Le budget de l'agriculture est préservé pour 2012, ce dont nous pouvons nous réjouir en ces temps de disette budgétaire. Toutefois, il serait profondément insuffisant d'apprécier les soutiens publics à l'agriculture à l'aune des seuls crédits budgétaires puisque d'autres outils interviennent.
L'État conduit ainsi une politique fiscale incitative, à hauteur de 2 milliards d'euros environ, dont la moitié correspond à l'application du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le fioul utilisé comme carburant diesel. Je me réjouis à ce propos que le rapport Guillaume ait considéré en juillet que celles consacrées à l'agriculture étaient globalement justifiées, avec seulement 9 mesures sur les 45 recensées jugées « pas efficaces », pour seulement 2 millions d'euros, alors que les quinze mesures jugées « efficaces » ou « très efficaces » représentent plus des deux tiers des montants en jeu.
Par ailleurs, l'Union européenne est le financeur principal des aides à l'agriculture. La France perçoit ainsi chaque année 8,7 milliards d'euros au titre du premier pilier et 750 millions d'aides sur le deuxième.
Enfin, les collectivités territoriales soutiennent l'agriculture, pour environ 1 milliard d'euros par an, presque un tiers de ce que met l'État.
La disponibilité et la gestion de l'eau me paraissent fondamentales pour les territoires agricoles, car la sécheresse du printemps a montré la vulnérabilité de notre agriculture face au manque même temporaire d'eau. Capter et retenir l'eau hivernale sécuriserait les exploitations pendant les périodes d'étiage. Une agriculture diversifiée, avec des exploitations à taille humaine, a besoin de garantir la ressource en eau. Ces réserves d'eau à créer pourront être mutualisées avec d'autres usages ; elles ne sont pas incompatibles avec les mesures environnementales. Aujourd'hui la surface irriguée représente environ 1,5 million d'hectares en France, soit seulement 5 % de la surface agricole utilisée.
Ce projet de budget s'inscrit dans le choix fait en 2008 de rendre le financement de l'hydraulique agricole indépendant du ministère : seulement 2,8 millions d'euros restent pour entretenir des ouvrages appartenant à l'État. Les investissements collectifs d'hydraulique agricole comme la construction de retenues collinaires bénéficient d'une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, qui décrit la mise en oeuvre du deuxième pilier de la PAC. Au niveau national, ce sont les Agences de l'eau qui ont pris le relais de l'État et subventionnent jusqu'à 70 % des opérations qui leur sont présentées.
En matière de gestion de l'eau, les difficultés tiennent surtout à des contraintes administratives et techniques empêchant l'avancement des projets, difficultés difficilement compréhensibles sur le terrain. Le bon équilibre reste à trouver, car il en va de la survie de nombreuses exploitations. Je souhaite que les évolutions réglementaires soient aussi rapides que possible. Je souhaite en outre que le ministère de l'agriculture ait une plus grande influence : il est trop loin alors que l'enjeu est considérable.
Mon point de vue sur la baisse des charges sociales dans l'agriculture sera plus positif que celui de Renée Nicoux. L'article 48 bis s'inspire du rapport que notre collègue député Bernard Reynès a remis en juin à Bruno Le Maire. Notre collègue partait d'un constat très simple : un différentiel croissant de coût horaire du travail fait perdre à la France des parts de marché dans toutes les productions agricoles très consommatrices de main d'oeuvre. En France, le poids des charges salariales dans les charges de production est le plus élevé d'Europe pour les producteurs de fruits, avec 32,3 % contre 25 % en Espagne et 21 % en Allemagne.
L'allègement des charges a déjà été mis en oeuvre pour les travailleurs saisonniers. Restait à le faire pour les salariés permanents. Un amendement de Charles de Courson et Jean Dionis du Séjour permet aux entreprises agricoles de réduire leurs charges patronales de manière dégressive sur les salaires jusqu'à 1,4 smic, à concurrence de 20 salariés. D'un coût de 210 millions d'euros, cette mesure nouvelle permettrait de faire baisser en moyenne de 1 euro les charges sociales pesant sur les salariés agricoles permanents.
Un débat plus large doit maintenant être engagé sur le financement de notre protection sociale. La TVA sociale est réclamée par le monde agricole pour faire contribuer nos fournisseurs internationaux autant que nos producteurs nationaux. Cette piste mérite d'être étudiée avec sérieux, l'autre piste consistant à rapprocher les réglementations sociales européennes et la façon dont est gérée la main d'oeuvre étrangère. Lors de son audition, le ministre de l'agriculture s'est engagé à explorer cette voie.
Enfin, les charges administratives et la lourdeur des procédures font également perdre en productivité et en compétitivité. La simplification est un combat quotidien. Elle sera un enjeu de la nouvelle PAC.
Trois productions ont connu une saison 2011 difficile : la tomate, le concombre et la pêche-nectarine. Les deux premières ont été touchées de plein-fouet par la contraction des ventes intervenue en mai, suite à l'annonce de la contamination mystérieuse de consommateurs de concombres en Allemagne. Avant de se révéler fausse, cette information a paniqué les consommateurs.
Le ministère a souhaité mettre en place des mesures structurelles pour favoriser la compétitivité du secteur, avec 4 millions d'euros mis à disposition par FranceAgrimer notamment pour rénover les vergers, moderniser les serres et améliorer la traçabilité des productions. La filière doit mieux se structurer pour peser sur les marchés, en se regroupant dans le cadre d'organisations de producteurs devant préparer la commercialisation face à une grande distribution concentrée.
La réforme de la PAC proposée par la Commission européenne préserve les outils d'organisation et les soutiens à travers les fonds opérationnels en faveur des fruits et légumes prévus par l'organisation commune de marché spécifique au secteur. C'est une bonne nouvelle, encore faut-il que les professionnels saisissent la balle au bond.
Je recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.