Intervention de Daniel Raoul

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 8 septembre 2010 : 1ère réunion
Lignes à haute et très haute tension santé et environnement — Audition de M. Daniel Raoul rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques opecst

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul, rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques :

Ce rapport résulte d'une saisine de l'OPECST par notre commission. J'ai corrigé l'intitulé originel de la saisine, car il n'existe pas de champs électromagnétiques dans les fréquences basses de 50 hertz (Hz), mais des champs électriques et des champs magnétiques. Le champ électrique est constant, quelle que soit la charge de la ligne, le champ magnétique, dont la densité est mesurée en microtesla, est actif uniquement lorsque le courant passe. Seul le champ magnétique est incriminé pour ses éventuels effets sanitaires.

Le réseau français à haute et très haute tension est le plus important d'Europe, en raison notamment de notre parc nucléaire. La gestion est publique à 100 %, assurée par Réseau de transport d'électricité (RTE). Je souligne la neutralité du réseau, quelle que soit l'origine de l'électricité, nucléaire, hydraulique, ou autre. J'ajoute que l'électricité n'est pas une marchandise comme une autre, elle ne se stocke pas ; et le réseau doit fonctionner de telle sorte que, si un tronçon tombe en panne, il n'affecte pas l'activité des autres.

On observe des réticences à l'égard des champs électriques et magnétiques (CEM), la population exprimant des craintes. Les lignes électriques émettent des CEM, mais les postes de transformation aussi, les caténaires des lignes de chemin de fer, et tout l'environnement domestique. A l'intérieur des domiciles, on mesure de l'ordre de 0,2 uT (microteslas). L'usager du TGV, l'utilisateur d'ordinateur, peuvent être exposés à une plus forte dose. Supelec a conduit une étude qui a conclu à des différences significatives selon le type d'habitation, de chauffage, le métier, le mode de transport utilisé, etc. Finalement, il apparaît que 0,6 % de la population est exposée à plus de 0,4 microtesla, en raison de sa proximité avec des lignes à haute et très haute tension.

Il est souhaitable que l'enfouissement reste principalement un choix économique, son coût variant en fonction de la puissance de la ligne et de la géographie du tracé de l'ouvrage. Le contrat de service public conclu entre l'État et RTE stipule que la longueur du réseau aérien ne peut être accrue et il faudra ainsi compenser la nouvelle ligne Cotentin-Maine par l'enfouissement d'autant de kilomètres de lignes.

Il n'y a pas de bénéfice floristique à attendre de l'enfouissement, qui représente, en outre, une contrainte forte pour les agriculteurs, car il nécessite le creusement de tranchées à faible profondeur ce qui peut causer des problèmes, pour l'irrigation par exemple. Le champ électrique est alors totalement supprimé, le champ magnétique atténué sensiblement. La demande sociale est forte, notamment pour des raisons esthétiques. Les toiles d'araignées en région parisienne, il est vrai, n'embellissent pas le paysage. Mais il ne faudrait pas placer RTE dans la même situation financière que Réseau ferré de France !

