Non, il s'agit d'un organisme technique qui agrège l'ensemble des autorités dites indépendantes. Ainsi, Eurostat est allé faire des vérifications sur place en Grèce à plusieurs reprises et a émis des réserves, mais vu la manière dont étaient collectée l'information et alimenté l'appareil statistique grec, Eurostat ne pouvait pas faire mieux !
M. Bourdin m'a interrogé sur ce qu'il a assimilé à un « effet réparations » sur les économies. Des travaux sont menés sous l'égide conjointe du FMI et de la Commission pour tester le seuil au-delà duquel il serait déraisonnable d'aller trop loin en demandant à un pays de rester dans les clous d'un déficit acceptable. Ces études ont donné lieu à des débats entre le FMI et la BCE, qui ne disposaient pas du même type d'études. Le FMI a finalement réussi à convaincre qu'il ne fallait pas demander un retour à moins de 3 points de PIB de déficits en 2014, comme le souhaitait la BCE, mais en 2015, car la soutenabilité de la dette et du programme n'étaient pas envisageables pour ce pays à l'échéance de 2014.
Je ne suis pas trop inquiète car les exigences à l'égard de la Grèce restent soutenables. De plus, la contribution grecque à l'ensemble du PIB européen ne met pas d'autres pays en réel danger.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur l'application de Bâle III, notamment sur les ponctions sur la capacité de financement des banques. Le risque est réel. Les exigences posées par Bâle III sont bonnes dans leur principe : les banques ne doivent plus prendre des risques inconsidérés avec des bases trop faibles. Ce ne sont pas les Anglo-saxons qui sont à l'origine des exigences de Bâle III : ce sont plus les superviseurs des pays associés, notamment la Suisse, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Les trois superviseurs de ces pays ont voulu placer la barre très haut et réduire les délais car leurs banques se sont trouvées très exposées. Nous, nous avons résisté et nous nous sommes parfois alliés avec les Américains, surtout pour ce qui concerne le critère de liquidité. Nous avons collectivement résisté avec les Japonais, parfois avec les Américains, occasionnellement avec les Allemands. Nous avons essayé de décaler les mesures dans le temps et de prévoir plusieurs étapes pour l'application du ratio de liquidité.
Il y a en outre tout un débat sur la définition des établissements systémiques et des établissements globalement systémiques auxquels s'appliqueront par priorité l'ensemble des critères. Nous avons cette discussion au sein du Conseil de stabilité financière, qui a pour mission de rédiger ces définitions : ne nous faisons pas d'illusions, nos banques seront concernées car elles sont importantes, consolidées et ont une stature mondiale. Il va falloir trouver la façon de soutenir la croissance de nos entreprises tout en rendant le système bancaire et financier plus sain.
Nous restons extrêmement vigilants car les accords de Bâle III vont devoir être transcrits dans la réglementation européenne. J'ai demandé à la Commission de vérifier que l'application de ces accords soit uniforme. Il ne faut pas que les États-Unis ne les appliquent que partiellement, comme lors de Bâle II. Nous devons être sur un terrain d'égalité. Lors du G20 de Séoul, le président Obama s'est par écrit engagé auprès de tous ses collègues à ce que les États-Unis appliquent les accords de Bâle III à la date requise.
Pour l'Irlande, les conditionnalités ont été transcrites dans un projet de loi qui a été soumis avec le budget au Parlement irlandais. L'État s'est donc engagé, ce qui est une bonne chose car certains gouvernements, à l'occasion d'un changement, s'exonèrent des engagements pris par leur prédécesseur. Ce fut le cas en Slovaquie.
M. Fortassin m'a interrogé sur le passage de la pomme de terre aux centres d'appels et aux usines d'assemblage. Certes, l'Irlande a connu un développement exceptionnel, mais celui-ci est malheureusement allé de pair avec une bulle immobilière qui a été catastrophique pour son secteur bancaire et financier.
A en croire le gouverneur de la banque centrale italienne et le ministre des finances, M. Tremonti, le système bancaire italien est solide. Dans ces conditions, les risques sont moins élevés dans ce pays, même si sa dette extérieure est beaucoup plus importante que celle de l'Espagne. Le tissu bancaire et économique italien est globalement plus solide, avec un modèle plus équilibré et un système bancaire mieux supervisé. Ce ministre a l'habitude de dire que les banques italiennes n'ont pas connu la crise parce qu'elles ne parlent pas anglais et qu'elles n'ont pas d'ordinateurs.
Le rôle de la Chine évolue, surtout avec le Portugal, la Grèce et l'Espagne, et les contreparties sont incertaines et mal connues. La Chine se positionne très clairement sur le marché de la dette souveraine européenne. Ce pays veut devenir un prêteur international et rivaliser avec les États-Unis. En outre, il souhaite répartir ses zones de risques pour être moins exposé au risque dollar. Enfin, la Chine veut s'implanter sur un territoire qui dispose de grandes zones portuaires et de capacités de retour sur investissement, tel que l'accès à des technologies de pointe.
Monsieur Doligé, l'Irlande a pris beaucoup d'engagements fiscaux dans le cadre des conditionnalités, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les impôts indirects. En revanche, ce pays a refusé d'augmenter son impôt sur les sociétés. Nous n'avons pas voulu faire porter les discussions sur les charges sociales, car la différence entre l'Irlande et les autres pays européens n'est pas aussi importante.
J'en viens à l'écart de la balance commerciale entre l'Allemagne et la France. J'avais lancé une controverse outre-Rhin en disant que tout le monde devait faire un effort de rapprochement, ceux des pays qui étaient en déficit devaient être les premiers à en faire mais ceux qui se trouvaient en excédent manifeste devaient aussi apporter leur pierre à l'édifice commun. La politique économique allemande actuelle, avec l'augmentation de la consommation intérieure et la hausse des salaires, va dans ce sens. Nous allons assister à un rééquilibrage du modèle de croissance de l'Allemagne, dont la consommation intérieure permettra de tirer la machine européenne.
A chaque fois que l'on négocie avec un État, à chaque fois que l'on met en place un programme de stabilisation, la BCE intervient et elle joue un rôle très important dans les débats et les alertes. Ce sera d'autant plus le cas si elle préside le Comité européen du risque systémique. Depuis maintenant cinq ou six mois, elle joue un rôle manifeste en rachetant du papier sur le marché primaire. Ce fut encore le cas la semaine dernière lorsqu'elle a racheté du papier portugais.