Intervention de Gérard Neyrand

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 mai 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Gérard Neyrand professeur de sociologie à l'université de toulouse iii directeur du centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales

Gérard Neyrand, professeur de sociologie à l'Université de Toulouse III, directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales :

Les commissions ont tout d'abord entendu M. Gérard Neyrand, professeur de sociologie à l'Université de Toulouse III, directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales.

a indiqué avoir réalisé une enquête sur la résidence alternée au début des années quatre-vingt-dix, à une époque où cette pratique n'était pas encore reconnue par la loi. Il a estimé qu'actuellement, dans les faits, 15 % à 20 % des enfants dont les parents sont séparés sont concernés par la résidence alternée, sans d'ailleurs qu'une décision de justice ait été nécessairement rendue en ce sens.

Son enquête portait sur soixante-dix couples, dont la moitié pratiquait la résidence alternée. Cette pratique peut être à son avis bénéfique, tant pour les parents que pour les enfants, dans la mesure où elle permet de maintenir un lien concret et régulier entre l'enfant et chacun de ses deux parents, tout en étant conforme au principe d'égalité entre les parents. Elle est facteur d'enrichissement de la vie sociale des enfants et conduit chaque parent à être plus disponible pour l'enfant pendant la période où il en assume la garde. Ces résultats ont été confirmés par des études nord-américaines, qui ont montré que les enfants en résidence alternée ne souffrent pas de problèmes particuliers. Les troubles psychologiques qui sont éventuellement observés chez ces enfants ne sont pas liés à leurs conditions de résidence, mais plutôt à la poursuite du conflit parental.

Les réticences suscitées par la résidence alternée concernent le plus souvent les très jeunes enfants, sachant que dans les trois quarts des cas, les demandes de résidence alternée portent sur des enfants de moins de dix ans et, dans un tiers des cas, de moins de quatre ans. Certains pédopsychiatres estiment que, seule, la mère est apte à s'occuper d'un très jeune enfant. Aucune étude ne démontre pourtant qu'une résidence permanente chez la mère soit absolument indispensable dans ce cas : s'il est vrai que certains pères ne souhaitent pas assumer les mêmes tâches que la mère, d'autres, en revanche, s'occupent de leur enfant dès sa naissance et établissent avec lui un lien d'attachement très fort. Il est alors important de préserver les relations nouées avec les deux parents. Les témoignages recueillis montrent que la résidence alternée peut être bien vécue à tout âge quand des liens psychologiques forts sont établis avec les deux parents. Il peut être utile, cependant, d'accélérer le rythme de l'alternance de la résidence quand l'enfant est plus jeune, dans la mesure où les enfants en bas âge n'ont pas le même rapport au temps que les enfants plus âgés.

Pour conclure, M. Gérard Neyrand a considéré que l'hostilité de principe de certains pédopsychiatres à la résidence alternée n'est donc pas fondée scientifiquement. Les possibilités de réorganisation du lien familial sont multiples et les parents ne défendent pas leur seul intérêt quand ils demandent ce mode de résidence. Si cette formule répond aux besoins de certaines familles, elle ne peut bien sûr pas être appliquée à toutes les situations : même dans les pays où elle est la plus pratiquée, elle ne concerne pas plus de 40 % des enfants dont les parents sont séparés.

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