Intervention de Bernadette Dupont

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 octobre 2008 : 1ère réunion
Revenu de solidarité active et politiques d'insertion — Examen du rapport

Photo de Bernadette DupontBernadette Dupont, rapporteur :

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Bernadette Dupont sur le projet de loi n° 7 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

a indiqué que ce texte propose une réforme profonde, attendue et largement débattue, dans le cadre du Grenelle de l'insertion, du système des minima sociaux. Il comporte trois volets : le premier est consacré à la généralisation du RSA et à la réforme des droits connexes ; le deuxième prévoit une nouvelle organisation de la gouvernance territoriale des politiques d'insertion ; le dernier crée un contrat unique d'insertion et assouplit les conditions de mise en oeuvre des contrats aidés.

Le RSA a vocation à remplacer le RMI et l'allocation de parent isolé (API) et à être étendu aux « travailleurs pauvres », disposant de revenus faibles au regard des charges du foyer. Il propose donc une approche nouvelle des futurs allocataires, consistant à retenir non plus le statut de la personne mais le montant de ses revenus. Plus de 3,5 millions de personnes devraient être concernées par ce dispositif, soit 1,1 million de Rmistes, 220 000 bénéficiaires de l'API et 2,2 millions de travailleurs pauvres.

Son objectif est triple : assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, inciter à l'exercice d'une activité professionnelle et lutter contre la pauvreté des personnes en situation d'emploi précaire. Il répond, en particulier, au souci du Président de la République de réduire d'au moins un tiers le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, dans les cinq prochaines années.

Le RSA autorise un mécanisme de cumul durable d'une fraction des revenus professionnels (62 %) avec l'allocation, permettant que chaque heure supplémentaire travaillée se traduise obligatoirement par une augmentation de revenu, ce qui n'est pas systématiquement le cas aujourd'hui pour les bénéficiaires de minima sociaux.

On peut s'étonner, même si l'on en comprend les motifs, que cette réforme intervienne avant le terme des expérimentations du RSA menées actuellement dans une trentaine de départements, au profit des seuls allocataires du RMI et de l'API et qui auraient dû s'achever en 2010. Ceci étant, les premiers résultats en sont encourageants et le RSA suscite une large adhésion dans l'opinion, au-delà des clivages idéologiques.

En effet, le projet de loi a pour mérite de simplifier le système, en substituant le RSA à deux minima sociaux (API et RMI), aux primes forfaitaires d'intéressement afférentes et à la prime de retour à l'emploi, cette dernière devant être remplacée par une aide de retour à l'emploi facultative, attribuée « sur mesure » par le référent, c'est-à-dire la personne qui aura en charge l'allocataire.

Par ailleurs, il produit une meilleure incitation financière à la reprise d'activité et la suppression des « trappes à inactivité », grâce à l'extension du RSA aux travailleurs pauvres et au cumul, sans limitation de durée, de la prestation avec les revenus d'activité.

Il permet une plus grande équité entre bénéficiaires des minima sociaux et travailleurs pauvres, d'autant qu'il prévoit désormais l'attribution des droits connexes nationaux (taxe d'habitation, redevance audiovisuelle, CMU-c) non plus en fonction du statut, mais en fonction des ressources et de la composition du foyer.

Il met également en place un système pragmatique d'orientation et d'accompagnement personnalisé vers l'emploi, accessible à tous les bénéficiaires du RSA, alors qu'aujourd'hui deux tiers des allocataires du RMI et de l'API n'ont pas accès au service public de l'emploi, n'étant pas inscrits à l'« ancienne ANPE ».

Enfin, il renforce la logique des droits et devoirs, qui tend à réparer les lacunes du dispositif du RMI grâce à la mise en place d'obligations contractuelles fortes, dont le respect conditionne le versement de la prestation.

a néanmoins fait observer que ces mesures proposées ne sont pas dénuées de risques ou d'effets pervers.

Le premier est que l'efficacité du dispositif est largement conditionnée par la situation du marché de l'emploi, que la crise économique et financière actuelle est susceptible de se dégrader dans des proportions encore inconnues. Ce contexte obligera à accomplir des efforts en matière d'accompagnement et de formation et nécessitera une évaluation régulière du dispositif.

Le deuxième tient au risque de précarisation durable des emplois ou « trappes à précarité » par le RSA. Des amendements proposeront d'y remédier.

Le troisième est relatif à la question du financement. Celui-ci doit être partagé entre les départements et l'Etat au travers d'un nouveau fonds, le fonds national des solidarités actives (FNSA). Le coût global du dispositif, estimé à 10 milliards d'euros, nécessitera un effort supplémentaire de l'Etat de 1,5 milliard d'euros qui sera financé par une contribution additionnelle, au taux maximum de 1,1 %, sur les revenus du patrimoine et des placements. Cette mesure a été contestée en raison de l'effet potentiel du « bouclier fiscal » ; elle peut aussi entraîner la modification de certains comportements, notamment des ménages de la classe moyenne, dont les placements immobiliers ou financiers complètent utilement les revenus au moment de l'arrivée à l'âge de la retraite.

