Intervention de Bernard Seillier

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 janvier 2006 : 1ère réunion
Emploi — Retour à l'emploi et droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux - examen du rapport

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier, rapporteur :

a rappelé que le Premier ministre s'est engagé, lors de sa déclaration de politique générale, le 8 juin 2005, à gagner la « bataille pour l'emploi » et à lever les obstacles au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

Le projet de loi vise à répondre à cet objectif à travers deux séries de mesures : d'une part, l'amélioration directe des incitations financières à la reprise d'activité avec la réforme des dispositifs d'intéressement, d'autre part, la mise en place de mesures destinées à résoudre les difficultés concrètes qui freinent la reprise d'activité.

La simplification des dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité a pour objectif de les rendre plus attractifs et efficaces. Le système actuel est en effet d'une extrême complexité : le mode de calcul des allocations différentielles est si opaque que l'allocataire n'est pas en mesure de prévoir l'évolution de ses ressources en cas de reprise d'activité et qu'il peut être conduit, par prudence, à préférer les revenus d'assistance, dont le montant est connu d'avance.

Telle est la raison pour laquelle le projet de loi y substitue un dispositif plus simple de primes forfaitaires : dorénavant, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API) qui reprendront un emploi commenceront par cumuler intégralement, pendant trois mois, leur salaire avec l'allocation ; au quatrième mois, ils percevront une prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros ; enfin, du quatrième au douzième mois, ils bénéficieront d'une prime forfaitaire d'intéressement, fixée à 150 euros pour une personne seule et 225 euros dans tous les autres cas. Le calcul est donc facile à anticiper pour les bénéficiaires.

a ensuite indiqué que le projet de loi encourage la reprise d'emplois susceptibles de permettre une réinsertion professionnelle durable. Le bénéfice des primes forfaitaires d'intéressement et de la prime de retour à l'emploi est donc réservé aux personnes qui reprennent un emploi au moins équivalent à un mi-temps pour une durée minimale de quatre mois.

Les personnes employées à temps très partiel ne seront toutefois pas abandonnées : en deçà du mi-temps, un mécanisme de cumul partiel entre allocation et salaire sera maintenu. Il sera calibré de façon à encourager les bénéficiaires à augmenter - s'ils le peuvent - leur quotité de travail.

Le projet de loi s'attache enfin à aider les bénéficiaires à faire face aux frais, parfois importants, qui accompagnent le retour à l'emploi, à travers le versement d'une prime de retour à l'emploi de 1.000 euros. Cette prime prend le relais de celle créée par décret en août dernier et son coût, à la charge de l'Etat, s'élève à 240 millions d'euros. Afin de limiter les risques d'abus, son versement n'aura lieu qu'après quatre mois d'activité et un même bénéficiaire ne pourra percevoir une nouvelle prime au titre d'une nouvelle embauche qu'après un délai de dix-huit mois.

En fonction de la composition du foyer, le futur régime pourra être financièrement moins intéressant que le dispositif actuel. Mais l'écart éventuel devrait être pratiquement comblé grâce à la prime pour l'emploi, rendue plus avantageuse par la loi de finances pour 2006.

De plus, les personnes en situation d'intéressement au moment de la publication de la loi continueront à bénéficier des conditions actuelles, afin de ne pas perturber le calcul économique ayant présidé à leur reprise d'activité.

s'est déclaré convaincu de la réforme proposée. Il a souhaité l'améliorer sur deux points : d'abord par le versement immédiat de la prime de 1.000 euros, afin qu'elle aide le bénéficiaire à faire face à ses frais dès son retour à l'emploi ; ensuite par la création d'une prime de sortie de l'intéressement, pour que le bénéficiaire puisse se préparer à la réduction de ses revenus en fin de période.

Puis M. Bernard Seillier, rapporteur, a indiqué que le projet de loi s'attache à lever un obstacle très concret au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux : l'accès à un mode de garde pour leurs enfants.

Le projet de loi prévoyait initialement une priorité d'accès en crèche pour les jeunes enfants de bénéficiaires de minima sociaux. L'Assemblée nationale lui a préféré un dispositif de « places garanties » consistant à définir, à l'occasion de la négociation de la convention de financement de chaque établissement, un volant de places mobilisables en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, celles-ci pouvant en pratique être des places réellement mises en réserve ou des places d'accueil en surnombre.

Le rapporteur a également fait valoir que l'impossibilité de confier temporairement ses enfants pour se rendre à un entretien d'embauche pénalise la réinsertion professionnelle de nombreuses mères. Il a donc souhaité inciter les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire en faveur des bénéficiaires de minima sociaux en recherche active d'emploi.

Enfin, il a présenté les nombreux ajouts apportés au texte à l'Assemblée nationale. Ceux-ci concernent notamment les sanctions prévues en cas de fraude aux minima sociaux, qui sont aujourd'hui très disparates : les peines s'échelonnent de 3.750 à 375.000 euros d'amende, accompagnées ou non de peines d'emprisonnement, comprises entre deux mois et cinq ans. Le régime applicable au RMI va même jusqu'à assimiler la fraude à une escroquerie au sens du code pénal, ce qui le rend largement inopérant, les juges étant très stricts sur les éléments qui constituent un délit d'escroquerie. Pour ces raisons, l'Assemblée nationale a prévu une amende unique de 4.000 euros, doublée en cas de récidive. Elle a par ailleurs créé un régime d'amendes administratives, d'un montant maximum de 3.000 euros, l'édiction de ces sanctions étant entourée de sérieuses garanties pour les bénéficiaires.

La seconde série de mesures introduites par l'Assemblée nationale modifie ponctuellement les règles applicables au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA).

Pour le contrat d'avenir, le projet de loi propose de ramener de six à trois mois la durée minimale du contrat lorsqu'il est conclu avec une personne condamnée bénéficiant d'un aménagement de peine, d'autoriser le renouvellement du contrat d'avenir autant de fois que nécessaire, dans la limite globale de trente-six mois, et de fixer la durée hebdomadaire de travail des titulaires de contrat d'avenir entre vingt et vingt-six heures lorsqu'ils sont embauchés par un atelier ou par un chantier d'insertion. Pour le CI-RMA, le texte prévoit d'autoriser la signature de contrats à durée indéterminée. Certaines mesures concernent les deux types de contrats : la suppression de l'agrément des candidats à l'embauche par les ateliers et chantiers d'insertion et l'autorisation de signer des CI-RMA et des contrats d'avenir sans condition d'ancienneté aux minima sociaux. Enfin, le fonds de garantie pour l'insertion économique, créé par la loi de cohésion sociale, sera autorisé à financer des dépenses d'accompagnement des personnes qui bénéficient de sa garantie.

En conclusion, M. Bernard Seillier, rapporteur, a approuvé les réformes proposées par ce texte, mais il a rappelé que celui-ci ne constitue qu'une première étape dans la nécessaire refonte de l'ensemble du système français des minima sociaux. Deux autres aspects restent à régler : l'harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux et la généralisation de l'accompagnement professionnel et social des bénéficiaires de minima sociaux.

Dans cet objectif, M. Bernard Seillier, rapporteur, a annoncé le dépôt prochain de deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux du groupe de travail « Minima sociaux », présidé par Mme Valérie Létard, et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve d'un certain nombre d'amendements, il s'est prononcé en faveur de l'adoption du projet de loi.

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