a souligné la complexité du problème du suicide des agriculteurs. Pour mieux comprendre les causes des suicides commis sur le lieu de travail, Philippe Nasse et Patrick Lègeron avaient d'ailleurs proposé, dans leur rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux, de procéder à des « autopsies psychologiques ».
Les données statistiques disponibles, qui sont relativement anciennes, montrent que l'on compte environ quatre cents suicides d'agriculteurs chaque année. Le célibat, l'isolement, la précarité favorisent le passage à l'acte. La dernière étude publiée par l'institut de veille sanitaire (InVS) porte sur des données couvrant la période 1986-1999. Si l'on prend comme référence la population des cadres, le taux de suicide dans le secteur agricole (salariés et non salariés) est multiplié par 1,6 pour les hommes et par 1,9 pour les femmes. Si l'on considère les seuls exploitants agricoles, le risque est respectivement multiplié par 3,1 et 2,2. Toutefois, l'espérance de vie des agriculteurs à l'âge de trente-cinq ans est proche de celle des cadres : ils sont en effet moins concernés que la moyenne de la population par les cancers ou les accidents cardio-vasculaires, en raison notamment d'un moindre tabagisme.
Comme cela été indiqué, la tradition pèse lourd dans le monde agricole, ce qui explique que l'abandon de la terre que l'on a hérité de sa famille soit vécu comme un grave échec personnel.
Depuis 2002, la MSA est chargée de la prévention des risques professionnels chez les exploitants agricoles. Elle a mené une enquête auprès d'eux pour évaluer leurs besoins : il en ressort que les tracasseries administratives sont vécues comme une difficulté majeure. Les salariés agricoles, de leur côté, connaissent des situations différentes selon qu'ils sont employés dans une exploitation ou par une coopérative, qu'ils travaillent dans le tertiaire (Groupama et le Crédit agricole relèvent de la protection sociale agricole), ou qu'ils sont saisonniers. Entre 500 000 et 600 000 personnes travaillent dans l'agriculture en tant que saisonniers chaque année et ils vivent généralement dans un état de plus grande précarité que les salariés permanents, avec un moindre accès aux soins.