Le logement est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Selon un sondage publié cet été, 80 % d'entre eux se déclarent insatisfaits de la politique menée par l'État dans ce domaine ; ils sont un peu plus indulgents pour les collectivités, à l'égard desquelles le taux d'insatisfaction est d'environ 50 %. Et lorsqu'on demande aux Français ce qui les inquiète pour l'avenir de leurs enfants, ils citent d'abord l'emploi, puis le pouvoir d'achat, et en troisième lieu le logement. Ces problèmes sont d'ailleurs liés, puisque le logement est devenu le premier poste budgétaire des familles. Or il ne s'agit plus depuis bien longtemps d'une politique nationale prioritaire.
Cette politique échappe d'ailleurs en grande partie au Parlement, puisque l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et l'ANRU sont désormais financées par des ressources non budgétaires, le 1 % Logement et une ponction sur la trésorerie des offices HLM. Le budget de 450 millions d'euros d'aide à la construction de logement sociaux est inférieur au montant de cette ponction et du produit du relèvement du taux de TVA de 5,5 à 7 % ! Dans ces conditions, le rapporteur pour avis que je suis pourrait vous proposer de supprimer toute aide et toute ponction, et de laisser aux collectivités le soin de soutenir la construction. Elles doivent d'ailleurs déjà mettre la main au portefeuille !
Dans ce domaine, les niches fiscales sont de plus en plus coûteuses, et la fiscalité en général encourage la hausse des prix : pour échapper à la taxation des plus-values, les propriétaires attendent quinze ans pour vendre et contribuent à la rareté des terrains ! Il faudrait au contraire les inciter fiscalement à vendre au plus vite une fois leur terrain devenu constructible. Il n'est pas illégitime de les mettre à contribution, car c'est le maire ou le président de l'intercommunalité, et non pas eux, qui créent de la richesse en rendant un terrain constructible.
Oui, la multiplication des normes a un coût. Nous avons légiféré après un accident dans un ascenseur, légiféré à nouveau après un incendie qui s'était déclaré dans un bâtiment. La loi du 11 février 2005 dite loi « Handicap » exige même que la totalité des nouveaux logements soient accessibles aux personnes handicapées. Il faudra en débattre avec la commission des affaires sociales car le renchérissement des logements crée de l'exclusion. La surface moyenne des logements achetés diminue alors, car les familles doivent en rabattre sur leurs aspirations, et les organismes construisent plus petit et moins cher.
La défiscalisation a eu des effets pervers : des officines vendent des logements à des prix bien supérieurs à ceux du marché. Une étude récente de l'Inspection générale des finances montre que 80 % des logements concernés sont achetés sur plans, et que pour la plupart les propriétaires n'habitent pas dans la région, et ne connaissent donc pas les prix locaux. On vend des produits de défiscalisation plutôt que des logements ! Il en va de même outre-mer : les aides consenties via la défiscalisation coûtent 30 % plus cher que les seuls logements sociaux construits grâce à la ligne budgétaire unique (LBU). En période de disette budgétaire, on peut se demander s'il est légitime de payer plus cher la construction de logements inaccessibles au plus grand nombre, que de financer des logements accessibles. Sur ce sujet, nous pourrions avoir un débat dépassionné. Je ne suis pas hostile à toute défiscalisation, car nous avons besoin des investisseurs privés. Mais il faut imposer des contreparties aux avantages consentis, comme le plafonnement des loyers. Le Premier ministre a décidé de supprimer la « niche Scellier », mais la dépense ne commencera à baisser qu'à l'issue du prochain quinquennat ! Voilà pourquoi il faut privilégier les dépenses budgétaires, mieux contrôlables.
La loi de solidarité et de renouvellement urbains, ce symbole honni, est devenue peu à peu consensuelle : chacun reconnaît, même le secrétaire d'État, qu'elle a permis de construire des centaines de milliers de logements. Mais elle n'a pas suffi à rattraper le retard accumulé. Je proposerai de relever le seuil de 20 %, tout en privilégiant le dialogue avec les élus. Certaines communes préfèrent encore payer une pénalité plutôt que de respecter le seuil légal : c'est inadmissible, et les sanctions devront être revues. Il faudra aussi inciter les communes à privilégier les PLAI, économiquement plus accessibles. Nous y reviendrons dans quelques semaines. En attendant, je vous invite à lire les rapports de l'IGF : un inspecteur des finances est parfois mieux entendu, hélas, qu'un parlementaire... En donnant un avis défavorable aux programmes de la mission « Ville et Logement », nous susciterons peut-être une prise de conscience !