En matière de santé, il y a un consensus international pour estimer que les normes existantes sont efficaces pour protéger la population. Les scientifiques estiment improbable et même exclu qu'une exposition chronique cause une maladie telle qu'un cancer chez l'adulte. Trois problèmes seulement ont été identifiés. L'hypersensibilité électrique, ou HSE, est un syndrome auto-déclaré, qu'il n'est pas possible de diagnostiquer : on ne peut mesurer ce malaise. Les personnes souffrent, c'est indéniable. Mais aucun lien de cause à effet n'a jamais été mis en évidence. Et dans les essais en double aveugle, ni le médecin ni le patient ne sont jamais capables de dire si les machines sont branchées ou non. Il n'en faut pas moins prendre au sérieux ces malades. C'est ce que propose aussi le rapport d'Alain Gest, député et rapporteur de l'OPECST sur la téléphonie mobile. Il faut développer la recherche et la prise en charge, l'accueil. Pour la première fois, le professeur Choudat (APHP-Hôpital Cochin) a formulé l'hypothèse qu'une démarche de désensibilisation pourrait être appliquée à ces personnes, un peu comme à celles qui souffrent d'agoraphobie. Le second point d'interrogation concernant l'impact des champs magnétiques d'extrêmement basses fréquences sur la santé concerne la maladie d'Alzheimer et la démence sénile qui pourraient éventuellement être amplifiés. Une étude suisse portant sur les conducteurs de trains met en évidence une relation entre l'exposition aux champs magnétiques et ces maladies. J'ai proposé pour ma part une étude épidémiologique à la SNCF et j'ai été dépité que l'on me réponde : « cela relève de la Caisse de retraite », alors que la RATP, elle, a mené une étude sur vingt ans, incluant les retraités ; il apparaît que les maladies neuro-dégénératives ne sont pas plus nombreuses dans ce groupe que dans la population témoin. Il faut dire que le statut du personnel de la RATP n'est pas le plus mauvais pour la santé et que la RATP emploie des champs magnétiques continus et non alternatifs...

Reste le cas de la leucémie aiguë de l'enfant, question discutée depuis plus de trente ans ; suite à plusieurs méta-analyses, l'Organisation mondiale de la santé classe les champs magnétiques à 50 Hz en catégorie 2B, c'est-à-dire comme cancérogène possible. Quant à l'étude Draper en 2005, elle a conclu que les facteurs de risque étaient doublés lorsque le champ était supérieur à 0,4 microtesla, mais les chercheurs ont eux-mêmes mis en doute les conditions de l'observation, puisque ce n'est pas l'exposition réelle qui était prise en compte mais la distance entre le lieu de naissance de l'enfant et les lignes électriques. L'étude serait donc à affiner. Mais aucun lien de cause à effet n'a été trouvé. Et si les champs magnétiques étaient impliqués, compte tenu de la part de la population française exposée à un champ supérieur à 0,4 microtesla, et que l'on parvient à guérir de l'ordre de 80 % des enfants, on ne pourrait leur imputer que le décès d'un enfant par an pour leucémie aiguë, au maximum. L'inquiétude est légitime, mais le risque, faible.

Un décès d'un enfant par an, cependant, c'est un décès de trop et il faudrait chercher à savoir si un lien de cause à effet peut être identifié. Une nouvelle étude devrait être conduite par l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset) dans quelques années. Il convient de relancer la recherche épidémiologique, en étant conscient cependant du problème statistique compte tenu de la rareté de la maladie ; et de chercher un mécanisme d'action, les leucémies étant des maladies multifactorielles. Dans l'attente des résultats scientifiques, il convient de prendre des mesures de prudence, sans excès cependant : l'instauration de couloirs de deux fois 100 mètres autour des nouvelles lignes à haute tension n'aurait pas de sens et stériliserait sans raison des terrains. Que l'on n'y construise pas une crèche, d'accord, mais ces lieux peuvent accueillir des bâtiments industriels.

Sur la flore et la faune, on dispose de très peu de données. On n'a démontré aucun impact sur l'élevage, du moins aucun impact direct car les bâtiments modernes sont souvent métalliques, donc conducteurs, et les animaux subissent des microdécharges lorsque la mise à la terre est mal faite. Le groupe permanent de sécurité électrique (GPSE), cherche à améliorer les connaissances des éleveurs en la matière. Il est saisi des litiges, rares - il a été sollicité 34 fois depuis 1999, dont dix fois pour des conseils en amont. Il est tout de même gênant que le GPSE soit financé essentiellement par RTE, car cela jette un doute dans les esprits. Mieux vaudrait couper le lien, ou créer une fondation financée par RTE, bref créer un groupe plus formel - le GPSE fonctionne presque sur le bénévolat ! Il n'est pas non plus le leader mondial de la transparence ; les termes des accords passés avec les agriculteurs, par exemple, ne sont pas divulgués. On a constaté que le dialogue changeait tout, faisait évoluer les positions. Des mesures sur le terrain sont le meilleur moyen de « dégonfler » les rumeurs fantaisistes.

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