Intervention de Martin Hirsch

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 octobre 2008 : 1ère réunion
Revenu de solidarité active et politiques d'insertion — Audition de M. Martin Hirsch haut commissaireaux solidarités actives contre la pauvreté

Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté :

a présenté ce projet de loi comme le résultat de deux réformes complémentaires : celle des minima sociaux, avec la généralisation du revenu de solidarité active (RSA), et celle des contrats aidés, avec la création du contrat unique d'insertion (CUI).

Il existe aujourd'hui deux prestations sociales qui assurent un revenu minimum : le RMI et l'allocation de parent isolé (API), auxquels s'ajoutent des mécanismes d'intéressement temporaire à la reprise d'activité. Le projet de loi propose de les remplacer par le RSA, prestation unique dont le montant dépendra de deux éléments : les revenus du travail et la situation familiale.

Pour ceux qui n'exercent aucune activité professionnelle, la prestation sera équivalente au RMI et à l'API tels qu'ils existent aujourd'hui. Pour ceux qui reprennent ou exercent déjà une activité professionnelle, le montant de la prestation sera forfaitaire : le complément de revenus variera en fonction de leurs revenus professionnels et des charges de famille. Le RSA est donc un complément aux revenus du travail : il diminue progressivement à mesure qu'augmentent les revenus professionnels de son bénéficiaire. La nouvelle prestation vise à garantir que chaque heure travaillée apporte un gain de revenus.

Cette réforme des minima sociaux revêt deux différences fondamentales par rapport aux précédentes. Tout d'abord, elle se fonde sur une logique de travail et non d'assistance : le RSA complète les revenus du travail des personnes aux revenus les plus faibles de façon à leur permettre d'améliorer leur pouvoir d'achat. Ensuite, le RSA n'est pas une mesure limitée dans le temps. Son montant diminue avec l'augmentation des revenus du travail du bénéficiaire mais pas de façon automatique au-delà d'une date butoir : la sortie du dispositif n'a lieu que lorsque les revenus du travail s'avèrent suffisants.

En outre, ce nouveau dispositif s'articule avec la prime pour l'emploi (PPE). Aucune réforme de la PPE n'est prévue, ni dans le présent projet de loi, ni dans le projet de loi de finances pour 2009 : elle est donc maintenue. Les personnes qui seront éligibles à la fois au RSA et à la PPE percevront le montant qui leur sera le plus favorable. Le RSA jouera, pour elles, le rôle d'un acompte sur le versement de la PPE puisqu'il sera versé mensuellement alors que la PPE l'est avec dix-huit mois de décalage. En outre, le RSA sera acquis même s'il est d'un montant supérieur.

Le projet de loi introduit, par ailleurs, une réforme des droits connexes tels que l'exonération de taxe d'habitation ou l'accès à la CMU-c. Ces derniers ne seront plus attachés à un statut mais au niveau de revenus.

a rappelé que le RSA avait fait l'objet d'une expérimentation dans trente-quatre départements sur laquelle le bilan d'étape, élaboré par M. François Bourguignon, est riche de six enseignements :

- le taux de retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA est supérieur de 30 % dans les zones expérimentales par rapport aux zones témoin ;

- les gains de revenus engendrés par la mise en oeuvre du RSA s'élèvent en moyenne entre 200 et 250 euros par mois, par ménage ;

- aucune hausse particulière du temps partiel n'a été observée par rapport aux zones témoin ;

- aucune diminution du montant des salaires n'a été constatée dans les trente-quatre départements de l'expérimentation ;

- le RSA y a favorisé le retour à l'emploi d'un plus grand nombre de bénéficiaires du RMI depuis plus de deux ans ;

- dans les zones expérimentales, une accélération de la diminution des dépenses de RMI (5,3 %) a été enregistrée.

En ce qui concerne la question du financement du RSA, le coût global de la mesure est estimé à environ 10 milliards d'euros, dont 6 milliards au titre du RMI et 1 milliard au titre de l'API. L'extension du dispositif aux travailleurs pauvres aura un coût de 1,5 milliard qui sera financé par une nouvelle contribution assise sur les revenus du capital.

