Intervention de Muguette Dini

Commission mixte paritaire — Réunion du 13 mai 2008 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur la lutte contre les discriminations

Photo de Muguette DiniMuguette Dini, rapporteure pour le Sénat :

a indiqué que le projet de loi transpose partiellement ou intégralement cinq directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations, puis a rappelé le contexte de la discussion. Alors que les deux dernières directives, qui datent de 2004 et 2006, n'ont pas encore été transposées, les trois premières, qui remontent à 2000 et 2002, ont déjà fait l'objet d'une transposition. Mais la Commission européenne a estimé cette transposition incomplète et engagé trois actions en manquement contre l'Etat français. Aujourd'hui, il est proposé de mettre le droit français en conformité avec les trois premières directives et de transposer partiellement les deux dernières.

On peut comprendre et approuver le Gouvernement qui souhaite soigner l'image européenne de la France trois mois avant de prendre la présidence de l'Union. Cet objectif est parfaitement légitime mais il ne doit pas conduire les parlementaires à fermer les yeux sur le contenu du texte, et c'est pourquoi l'Assemblée nationale comme le Sénat ont introduit plusieurs modifications.

Le Sénat a, pour sa part, adopté onze amendements.

Les deux premiers précisent à l'article 1er les définitions de la discrimination directe et de la discrimination indirecte, afin que ces définitions ne débouchent pas sur des condamnations fondées sur de simples hypothèses. Il existe en France, en effet, un principe fondamental en vertu duquel nul ne peut être condamné que pour des actes qu'il a effectivement commis et il ne convient pas de le remettre en cause, sauf à accepter les procès d'intention.

A l'article 2, le Sénat a supprimé la dérogation accordée aux médias et à la publicité en matière de discrimination fondée sur le sexe. Cette exception risquait en effet de fournir un fondement légal aux publicités sexistes.

Il a ensuite introduit un article additionnel 4 bis visant à lever tout malentendu sur les incidences de la réduction de trente à cinq ans du délai de droit commun de la prescription en matière de lutte contre les discriminations. L'Assemblée nationale ayant récemment adopté le même article dans la proposition de loi de réforme de la prescription en matière civile, il n'est plus nécessaire de faire figurer cet article additionnel dans le projet de loi.

A l'article 6, deux modifications ont été apportées : plutôt que le dispositif d'affichage sur les lieux de travail et d'embauche prévu par le texte issu de l'Assemblée nationale, dispositif assez complexe et difficilement compréhensible, le Sénat a préféré l'affichage des articles du code pénal relatifs à l'interdiction des discriminations, plus accessibles et sans doute plus dissuasifs ; il a également été jugé que les dispositions précisant la notion de but légitime en matière de différences de traitement légales fondées sur l'âge étaient inutilement restrictives.

Enfin, à l'article 9, il a été mis fin à la distorsion de concurrence entre les assurances et les mutuelles en matière de contrats d'assurance-vie et de prévoyance. Le projet de loi initial réservait en effet aux assurances le droit de mettre en oeuvre, dans ces contrats, des tarifs différenciés en fonction du sexe. Cette possibilité a été étendue aux mutuelles par le Sénat, mais pour éviter toute rupture de concurrence en la matière, il sera proposé à la commission mixte paritaire d'appliquer aussi cette dérogation aux instituts de prévoyance.

Enfin, pour éviter que le présent texte ne conduise à des dérives communautaristes, une autre modification sera proposée au vote de la commission mixte paritaire. Il existe en effet deux voies de lutte contre les discriminations, que l'on peut qualifier respectivement de républicaine et de communautariste. La voie républicaine incite les individus, pour faire cesser une inégalité de traitement, à évoquer un principe commun à tous, le principe d'égalité, et place les individus dans une posture positive. La voie communautariste, au contraire, pousse les individus à faire valoir leurs différences pour obtenir réparation et se placer en position de victime. Parce que la lutte contre les discriminations est si importante pour la France, elle ne doit pas amener à remettre en cause les principes fondamentaux.

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