La survie de certaines filières est compromise à terme, ainsi de l'élevage porcin. Sans installation, pas de continuité des exploitations, mais aussi moins de progrès technique, car les jeunes agriculteurs ont désormais une haute technicité économique et environnementale grâce à leur formation.
Certes l'enveloppe est reconduite à l'identique pour 2012, avec 55 millions d'euros pour la part nationale de la dotation jeunes agriculteurs, cofinancée à 50 % par le FEADER, 53 millions d'euros pour les prêts jeunes agriculteurs après une hausse des autorisations d'engagement devant compenser le désengagement communautaire sur cette ligne, et 11,5 millions d'euros pour le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture qui alimente les programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales. A ces crédits budgétaires s'ajoutent des aides fiscales, dont la principale est l'abattement dégressif sur les revenus des jeunes agriculteurs pendant les cinq ans qui suivent l'installation, pour un coût estimé à 42 millions d'euros. Mentionnons également l'exonération de taxe foncière. Au total, l'installation est réellement soutenue économiquement par l'État et par l'Union européenne, pour environ 350 millions d'euros par an, mais seulement 13 300 installations en ont bénéficié en 2009 et en 2010, ce qui ne suffit pas à assurer le renouvellement des générations.
D'autres freins s'ajoutent aux difficultés économiques de l'installation : la disponibilité du foncier, tout comme la nécessité de financer un investissement de départ toujours plus lourd malgré la frilosité bancaire sont pointées par les jeunes agriculteurs. Mon inquiétude sur ce budget 2012 vient précisément des coupes qui affectent les crédits d'accompagnement à l'installation : les missions des ADASEA relèvent désormais des chambres d'agriculture, mais sans transfert de crédits. A elles de se débrouiller pour faire mieux avec une dotation passée de 14 millions il y a deux ans, à 2 millions en 2012 avant de disparaître en 2013.
Au demeurant, il ne faut pas s'en tenir à la distribution passive de crédits, car la réussite de la politique d'installation s'apprécie à l'aune des résultats obtenus sur le terrain, qui varient selon les régions et les productions. Je salue au passage le rôle des collectivités territoriales qui complètent les dispositifs européens et nationaux.
L'installation est propice à une réflexion sur les changements à introduire dans les exploitations. Je suis favorable à la contractualisation des engagements entre l'État, les collectivités territoriales et le jeune agriculteur, dont le parcours d'installation pourrait excéder cinq ans. Une politique dynamique d'installation est nécessaire pour maintenir l'agriculture à la française, à laquelle nous sommes attachés. J'observe à ce propos que les agrandissements successifs gênent les reprises en rendant toujours plus ardu l'accès des jeunes à la terre.
Ma deuxième remarque concerne la sécurité sanitaire. L'année 2011 a rappelé l'exigence très élevée de nos concitoyens en la matière. Des décès suspects en Allemagne ont mis à mal l'ensemble de la filière du concombre en mai. Les enjeux de santé publique et les enjeux économiques sont totalement imbriqués. Consacré à la sécurité sanitaire de l'alimentation, le programme 206 doit relever le défi. Malgré la priorité toujours affichée de l'État, ses crédits diminuent pour la troisième année consécutive, pour passer en dessous des 500 millions d'euros. Environ 60 % de la baisse s'explique par l'extinction de la dette de l'État envers le service public de l'équarrissage : l'action correspondante perd 9,5 millions d'euros de crédits de paiement, pour s'établir à 4 millions d'euros, coût en régime de croisière de ce qu'il reste à l'État en matière d'équarrissage : les animaux morts dans les exploitations outre-mer ou sur la voie publique. L'autre partie de la baisse provient d'une réduction de 3 % des moyens de lutte contre les maladies végétales ou animales. Il n'y a pourtant pas lieu d'être optimiste sur ce point, car la menace de maladies plus rares est bien réelle, tant en matière végétale qu'animale.
Enfin, l'enveloppe consacrée à la sécurité sanitaire, notamment aux services vétérinaires, est stable. Concrètement, les services ministériels et l'ANSES doivent trouver en interne des marges de manoeuvres pour faire face à la progression naturelle de leurs charges.
En termes d'effectifs, le programme 206 connaît une nouvelle baisse de 66 équivalents temps plein pour 2012, après la suppression de 117 équivalents temps plein en 2011. Cette évolution inquiétante touche les services centraux et les services déconcentrés, qui ont accueilli les services vétérinaires. Pourtant, les missions des services vétérinaires et des services déconcentrés du ministère sont de plus en plus nombreuses, avec la mise en oeuvre du plan ecophyto 2018, le suivi sanitaire des élevages et la participation au programme national pour l'alimentation. Le syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire constate avec inquiétude le désarmement progressif de notre arsenal de sécurité sanitaire, actuellement point fort de la France - je rejoins ici les inquiétudes exprimées par Evelyne Didier concernant la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
De son côté, l'ANSES reçoit 66,5 millions d'euros depuis le programme 206, en baisse de 1,6 million en autorisations d'engagement et de 0,4 million en crédits de paiement par rapport à 2011.
Les États généraux du sanitaire avaient posé début 2010 une vraie ambition d'excellence sanitaire. Or il n'y a pas d'excellence sans moyens. Et investir dans la sécurité sanitaire nous évitera de dépenser demain des centaines de millions d'euros pour régler les conséquences des crises.
Ma troisième remarque concerne la pêche qui, quoiqu'importante pour l'économie littorale, décline depuis 20 ans. La France compte 4 800 navires et 20 000 marins ; la valeur des ventes des pêches maritimes métropolitaines stagne, alors que la consommation de poisson progresse ; le déficit commercial se creuse. La réforme de la politique commune de la pêche est en marche mais ne nous convient pas : la Commission européenne prône la marchandisation des quotas et leur réduction drastique afin d'atteindre le rendement maximum durable dès 2015 sur toutes les espèces. La démarche partenariale entre pêcheurs et scientifiques initiée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche était la bienvenue. Je regrette que ce soient les secteurs qui l'ont le mieux mise en oeuvre qui soient attaqués. À peu près maintenus pour 2012 aux alentours de 60 millions d'euros, les crédits pour la pêche et l'aquaculture sont largement absorbés par les plans de sortie de flotte et la contribution de l'État à l'assurance-chômage intempérie. Une vision plus offensive libérerait davantage les crédits pour développer de nouveaux navires et soutenir des projets aquacoles innovants. Je salue la poursuite des contrats bleus en 2012, au delà de la fin du plan pour une pêche durable et responsable. Je regrette que ne soit pas abordé l'enjeu majeur de la modernisation des équipements : les navires vieillissent, alors que les conditions de sécurité à bord doivent être améliorées, puisque ce secteur est le plus accidentogène de tous.
Enfin, comme l'avaient souhaité les rapporteurs l'année dernière, j'estime qu'il serait utile de réunir les crédits pêche et aquaculture dans un programme spécifique. A défaut, je me joins à Charles Revet pour demander au Gouvernement de réaliser un document transversal recensant l'ensemble des interventions publiques à destination du milieu marin.
Tout comme Renée Nicoux, je suis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.