Intervention de Martine Gross

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 mars 2006 : 1ère réunion
Famille — Droit de la famille - table ronde sur l'évolution des modes de filiation

Martine Gross, sociologue, présidente d'honneur de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) :

a d'abord estimé qu'il existait aujourd'hui de nombreuses situations où les trois aspects de la filiation -donner la vie, disposer du statut légal de parent et élever au quotidien les enfants- ne coïncidaient pas dans la même personne. Elle a estimé que le droit de la famille tentait, au prix de fictions parfois alambiquées, de ramener ces trois aspects de la filiation au seul critère biologique, les parents ne pouvant être que ceux dont la sexualité est susceptible d'être procréatrice.

Déclarant que l'APGL souhaitait que la filiation soit fondée sur une éthique de la responsabilité, où l'engagement parental irrévocable primerait sur la vérité biologique, elle a considéré que dans ce cadre, l'enfant pourrait accéder à la connaissance de ses origines, bénéficier d'une filiation sûre que ne pourrait remettre en cause l'avis des adultes et être protégé par les liens tissés avec les personnes qui l'élèvent.

Evoquant l'assistance médicalisée à la procréation, elle a rappelé que celle-ci était réservée depuis la loi relative à la bioéthique de 1994 aux couples hétérosexuels en âge de procréer pouvant justifier de deux ans de vie commune et souffrant d'une pathologie de fertilité, alors que son accès était beaucoup plus ouvert dans d'autres pays de l'Union européenne, tels que la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Elle a ajouté que le Québec prévoyait même des règles de filiation spécifiques pour les enfants ainsi conçus.

Elle a contesté la justification par le législateur de l'exclusion des célibataires et des couples homosexuels par la conviction que les chances d'épanouissement de l'enfant étaient plus grandes au sein d'une famille constituée par un couple hétérosexuel, en considérant qu'il n'existait pas de travaux scientifiques l'étayant. Elle a au contraire indiqué que plusieurs centaines d'études montraient, d'une part, que les enfants élevés dans un tel cadre ne présentaient pas de différences notables avec les autres et, d'autre part, que les parents homosexuels apportaient les mêmes soins aux enfants.

a souligné que de nombreux couples de femmes se rendaient ainsi à l'étranger, où l'accès à l'insémination artificielle avec donneur était souvent accordé par les établissements médicaux en fonction de la cohérence et du sérieux du projet parental. Elle a dénoncé les effets discriminatoires de la position française, et déploré que seuls les couples de femmes les plus aisés puissent recourir à ces techniques en se rendant à l'étranger.

Elle s'est prononcée en faveur de l'ouverture des techniques de procréation aujourd'hui réservées aux seuls couples de sexes différents à tous les couples et à toute personne en âge de procréer pouvant justifier d'un projet parental cohérent.

Déplorant le principe de l'anonymat du don actuellement inscrit dans le code civil et dans le code de santé publique, Mme Martine Gross a estimé qu'il était motivé par une confusion entre les aspects biologiques et juridiques de la filiation. Elle a souhaité l'ouverture de l'accès aux origines à toute personne qui le souhaite, sans qu'elle emporte des conséquences sur la dimension juridique de la filiation. Elle a considéré qu'une filiation fondée sur l'engagement parental plutôt que sur la vérité biologique ôterait toute difficulté pour l'accès aux origines, la connaissance des origines étant alors sans risque pour la filiation juridique. Elle a déclaré que l'APGL préconisait par conséquent la levée de l'anonymat.

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