Ceci étant, la solution retenue par l'Assemblée nationale, tendant à récupérer au profit du RSA les 150 à 200 millions d'euros prélevés sur le produit du plafonnement des niches fiscales, devrait permettre de réduire le taux de la nouvelle contribution. Il faut donc espérer que le mode de financement proposé par le texte soit temporaire et que l'efficacité du dispositif conduise rapidement à réduire les prélèvements nécessaires à son financement.

Le quatrième porte sur le service public de l'emploi, et en particulier sur la nécessité de rendre opérationnel et efficace le nouvel opérateur issu de la fusion ANPE/Assedic afin qu'il honore sa mission d'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires du RSA, dans un contexte économique particulièrement difficile.

Enfin, dernière observation, plusieurs questions ne sont pas tranchées par le texte, et notamment la situation particulièrement préoccupante des jeunes et celle des allocataires de l'ASS et de l'AAH, qui ne sont ici pas pris en compte. Des amendements seront présentés sur ces points.

a ensuite abordé le volet du projet de loi relatif à la réforme des politiques d'insertion. Celui-ci réorganise la gouvernance des dispositifs à l'échelle territoriale. Il élargit en particulier la vocation du programme départemental d'insertion, le PDI, en prévoyant qu'il définira la politique départementale d'accompagnement social et professionnel. Il dénoue ainsi le lien actuel entre la mise en oeuvre du RMI et la politique des départements en matière d'insertion. Désormais, le président du conseil général conduira l'action d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA.

Il institue aussi un instrument nouveau de gouvernance en incitant les partenaires de l'insertion à conclure un pacte territorial pour l'insertion servant à mettre en oeuvre le PDI. Ce pacte définira les modalités de coordination des actions entreprises par ses signataires en vue de l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RSA.

Par ailleurs, le texte étend aux ateliers et chantiers d'insertion les aides financières actuellement attribuées par l'Etat aux entreprises d'insertion et entreprises de travail temporaire d'insertion. Il prévoit également que l'emploi des salariés en structure d'insertion par l'activité économique sera régi par un contrat à durée déterminée d'insertion, le CDDI, dont le régime juridique est largement aligné sur celui des deux contrats aidés maintenus par le texte, le contrat initiative emploi (CIE) et le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE).

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs assouplissements, le plus souvent bienvenus, au dispositif proposé pour la réforme des politiques d'insertion, notamment la création d'un statut juridique pour les personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires comme les communautés Emmaüs.

Enfin, le troisième volet du projet de loi porte sur la simplification et l'harmonisation des contrats aidés, suivant sur ce point les conclusions du Grenelle de l'insertion. Les actuels quatre contrats aidés seront réduits à deux : le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, pour le secteur non marchand et le contrat initiative emploi, le CIE, pour le secteur marchand, qui formeront les deux volets du contrat unique d'insertion, le CUI, qui leur offre un cadre juridique commun. Le contrat d'avenir et le contrat d'insertion-RMA seront donc supprimés, ce qui répond à la critique de la complexité excessive des quatre contrats aidés actuels.

Dernière innovation, la convention individuelle conclue entre l'employeur et le prescripteur du contrat devient tripartite. Le bénéficiaire du contrat devra désormais la cosigner et sera ainsi associé à la définition des termes de la convention et des engagements qui y sont associés.

Sur ces mesures, l'Assemblée nationale a également adopté un certain nombre d'améliorations : elle a prévu, par exemple, que le CAE et le CIE pourront être suspendus à la demande du salarié afin de lui permettre soit d'effectuer une évaluation en milieu de travail, soit d'accomplir une période d'essai en vue de signer un CDI ; elle a décidé, par parallélisme avec le régime du CAE, que la durée du CIE ne pourra être inférieure à six mois, ou trois mois pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation et bénéficiant d'un aménagement de peine ; elle a autorisé, à l'instar du régime du CAE, que des actions de formation soient menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci.

Sur ces points, d'autres assouplissements seront proposés par voie d'amendements, par exemple pour permettre, dans des conditions strictement encadrées, les ajustements de durée susceptibles de rendre effective la réinsertion professionnelle. On doit, à ce sujet, souligner l'excellent travail effectué par les associations d'employeurs dans le domaine de l'insertion.

Pour conclure, Mme Bernadette Dupont, rapporteur, s'est déclarée convaincue que ce texte, qui a rencontré la très large adhésion de tous les acteurs associatifs et institutionnels, constitue une étape essentielle de la lutte contre la pauvreté dans notre pays, à laquelle il faut impérativement apporter son concours pour redonner aux personnes qui en seront bénéficiaires un espoir, souvent battu en brèche, et le respect de leur dignité.

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