque pays, soit un doublement d'ici à 2030. Estimant que cette évolution était de nature à accroître fortement les émissions de dioxyde de carbone et à peser sur la sécurité d'approvisionnement énergétique mondiale, il a relevé que l'Union européenne avait un intérêt direct, dans le cadre de sa politique énergétique externe, à approfondir la coopération avec ces deux pays dans certains secteurs industriels comme le captage et le stockage du CO2 ou le nucléaire. Il a espéré, à cet égard, que la Chine et l'Inde puissent se joindre à l'Union européenne, aux Etats-Unis et au Japon pour signer le partenariat international sur l'efficacité énergétique.

Il a alors jugé que l'Union européenne devait s'efforcer de « parler d'une même voix » sur les dossiers énergétiques -estimant que cette question pourrait être débattue en détail au cours de la présidence française de l'Union européenne- et faire preuve d'une réelle solidarité entre Etats membres en cas d'interruption d'approvisionnement. A ce titre, il a estimé que l'Union devait en priorité évaluer avec précision ses stocks énergétiques et, au-delà de l'obligation pour chaque pays de disposer de stocks pétroliers équivalents à 90 jours de consommation, rendre régulièrement public l'état de ces stocks, sans s'affranchir d'une réflexion sur l'extension de ces dispositifs aux stocks gaziers. Il a, à cet égard, considéré que l'observatoire européen de l'énergie, qui devrait faire paraître son premier rapport en décembre prochain, devait contribuer à une plus grande transparence des données statistiques et à une meilleure compréhension du marché européen.

Pour M. Andris Piebalgs, la Commission européenne prendrait sa part de responsabilité en préparant, en vue du prochain Conseil européen, une mise à jour de sa stratégie énergétique, et en se concentrant sur la sécurité d'approvisionnement.

Un large débat s'est ensuite instauré.

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