L'Opeps à tout d'abord examiné le rapport de M. Jean Bardet, député, rapporteur, sur la prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
A titre liminaire, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a rappelé les raisons qui ont conduit l'Opeps à engager cette étude.
Tout d'abord le poids de la maladie. Les AVC sont à l'origine de 7 % des décès enregistrés chaque année en France et constituent l'une des principales causes d'invalidité dans notre pays. Près de 200 000 personnes sont actuellement bénéficiaires du régime des affections de longue durée pour cause d'AVC invalidant. Les AVC sont également une cause importante d'hospitalisation : l'étude commandée par l'Opeps a recensé quelque 130 000 séjours hospitaliers annuels en court séjour attribués aux AVC, dont 20 % se prolongent dans un établissement de soins de suite et de rééducation. Le coût total des soins dispensés aux victimes d'AVC a ainsi été évalué entre 2 et 2,5 milliards d'euros.
Par ailleurs, les récentes avancées dans le domaine du diagnostic et du traitement des AVC ont des implications substantielles sur l'organisation des soins. Les traitements actuels conduisent à distinguer les accidents d'origine ischémique - consécutifs à l'obstruction d'une artère cérébrale par un corps sanguin solide - et les accidents d'origine hémorragique - caractérisés par un épanchement de sang dans l'espace cérébral, faisant suite à la rupture d'un vaisseau sanguin. De même, les techniques modernes d'investigation par imagerie médicale - le scanner et l'IRM - permettent aujourd'hui de visualiser précisément la zone du cerveau atteinte par l'accident vasculaire et donc d'améliorer le diagnostic. Sur le plan thérapeutique, deux innovations majeures modifient la prise en charge des personnes victimes d'AVC : d'une part, la définition des soins neuro-vasculaires, qui améliorent le pronostic fonctionnel des patients lorsqu'ils sont administrés précocement ; d'autre part, la thrombolyse médicamenteuse, qui permet de dissoudre l'obstruction vasculaire responsable des lésions cérébrales. Pour les patients, ces traitements apportent l'espoir d'une récupération réelle des fonctions cérébrales. Mais ils ne produisent leurs effets thérapeutiques que dans la mesure où ils sont mis en oeuvre très rapidement après le début de l'AVC, en particulier pour la thrombolyse qui doit être administrée moins de trois heures après la manifestation des premiers symptômes. Par comparaison, la thrombolyse peut être mise en oeuvre dans un délai de six à vingt-quatre heures en cas d'infarctus du myocarde. Il faut par conséquent organiser une prise en charge hospitalière précoce des personnes victimes d'un AVC.
L'Opeps a confié la réalisation de son étude à un bureau d'études spécialisé dans l'audit des systèmes de santé, le Réseau d'évaluation en économie de la santé (REES-France), sélectionné dans le cadre d'une procédure de marché public.
a souligné que le bilan de la politique de prise en charge précoce des AVC, tel qu'il ressort de l'étude de REES-France, est contrasté. La prise en charge est de qualité très variable entre les unités neuro-vasculaires, où elle est spécialisée, les services de neurologie conventionnels, où elle est de bon niveau, et les services de cardiologie-gériatrie ou les services de médecine générale, où elle est moindre. Des études randomisées ont été utilisées pour comparer les résultats thérapeutiques obtenus par les différentes formes d'organisation de la prise en charge des victimes d'AVC. Elles ont montré que l'hospitalisation d'un patient dans une unité spécialisée s'accompagne d'une diminution relative du risque de décès ou d'invalidité de l'ordre de 20 %. Les résultats variant en fonction du degré de spécialisation du service, il est essentiel de mettre en place des unités de soins neuro-vasculaires (UNV) sur l'ensemble du territoire.
A cet égard, M. Jean Bardet, député, rapporteur, s'est félicité de la démarche de planification de l'offre de soins confiée aux agences régionales de l'hospitalisation dans le cadre des schémas régionaux d'orientation sanitaire de troisième génération, les SROS III, élaborés en 2006. Cette démarche a donné lieu à de nombreuses initiatives, très utiles à la réflexion nationale, et a permis de définir un dispositif de prise en charge des AVC à la hauteur de l'enjeu national : la carte des unités de soins neuro-vasculaires dessinée par les SROS III constitue un maillage cohérent du territoire national, reposant sur l'implantation à terme de 140 unités de soins neuro-vasculaires, assurant un égal accès aux soins spécialisés neuro-vasculaires pour l'ensemble de la population française. Par ailleurs, la mise en place des unités neuro-vasculaires a fait l'objet de deux circulaires d'instructions ministérielles : la circulaire du 3 novembre 2003, établissant les fondements de la politique des pouvoirs publics pour la prise en charge des AVC, complétée par la circulaire du 22 mars 2007.
Toutefois, l'étude de REES-France a également souligné les insuffisances du dispositif actuel de prise en charge des AVC, les mesures en faveur du développement des UNV étant encore trop souvent restées au stade des bonnes intentions.
En ce qui concerne les capacités d'accueil hospitalières, l'étude ne recense que cinquante-huit unités neuro-vasculaires en activité sur les 140 unités prévues, représentant 900 lits de soins spécialisés sur les 4 400 lits nécessaires, selon les calculs de REES-France. Par ailleurs, les capacités existantes sont inégalement réparties sur le territoire : on compte onze unités neuro-vasculaires (UNV) en région Ile-de-France, tandis que les régions Auvergne, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne et Corse en sont totalement dépourvues. Plus généralement, on constate un manque de lits disponibles pour les AVC dans les services de neurologie, où on ne peut pas toujours hospitaliser tous les AVC se présentant au service des urgences du même hôpital : en moyenne, 60 % des malades seulement y trouvent une place. Le manque de lits spécialisés est également important dans les établissements hospitaliers de soins de suite et de rééducation, ce qui allonge inutilement le séjour des malades dans les unités de court séjour.
