Concernant le diagnostic, M. Gérard Dériot, rapporteur, a tout d'abord estimé que les auditions ont mis en évidence le fait que le mal-être au travail résulte souvent de problèmes d'organisation. En particulier, l'affaiblissement des collectifs de travail a été mis en cause à plusieurs reprises : les salariés se retrouvent seuls face à la clientèle et doivent tenir seuls les objectifs fixés par leur hiérarchie. Ils ne peuvent plus s'appuyer sur une équipe pour résoudre leurs difficultés. Les moments de convivialité, qui permettent de créer du lien social dans une entreprise, se sont raréfiés. Les syndicats, qui étaient un lieu où pouvaient s'exercer une solidarité, ont également perdu du terrain.
L'individualisation des rapports de travail n'est pourtant pas une fatalité : elle résulte du choix de techniques managériales qui visent à accroître la productivité, sans tenir suffisamment compte du bien-être des salariés. La fixation d'objectifs purement quantitatifs prive trop souvent les salariés de la satisfaction qu'ils peuvent retirer du travail bien fait. Beaucoup d'entre eux sont soumis à des contrôles tatillons, parfois humiliants, qui diminuent leur marge d'autonomie et réduisent l'intérêt de leur activité professionnelle.
Alors que le secteur des services s'est longtemps caractérisé par des gains de productivité assez faibles, on assiste aujourd'hui au développement d'un véritable « taylorisme des services » : pour augmenter la productivité du travail, les salariés se voient imposer le respect de gestes et de procédures, qu'ils doivent reproduire, pour ainsi dire, « à la chaîne ». Le travail est dépersonnalisé, alors que la relation humaine devrait être au coeur de toute activité de service.
Ces évolutions sont aggravées par le fort attachement des Français à leur travail et par le fait que les salariés en souffrance hésitent à démissionner, compte tenu du niveau élevé du chômage.
Bien sûr, les comportements individuels jouent un rôle dans l'apparition du mal-être au travail : le harcèlement, la violence, existent et doivent être sanctionnés. Le code du travail et le code pénal contiennent déjà des dispositions en ce sens. Mais des progrès doivent certainement être accomplis pour mieux détecter et sanctionner les comportements fautifs.
Après ce diagnostic, le rapport de la mission devra dresser le bilan des actions engagées depuis deux ans, à l'initiative du Gouvernement ou des partenaires sociaux : plan d'urgence sur les risques psychosociaux, deuxième plan santé au travail, accord national interprofessionnel sur le stress et accord sur le harcèlement et la violence au travail.
Ensuite, il formulera des propositions qui aborderont plusieurs thèmes de réflexion :
- la formation des managers, pour qu'ils prennent mieux en compte le facteur humain ;
- le renforcement des instances qui contribuent à la prévention des risques professionnels, CHSCT et médecine du travail notamment ;
- la détection et la prise en charge des salariés en souffrance ;
- la diffusion des bonnes pratiques, à laquelle pourraient participer l'inspection du travail, le réseau Anact/Aract et l'INRS ;
- l'incitation des entreprises à prendre en compte le bien-être de leurs salariés : faut-il imposer aux grandes entreprises de rendre publics des indicateurs de bien-être de leur personnel ? Faut-il décerner des labels aux entreprises ou aux administrations vertueuses ?
- la prise en charge par la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) des pathologies causées par un état de souffrance au travail.
a enfin proposé d'auditionner d'ici la fin du mois de juin :
- Henri Lachmann, auteur, avec Muriel Pénicaud et Christian Larose, d'un rapport sur la santé psychologique des salariés ;
- des représentants des écoles de commerce, au sujet de la formation qu'elles délivrent aux futurs managers ;
- des organisations représentatives des médecins du travail ;
- les ministres Eric Woerth et Georges Tron, qui sont en charge du travail et de la fonction publique.
Par ailleurs, il serait utile de rencontrer l'inspectrice du travail Sylvie Catala qui est à l'origine de la plainte déposée contre France Telecom, avant de visiter un des centres d'appel de cette entreprise.
Alain Gournac a suggéré d'auditionner le chercheur Patrick Guiol, qui a travaillé sur le lien entre participation des salariés à la gestion de leur entreprise et santé. La fin des travaux pourrait permettre d'entendre des sociologues, comme Philippe d'Iribarne, Dominique Méda ou Serge Volkoff, ou encore le juriste Alain Supiot.