Le RSA ne crée pas de charges supplémentaires pour les départements. Il permet la simplification de plusieurs prestations dont la charge était jusqu'alors partagée entre les départements et l'Etat. De manière transparente, la nouvelle prestation sera financée à la fois par les conseils généraux et par un fonds spécialement créé, le fonds national des solidarités actives (FNSA). Les départements auront à leur charge le financement du socle de la prestation attribuée aux personnes sans emploi ou dont les revenus restent inférieurs à un montant minimal. Dorénavant, ils tireront un gain immédiat des reprises d'emploi des bénéficiaires du RSA : chaque euro gagné viendra en déduction de la part financée par les départements.

Le surcoût de la réforme, évalué à 1,5 milliard d'euros, sera intégralement compensé par une nouvelle recette réservée au RSA, prévue par la loi et qui alimentera le FNSA dont la mission est d'équilibrer recettes et dépenses du RSA. Il s'agit d'une contribution additionnelle de 1,1 % aux contributions sociales sur les revenus du capital. Sera concerné l'ensemble des revenus d'épargne (assurance vie, dividendes, revenus fonciers, plus-values) à l'exception du livret A, du livret de développement durable, du livret jeune et du livret d'épargne populaire. Le financement du RSA est juste car il pèsera essentiellement sur les personnes ayant un patrimoine élevé. En effet, dès lors que les outils d'épargne défiscalisés ne sont pas concernés par la taxe additionnelle, on estime que près de la moitié des ménages français ne sera pas mise à contribution ; 35 % des ménages seront amenés à verser entre 0 et 20 euros par an et 15 % des ménages contribueront au-delà de 20 euros par an.

a alors souhaité aborder la question de son articulation avec le bouclier fiscal : on estime que les remboursements prévus par le bouclier fiscal au titre du 1,5 milliard d'euros que rapportera cette nouvelle taxe se chiffreront à 40 millions environ, dont 17 millions au bénéfice des contribuables les moins riches et 23 millions au bénéfice des contribuables les plus riches.

Il a enfin rappelé qu'un amendement, voté à l'initiative des députés avec l'accord du Gouvernement, prévoit le plafonnement global des niches fiscales. Cette mesure devrait rapporter 150 à 200 millions de recettes supplémentaires à l'Etat qui pourront, à l'avenir, être affectées au financement du RSA, afin de diminuer d'autant la contribution additionnelle sur les revenus du capital, et ramener par exemple son taux de 1,1 % à 0,95 %.

Puis le haut commissaire a présenté le second volet du projet de loi, portant sur la refonte des politiques d'insertion et la création d'un contrat de travail unique. Le texte entend donner une nouvelle impulsion à la politique d'insertion, en favorisant l'accès à l'emploi et en garantissant l'autonomie de la personne. Pour ce faire, il instaure un référent professionnel unique au sein du service public de l'emploi ou de l'agence de placement, destiné à assurer l'accompagnement professionnel de chaque bénéficiaire du RSA vers l'emploi. Outre cet accompagnement professionnel, un accompagnement social pourra être prévu si nécessaire.

Par ailleurs, les concertations menées dans le cadre du Grenelle de l'insertion ont conclu à la nécessité de réformer les contrats d'insertion. Les dispositifs d'insertion sont, à l'heure actuelle, très nombreux et peu lisibles. Le projet de loi entend simplifier le système actuel en créant le contrat unique d'insertion, le CUI, qui comporte deux modalités, l'une dans le secteur marchand et l'autre dans le secteur non marchand. L'Etat et le département disposeront désormais d'un instrument unique, par secteur, quel que soit le statut du bénéficiaire.

En conclusion, M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que le projet de loi accorde une place essentielle aux conventions entre acteurs des politiques d'insertion, notamment à l'échelon local. Chefs de file de la politique d'insertion sur le territoire, les départements pourront conclure, chaque année, un pacte territorial d'insertion avec le nouveau service public de l'emploi, les acteurs de l'insertion et les autres collectivités territoriales. Le texte entend ainsi favoriser la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance de l'insertion.

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