Evoquant ensuite la prise en charge médicale des AVC, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a constaté que les traitements thrombolytiques sont encore insuffisamment mis en oeuvre. Depuis que cette technique a été autorisée en 2003, le nombre de thrombolyses croît très lentement : 1 080 thrombolyses seulement ont été réalisées en 2005 sur l'ensemble du territoire français. Cette situation s'explique non seulement par le fait que la thrombolyse est une technique médicale délicate d'emploi - elle exige une sélection rigoureuse des patients éligibles en raison du risque hémorragique - mais aussi à cause de la carence des moyens techniques mis à la disposition des équipes médicales. Sur les quatre-vingt-huit établissements ayant réalisé au moins une thrombolyse en 2005, vingt-cinq établissements ont conduit moins de cinq thrombolyses dans l'année. Pour que la thrombolyse puisse être véritablement déployée à hauteur des espoirs qu'elle suscite, il est donc indispensable que ces équipes soient renforcées et disposent d'un environnement médico-technique adapté.
Par ailleurs, l'enquête de terrain effectuée pour le compte de l'Opeps a montré que les délais de prise en charge des victimes sont toujours d'une longueur excessive au regard des contraintes de la prise en charge thérapeutique précoce : 50 % des patients arrivent aux urgences plus de trois heures et demie après les premiers symptômes. L'enquête effectuée pour le compte de l'Opeps a également montré qu'à l'hôpital, les délais moyens pour obtenir des clichés d'imagerie sont trop longs : plus de deux heures et demie en moyenne. Ces délais sont générateurs d'un retard au diagnostic et portent préjudice à l'administration de la thrombolyse : une majorité des thrombolyses sont réalisées plus de deux heures et demie après la manifestation des premiers symptômes, c'est-à-dire à la limite temporelle d'administration des produits. Les praticiens estiment qu'un gain de trente minutes sur les délais de prise en charge suffirait à doubler la proportion des patients traités. Pour atteindre ce résultat, il suffirait que la filière de prise en charge des AVC soit activée au stade des secours. Un transport médicalisé des victimes d'AVC permettrait ainsi de gagner du temps pour le diagnostic et le recours au transport héliporté devrait pouvoir également être envisagé pour des trajets supérieurs à trente minutes.
a ensuite souligné que selon l'évaluation effectuée pour le compte de l'Opeps, il apparaît clairement que les acteurs régionaux de santé n'ont pas la capacité de mettre en place une infrastructure répondant aux nouveaux référentiels médicaux, avec les moyens dont ils disposent. L'étude a mis en évidence que les unités neuro-vasculaires ne peuvent échapper au déséquilibre financier dans les conditions actuelles de financement de ces soins. Les frais supplémentaires de fonctionnement des 140 unités neuro-vasculaires prévues sur le territoire français ont été chiffrés par REES-France à 265 millions d'euros. A règles constantes de financement, ces frais ne sont couverts que partiellement - à hauteur de 40 % - par les recettes supplémentaires tirées de l'application du forfait pour lits de soins intensifs (97,5 millions d'euros) et de l'aide à la contractualisation (7,7 millions d'euros). En supposant que des économies puissent être retirées des efforts de mutualisation des lits de soins intensifs avec d'autres services (pour un montant maximum estimé à 8,5 millions d'euros), le besoin de financement complémentaire pour les budgets hospitaliers peut être estimé à 150 millions d'euros. Ce besoin doit inciter les pouvoirs publics à engager au plus vite une réelle réflexion sur les moyens de le combler, sachant que la prise en charge précoce des AVC permettra de réduire les coûts de réadaptation et de rééducation liés aux AVC, lesquels représentent la part la plus importante du coût de prise en charge des AVC.
En conclusion, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a souligné que la politique de prise en charge précoce des AVC n'a pas encore les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Dans la démarche de structuration des filières régionales de prise en charge, l'Etat a bien sûr un rôle d'harmonisation mais aussi le devoir de donner aux acteurs régionaux les moyens nécessaires pour organiser l'offre de soins locale.
Le but des douze propositions de son rapport est de permettre la mise en place de dispositifs régionaux de prise en charge cohérents et efficaces, visant à faciliter l'accès aux UNV et la pratique de la thrombolyse. Ces propositions répondent à quatre objectifs.
Le premier concerne le renforcement global des capacités hospitalières nécessaires à la fourniture de soins spécialisés au profit de l'ensemble de la population. Ce renforcement doit être assuré à la fois dans les établissements de court séjour et dans les établissements de rééducation et de suivi.
Le deuxième objectif vise la constitution d'un dispositif régional de prise en charge des AVC. Ce dispositif comprendrait une filière d'urgence spécifique aux AVC organisant des secours réactifs, un réseau hospitalier régional garantissant la qualité des soins pour toutes les victimes d'AVC et un comité chargé du suivi et de l'organisation de la filière régionale.
Le troisième objectif concerne les moyens structurels nécessaires à la réalisation du programme d'actions. La réponse aux problèmes financiers et humains identifiés par l'Opeps pourrait en effet utilement faire l'objet d'un « plan AVC » de la part du Gouvernement.
Le quatrième objectif vise l'organisation d'actions de communication à destination du grand public pour que l'ensemble de la population sache mieux détecter les premières manifestations d'un AVC.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
En réponse à une interrogation du président Pierre Méhaignerie, député, sur le montant des économies que permettrait la mise en oeuvre des propositions formulées dans le rapport, M. Jean Bardet, député, rapporteur, a indiqué que leur évaluation précise demande une étude approfondie de la filière de soins de suite et de rééducation, laquelle n'entrait pas dans le champ de la saisine de l'OPEPS.