a tout d'abord rappelé que le Doyen Cornu estimait que « le droit de la filiation n'est pas seulement un droit de la vérité. C'est aussi un droit de la vie, de l'intérêt de l'enfant, de la paix des familles, des affections, des sentiments moraux, du temps qui passe ». Il a souligné que les sociétés contemporaines étaient marquées par un pluralisme familial se manifestant dans la croissance du nombre de concubinages, la banalisation du divorce, la multiplication des couples pacsés (190.000), des familles recomposées, des familles monoparentales, de l'adoption par les célibataires et des enfants élevés par les couples de même sexe. Il a estimé que cette réalité pouvait être perçue aussi bien comme un déclin de la famille que comme le résultat d'une plus grande liberté individuelle et d'une égalité accrue entre les membres du couple et de la famille.
Il a toutefois estimé que cette évolution sociale, reflétant une plus grande autonomie, n'avait pas été accompagnée en France d'une adaptation législative adéquate. Considérant qu'une loi n'était juste que si elle était universelle, M. Daniel Borrillo a estimé que le régime juridique français en matière de filiation était injuste et inégalitaire, le droit de la famille continuant à fonctionner à partir du modèle classique Père/Mère/Enfant (PME). Il a souligné que l'amalgame entre reproduction et filiation témoignait d'une vision biologisante de la filiation.
Estimant que tous les enfants devraient bénéficier de la même protection, il a déclaré que les enfants des familles monoparentales se trouvaient dans une plus grande précarité juridique. Il a ainsi souligné que si la décision de la Cour de cassation du 24 février 2006 autorisait une délégation de l'exercice de l'autorité parentale à une femme avec laquelle la mère de l'enfant vivait en union stable et continue, elle n'entraînait pas la création d'un lien de filiation entre le parent social et l'enfant.
a par ailleurs relevé l'inégalité devant la loi des personnes aspirant à devenir parents, les personnes seules et les couples homosexuels ne pouvant accéder aux techniques de procréation médicalement assistée. Il a en outre rappelé que la mission d'information de l'Assemblée nationale n'avait pas jugé opportun de proposer une modification de la loi afin de mettre un terme à l'admission par le Conseil d'Etat du refus d'agrément fondé sur l'orientation sexuelle du candidat à l'adoption. Il a enfin évoqué le refus du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes du 20 mars 2006 d'accorder un congé de paternité à la compagne d'une accouchée.
Se référant à la tradition civiliste, issue du droit romain, il s'est prononcé pour une conception pragmatique de la filiation, consistant à la dissocier de la reproduction biologique afin de permettre la création de liens de filiation culturels. Il a estimé que l'accouchement sous X, l'adoption plénière, ou encore l'assistance médicale à la procréation montraient déjà que le lien entre l'adulte et l'enfant pouvait procéder d'une manifestation de la volonté. Il a considéré qu'il n'était par conséquent pas justifié d'opposer la dimension biologique de la filiation aux couples et aux personnes homosexuels demandant la reconnaissance d'un droit. Il a jugé que le législateur devait par conséquent soit modifier les règles de filiation afin de permettre aux seuls couples hétérosexuels de devenir parents, soit, dans une logique plus pragmatique, ouvrir la filiation aux individus et aux couples homosexuels, en assumant la dissociation entre reproduction et filiation.
Soulignant qu'il existait aujourd'hui en France une forme de procréation assistée artisanale susceptible de poser des problèmes de santé publique, M. Daniel Borrillo a considéré qu'il était urgent de mieux encadrer l'assistance médicale à la procréation.
Relevant que depuis 1972, les réformes du droit de la famille avaient visé l'égalité de toutes les formes de filiation (légitime, naturelle, adultérine, adoptive ou monoparentale), il a déploré la situation inégalitaire des enfants issus de familles homoparentales par rapport à ceux issus de couples hétérosexuels. Il a souhaité que le législateur, afin de mettre un terme à ces inégalités, accorde le droit au mariage à l'ensemble des couples indépendamment du sexe des partenaires, autorise l'adoption conjointe aux couples de concubins et aux partenaires d'un PACS, permette l'agrément des personnes homosexuelles souhaitant adopter un pupille de l'Etat et ouvre l'accès à la procréation médicalement assistée à tous les couples indépendamment de leur sexe.
Enfin, rappelant qu'un rapport de l'UNICEF et de l'ONUSIDA publié en 2004 montrait que près de 11 millions d'enfants étaient aujourd'hui orphelins de père et de mère, il a jugé que cette situation devait inciter le législateur à mettre en place les mécanismes juridiques permettant de donner une famille aux enfants qui en sont privés.