Intervention de Thierry Repentin

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission ville et logement - examen du rapport pour avis

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin, rapporteur pour avis (logement) :

La mission compte trois programmes dédiés à la politique du logement : le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » comprend les crédits de l'hébergement ; le programme 109 « Aide à l'accès au logement » retrace essentiellement les aides personnelles au logement ; et, enfin, le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » finance les aides destinées à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux.

Dans le projet de loi de finances initial, les crédits du volet « Logement » de la mission « Ville et logement » affichent une hausse de 3,7 % en autorisations d'engagement (AE) et de 2,3 % en crédits de paiement (CP), contre 2,1 % et 0,7 % après le « coup de rabot » que le Gouvernement a demandé aux députés de voter. Dans la suite de mon propos, je me référerai cependant aux crédits inscrits au projet de loi de finances initial. A mes yeux, ce budget est insincère et n'est pas à la hauteur des enjeux. De fait, l'augmentation, qui intervient après une évolution contrastée en 2011, sera en grande partie absorbée par l'inflation. De plus, elle est le fait de la croissance mécanique des crédits du programme 109, les bénéficiaires des aides personnelles au logement étant plus nombreux en temps de crise. Elle ne résulte en aucun cas d'une volonté politique.

Les crédits du programme 177 sont stables et, donc, insincères. Le secrétaire d'État chargé du logement l'a reconnu lui-même devant notre commission ! Cette sous-budgétisation chronique - il manque près de 80 millions par rapport aux crédits concernés en 2010 - prive les services de l'État et les associations de toute visibilité financière, ce qui nuit gravement à leur action. En outre, cette stabilité apparente masque la réduction de 2 % des crédits destinés à l'hébergement d'urgence. Ce choix, couplé à la contraction des crédits des aides à la pierre, illustre une stratégie bien contestable en pleine crise : la stratégie du « logement, d'abord » correspond en fait à une stratégie du « ni hébergement, ni logement »...

Le programme 109 consacré aux aides personnelles voit ses crédits augmenter mécaniquement de 5,7 %. Pour contenir leur hausse, le Gouvernement a indexé leur évolution sur la croissance, soit 1 %. On en attend une économie de 160 millions, mais à quel prix ? Rien n'interdira aux propriétaires de relever davantage les loyers, ce dont les ménages feront seuls les frais. Je crains donc une recrudescence des impayés de loyer.

Enfin, la chute des crédits du programme 135 marque un nouveau désengagement de l'État en matière de logement social : moins 7,4 % en autorisations d'engagement et moins 27 % en CP ! Pour les aides à la pierre, la diminution atteint 10 % en AE et près d'un tiers en CP, une baisse que ne permet pas de compenser la partie du produit de la « ponction » opérée depuis l'an dernier sur les organismes HLM affectée à la péréquation entre organismes. Autre chiffre qui permet de mesurer la gravité de la situation : la somme du prélèvement opéré sur les organismes HLM (245 millions) et du coût pour ces mêmes organismes du relèvement à 7 % de la TVA (225 millions) sera supérieure au montant des aides à la pierre ! Au final, après prise en compte du prélèvement, celles-ci diminuent de 16 %. À qui doit-on nos bons résultats en matière de financement de logement social que le secrétaire d'État aime tant souligner ? Sûrement pas à l'État ! Celui-ci finance 2,7 % d'un logement construit en prêt locatif à usage social (PLUS), les collectivités territoriales 7,7 %, soit près du triple ! Enfin, le Gouvernement maintenant l'objectif de 120 000 logements sociaux, la subvention unitaire passera à 600 euros pour un PLUS et 9 600 euros pour un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) en 2012, contre 6 000 euros et près de 15 000 euros dix ans auparavant, sans parler du prix du foncier qui a explosé...

Les dépenses fiscales rattachées à ces trois programmes progressent de 4 % environ pour atteindre 13,5 milliards, soit près du double des crédits budgétaires. Si certaines d'entre elles sont utiles - je pense, notamment, au taux réduit de TVA dans le bâtiment - leur poids croissant me semble inquiétant, surtout que plusieurs d'entre elles sont mal calibrées. Le dispositif « Scellier » coûtera ainsi 650 millions en 2012, soit une hausse de 60 %, avec des effets inflationnistes et un dispositif totalement inefficace en termes de zonage et de « loyers de sortie ». L'universalité du « PTZ + », institué par la loi de finances pour 2011, entraîne une véritable dérive budgétaire : plus 25 % d'augmentation en 2012 avec près de 52 % des bénéficiaires qui devraient appartenir aux deux plus haut déciles de la population en termes de revenus ! Après l'annonce du nouveau plan d'économie le 7 novembre dernier, les députés ont voté la suppression du « Scellier » en 2013 ainsi que le recentrage du « PTZ + », qui ne sera plus universel, sur l'habitat neuf. Je salue cette prise de conscience tardive, mais quel héritage lourd et durable pour les finances publiques ! La réduction d'impôt étant répartie sur 9 ans, la suppression du dispositif « Scellier » permettra des économies seulement en 2018.

Les jeunes sont les premiers touchés par la crise du logement, a rappelé le récent rapport du Secours catholique. Leur situation est clairement spécifique : 12 % des moins de 30 ans sont propriétaires, contre 57 % du reste de la population ; surtout, ils sont à 53 % locataires du parc privé, qui est plus coûteux par définition, contre 24 %. Ils connaissent des difficultés importantes : 35 % des personnes bénéficiant d'un hébergement d'urgence ont moins de 25 ans. Leur taux d'effort brut est très supérieur : il atteint 32,1 % pour les moins de 25 ans, 21,3 % pour les ménages de 25 à 30 ans et seulement 11,6 % pour l'ensemble des ménages. Malgré cela, les jeunes sont les grands oubliés de la politique du logement. Rien n'est prévu, sinon des mesures en matière de logement étudiant et une « micro-taxe » sur les « micro-logements » à l'article 42 de ce texte qui, si elle est bienvenue, ne produira que des « micro-effets ». Nous devons engager une réflexion d'ensemble sur l'encadrement des loyers en « zone tendue » et l'institution d'un dispositif de garantie universelle des risques locatifs pour sécuriser l'accès des jeunes au logement.

Je propose donc un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission, comme du nouvel article 64 bis rattaché à la mission. Introduit à l'initiative du Gouvernement, ce dernier proroge le reversement par les organismes collecteurs ayant le statut d'organismes HLM et de SEM des deux tiers du montant de leur collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) aux organismes collecteurs associés de l'Union d'économie sociale du logement (UESL) jusqu'en 2014. Cette disposition, instituée en 2006 et prolongée une première fois en 2009, est inséparable de la ponction réalisée par le Gouvernement sur les ressources d'Action Logement.

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