Intervention de Jean-Marie Faucher

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 2 avril 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de M. Jean-Marie Faucher directeur général de l'association réflexion action prison et justice arapej

Jean-Marie Faucher :

a tout d'abord présenté l'Association Réflexion Action Prison et Justice fondée, il y a trente ans, par des magistrats et des aumôniers protestants et catholiques pour faciliter la réinsertion sociale des détenus. Il a précisé que le budget de l'association, qui emploie 250 collaborateurs, avoisinait les 11 millions d'euros, financés à hauteur de 70 % par des crédits d'aide sociale de l'Etat, de 15 % par des subventions provenant de l'administration pénitentiaire et, pour le solde, par des soutiens divers apportés par les collectivités territoriales et par la Fédération d'entraide protestante.

Il a cependant déploré qu'un certain nombre de projets d'implantation de l'ARAPEJ aient été bloqués par des maires alors même qu'ils disposaient d'un financement et de moyens en personnels. Il a estimé que les appréhensions de ces élus n'étaient pas fondées, dans la mesure où, au cours de ses six années d'expérience professionnelle, il n'avait jamais constaté de cas de violences des anciens détenus à l'égard de la population.

Il a ensuite présenté les principaux axes d'action de l'ARAPEJ :

- l'aide à la réinsertion sociale et professionnelle des sortants de prison, avec huit centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et onze services rattachés qui représentent 400 places en Ile-de-France ainsi que l'animation de quatre chantiers d'insertion labellisés pour près de 80 emplois aidés, principalement occupés par d'anciens détenus ;

- la formation juridique à l'intention des travailleurs sociaux et des bénévoles ;

- le développement de l'accès au droit en détention avec quatre points d'accès au droit (PAD) à Fleury-Mérogis, à la maison d'arrêt de Nanterre, à Meaux Choconin et au centre de détention de Melun, auxquels s'ajoute l'ouverture d'un PAD dans le 15e arrondissement de Paris ;

- la mise en oeuvre des alternatives à l'incarcération, notamment avec des dispositifs de placement extérieur (PE), d'accès au bracelet électronique, de libération conditionnelle ou de suspension de peine pour des raisons médicales ;

- le soutien aux familles, grâce notamment à un « numéro vert » national financé par l'aide sociale également accessible aux détenus ;

- la lutte contre la récidive ;

- et, enfin, depuis peu, la lutte contre les violences conjugales avec, notamment, des dispositifs d'accueil des hommes violents. A cet égard, il a souligné que, en pleine conformité avec le droit en vigueur, il lui semblait hautement préférable d'éloigner du domicile familial l'agresseur plutôt que la victime.

Il a précisé que l'éthique de l'action de l'ARAPEJ se fondait sur le respect de la Déclaration des droits de l'homme. L'association a également fait référence, dans son règlement général, au principe de parité, cet objectif étant atteint dans les instances dirigeantes mais plus difficile à mettre en oeuvre au sein des équipes sociales, du fait de la faible représentation des hommes dans cette profession.

Puis M. Jean-Marie Faucher a rappelé que les femmes représentaient 3,4 % d'une population carcérale globale, estimée par l'administration pénitentiaire à 66 980 personnes, soit 2 309 femmes écrouées et 2 120 femmes détenues, signalant que le faible écart entre ces deux chiffres reflétait le petit nombre de femmes bénéficiant d'alternatives à l'incarcération. Il a ajouté que l'accueil des femmes au sein des structures de l'ARAPEJ était resté marginal jusqu'en 2006 : par la suite, une volonté de rééquilibrage, qui s'est traduite par la reprise de deux établissements jusqu'alors gérés par des congrégations religieuses et accueillant des femmes, dans le département de l'Essonne, et les travaux entrepris dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale d'Athis-Mons et de Belle Etoile, ont contribué à élargir l'accueil des détenues.

Il a rappelé que, en 2008, près de 5 000 personnes avaient bénéficié d'au moins un service de l'ARAPEJ, dont 6 % de femmes, soit 290 femmes, pourcentage faible encore mais qui traduit cependant un net progrès. Il a alors cité quelques exemples de l'action de l'association en faveur des femmes : en 2008, 147 femmes détenues sur 1 477 au total ont fait appel aux services du point d'accès au droit de Fleury-Mérogis ; en 2009, les dossiers présentés par 53 femmes âgées de 20 à 40 ans ont été traités. Par ailleurs, quatre établissements gérés par l'association accueillent des femmes.

a ensuite indiqué que, selon les équipes sociales et médico-sociales confrontées à l'accueil de femmes, plus la population est féminine, plus les rapports dans la vie quotidienne sont tendus : les personnels doivent ainsi gérer des violences verbales et physiques plus fréquentes que chez les hommes. Il a estimé que ces tensions et ces rivalités étaient la conséquence d'un passé plus traumatisant chez les femmes que chez les hommes et du sentiment de honte que leur inspirait leur incarcération. Puis il a évoqué un certain nombre de situations caractéristiques : celles des femmes qui veulent reconstruire leur vie avec un enfant, ou celle des femmes sud-américaines impliquées dans le trafic de drogues et sous le coup d'un arrêté d'expulsion, ce qui limite les possibilités d'intervention des équipes de l'ARAPEJ. Il a également souligné les difficultés auxquelles sont confrontées les détenues qui souhaitent obtenir un titre de séjour et regretté l'insuffisance des études relatives à la sortie de prison et à la reconstruction des liens familiaux. Evoquant les femmes sortant de Fleury-Mérogis et accueillies à la résidence « Belle-Etoile » située à Athis-Mons, il a relevé que la plupart d'entre elles souffraient d'un sentiment de solitude, de honte, d'ennui et éprouvaient de la crainte à se projeter à l'extérieur de la prison.

s'est demandé si le fait de libérer les détenus sans leur dispenser les ressources financières nécessaires, et parfois au coeur de la nuit, ne constituait pas des conditions instituées de récidive, pour les hommes comme pour les femmes. Il a rappelé que M. Pierre Lyon-Caen, vice-président de l'ARAPEJ, avait proposé d'y remédier en généralisant l'instruction précoce des dossiers de revenu minimum d'insertion au cours de l'incarcération afin que la première mensualité puisse être versée aux anciens détenus dès leur libération, et regretté que sa réalisation se heurte à une certaine rigidité de l'administration pénitentiaire.

Plus généralement, il a dénoncé, sur la base d'exemples concrets, un certain nombre de dysfonctionnements collectifs de la justice et de l'administration pénitentiaire qui ne sont pas imputables aux personnes, souvent de qualité, qui la composent. Il a notamment déploré le décalage entre un financement public de l'ordre de 32 à 35 € par jour, pour le placement extérieur des détenus, et le coût réel qu'il a évalué à 70 €. Il a également souligné les difficultés des partenariats avec les associations, qui s'expliquent par la complexité de l'articulation entre le travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les magistrats. Evoquant enfin la dimension psychologique et psychiatrique de la souffrance des détenus, il a déploré l'insuffisante solidité des partenariats avec l'Etat et certains hôpitaux dans ce domaine.

Un débat a suivi cet exposé liminaire.

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