Intervention de Gérard César

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission agriculture pêche alimentation forêt et affaires rurales et compte d'affectation spéciale développement agricole et rural - examen du rapport pour avis

Photo de Gérard CésarGérard César, rapporteur pour avis :

Renée Nicoux ayant repris cette année la lourde tâche de présenter les grands équilibres de la mission, je vais apporter un éclairage particulier sur trois points : la forêt, la couverture du risque en agriculture par les assurances, avec un soutien communautaire et national, et la viticulture, qui relève essentiellement des crédits communautaires du premier pilier.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler deux convictions fermes sur la vocation de notre agriculture. Rapporteur de la loi de modernisation d'agriculture et de la pêche en 2010, je réitère mon attachement à la vision que j'avais alors défendue : l'agriculture a une vocation de production ; le travail de la terre a pour mission première de nourrir les 7 et bientôt 9 milliards d'hommes. Avec ses 30 millions d'hectares de surface agricole utilisée (SAU), la France a vocation à produire pour son marché intérieur et pour l'exportation. Au demeurant, l'agriculture a dégagé un excédent extérieur d'environ 8 milliards d'euros en 2010. Le budget pour 2012 consacre 16,7 millions d'euros à l'action internationale, notamment via la Sopexa, dont je salue l'accord passé avec UbiFrance pour mieux coordonner leurs actions au service des exportateurs agroalimentaires. C'est un premier pas vers une fusion.

Ma deuxième conviction est que l'agriculteur ne peut nourrir les hommes que si l'agriculture le nourrit lui-même. Il ne doit pas être le dernier servi. D'où l'Observatoire des prix et des marges, l'interdiction du prix après-vente et des remises, rabais et ristournes - notre président avait proposé d'interdire aussi le racket. À l'époque, il ne reculait devant rien, souhaitons que cela dure...

Consacré à la forêt, le programme 159 reste marqué par la tempête Klaus qui a ravagé le sud-ouest de la France les 24 et 25 janvier 2009 : les crédits du plan de restauration des chablis sont en baisse de 5 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, mais restent élevés, avec 95 millions d'euros consacrés aux prêts bonifiés dont bénéficient les propriétaires des forêts, pour le nettoyage des parcelles et à l'aide à la reconstitution des forêts. L'ensemble du programme voit ses moyens diminuer de 2 % en autorisations d'engagement, qui s'établissent à 354 millions d'euros, comme en crédits de paiement, à 362,5 millions d'euros. Cette baisse s'explique notamment par le transfert de la subvention pour charge de service public de l'Inventaire forestier national, qui a fusionné avec l'Institut géographique national.

Je me félicite de l'accroissement de la participation de l'État au financement de l'Office national des forêts dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens signé en juillet pour la période 2012-2016. La dotation correspondante s'élève à 185,4 millions d'euros, soit un versement compensateur de 120,4 millions d'euros, complété par une contribution exceptionnelle de 46 millions d'euros, et 19 millions destinés aux missions d'intérêt général de l'Office, dont les ressources seront également accrues par une redevance versés par les communes forestières en vertu de l'article 48 du projet de loi de finances. Enfin, alors que l'on pouvait s'inquiéter l'an dernier de la baisse des crédits attribués au Centre national de la propriété forestière, fusionné avec les centres régionaux de la propriété forestière, je constate avec satisfaction que la subvention augmente de 18 % pour retrouver son niveau de 2010, soit 16,1 millions d'euros.

Concernant les assurances agricoles, je déplore l'insuffisante protection contre les aléas climatiques, bien que les taux de couverture progressent. L'assurance n'est pas un réflexe mais entre dans les habitudes. Les 133 millions d'euros inscrits en 2011, soit 100 millions provenant de crédits européens et 33 millions de crédits du programme 154, n'ont pas été entièrement consommés. En conséquence, la dotation baisse en 2012 pour se stabiliser à 100 millions d'euros, l'Europe prenant en charge 75 % de la subvention. Cette situation doit conduire à une réflexion plus globale sur les freins à l'assurance, qui ne sont pas seulement financiers : à la condition fondée sur la perte de 30 % de ses revenus s'ajoute la franchise de 25 % minimum. On peut donc légitimement estimer que l'assurance n'apporte pas de garantie suffisante. Je souhaite que nous assouplissions les règles relatives aux seuils de perte et aux franchises. La LMAP avait instauré un engagement de l'État sur un mécanisme de réassurance publique. Aucun rapport n'a encore été transmis au Parlement sur ce sujet, les blocages semblant venir du ministère de l'économie et des finances. Cette situation est gênante, mais convenons que le développement de l'assurance récolte est surtout freiné aujourd'hui par les réticences du monde agricole à s'approprier cet outil, non par le manque de réassurance.

Mon dernier point concernera la viticulture. Peu de crédits lui sont spécifiquement consacrés, car l'essentiel des actions relève du niveau européen. La production de vin est très importante pour la ferme France, qui a retrouvé la première place mondiale cette année avec une récolte estimée à 50,2 millions d'hectolitres. Avec 18 milliards de chiffre d'affaires et un excédent extérieur de 6 milliards, les vins et spiritueux français sont un maillon fort de l'agriculture.

Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture a fort justement souligné lors de son audition que nous avions eu raison de concentrer les crédits européens sur la restructuration du vignoble et sur la promotion. Cependant, la réforme de l'OCM a accouché en 2008 d'une catastrophe : les droits de plantation vont disparaître au plus tard le 1er janvier 2018. A la commission des affaires européennes, j'ai rappelé que la France avait voté en faveur de la réforme de l'OCM vitivinicole en 2008, donc pour la libéralisation des droits de plantation, mais que plusieurs États membres avaient révisé leur position. Ainsi, Mme Angela Merkel a souhaité le 24 mars 2010 revenir sur cette réforme ; Nicolas Sarkozy a fait de même le 18 janvier 2011. Douze Etat-membres ont dit non à la suppression des droits de plantation, mais la Commission européenne l'a maintenue après 2015. Le Parlement européen a exprimé sa volonté de les voir rétablis. Rappelons que les textes de la future PAC sont soumis à codécision avec le Parlement européen. La bataille diplomatique se poursuit à Bruxelles pour abroger le texte sur les droits de plantation. Il manque aujourd'hui 66 voix provenant d'au moins deux États membres pour atteindre la majorité qualifiée ; ce conflit peut donc être gagné. Le groupe sénatorial d'études de la vigne et du vin a organisé au Sénat en avril un colloque réunissant des participants venus de toute l'Europe et tous ont demandé le maintien de ce mode essentiel de régulation.

Pour conclure, nul ne sera surpris de m'entendre formuler un avis favorable à l'adoption des crédits du budget pour 2012.

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