a précisé que le rapport qu'il présentait répondait à une saisine de l'OPECST, par la commission des affaires économiques, sur la place de la France dans les enjeux de la recherche en milieu polaire et que ce rapport lui avait été confié à son retour d'une mission de cinq semaines effectuée avec l'Institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV), groupement d'intérêt public consacré à la recherche aux pôles, notamment au pôle sud.
Après avoir rappelé qu'il avait pris la mesure de l'importance stratégique de l'Antarctique en 2003 grâce à la transposition, qu'il avait eu l'honneur de rapporter, du protocole, signé à Madrid en 1991, qui reconnaissait l'Antarctique comme continent de recherche et de paix, il a présenté en quelques mots la mission qu'il avait pu effectuer en Antarctique en décembre 2005. Expliquant que l'Antarctique avait une superficie trente fois supérieure à celle de la France, se présentait comme un « gros glaçon » constitué d'une couche de glace d'une épaisseur comprise entre 1 et 4 kilomètres et n'était peuplé que par quelques espèces animales, il a comparé à un triangle équilatéral le circuit qu'il avait effectué sur ce continent : arrivé de Nouvelle-Zélande par avion-cargo américain sur la base italienne Terra Nova située sur la banquise, il avait ensuite séjourné sur la station franco-italienne Concordia au coeur du continent, puis rejoint la base française Dumont d'Urville, située elle aussi sur la banquise, avant de rejoindre l'Australie par un voyage de neuf jours en bateau brise-glace à fond plat. Il a précisé que le continent Antarctique comptait aujourd'hui trois bases : l'une américaine, la deuxième russe et la troisième franco-italienne (Concordia) ; une quatrième base allait voir le jour, les Chinois prévoyant de s'installer sur le Dôme A, ce qui confirmait le caractère stratégique des recherches menées en ces lieux.
Il a noté que la France était également présente au pôle nord, à côté de l'Allemagne, à Svalbard, le pôle nord étant constitué par les terres entourant l'océan Arctique, à l'opposé du pôle sud, continent entouré de mers.
Après avoir fait observer que M. Dumont d'Urville était le premier Français à avoir débarqué sur le continent Antarctique, il a rappelé que le général de Gaulle avait confié à Paul-Emile Victor en 1958 le soin de déployer la recherche en milieu polaire à partir de la base Dumont d'Urville. Cinquante années plus tard, soit en 2007-2008, s'ouvre une nouvelle année polaire internationale.
Il a observé que cette recherche passait notamment par la réalisation de forages qui, effectués au nord comme au sud, attestaient d'une liaison existante entre les pôles. Expliquant que ces carottages glaciaires permettent de prélever à 3.170 mètres de profondeur une glace vieille de plus de 800.000 ans, il a estimé que les données ainsi recueillies permettaient de reconstituer l'évolution des climats, grâce à la présence de particules et de gouttes d'atmosphère qui assuraient la traçabilité. Il a relevé que le forage des sédiments marins montrait une continuité et une relation entre les pôles nord et sud, pivots et points d'équilibre de notre système climatique. Il a jugé que ce lien, reposant sur les courants atmosphériques et océaniques, résultait d'un mécanisme thermodynamique complexe et fragile et qu'à ce titre, les pôles étaient des sentinelles de l'évolution climatique, ce qui rendait d'autant plus importante la recherche en ces lieux à des fins prévisionnelles.
Il s'est félicité du fait que le traité de Washington, signé en 1959, avait préservé la paix en Antarctique, alors que la guerre froide avait pu éveiller certaines tentations d'appropriation des richesses minérales de ce continent et que le protocole de Madrid signé en 1991 avait encore renforcé les contraintes protégeant le continent de toute exploitation minière.
a précisé que les recherches polaires se développaient autour de quatre axes :
- climatique d'abord, mais aussi biologique, dans la mesure où l'Antarctique, grâce à la base de données exceptionnelle que les recherches y ont permis d'élaborer, constitue une forme de gradient de la biodiversité. En effet, les animaux s'adaptent également à l'évolution du climat depuis une cinquantaine d'années : l'étude, par exemple, de la biologie du manchot empereur, capable de rester plusieurs mois exposé à un froid de - 80 °C sans nourriture, permet de faire avancer la connaissance de la chimie de la digestion animale, mais aussi humaine ;
- un troisième axe de recherches est constitué par l'observation de la Terre et de l'univers, pouvant mener jusqu'à l'astronomie : les pôles font partie du maillage planétaire d'observations en matière de sismologie, de gravité, de magnétisme et de suivi de la couche d'ozone. Le peu de précipitations et l'absence de pollution aux pôles en font aussi un site majeur d'observations astronomiques ;
- le quatrième axe de recherches porte sur la préparation des missions spatiales, les conditions extrêmes aux pôles permettant d'expérimenter du matériel, de valider des missions satellitaires et de préparer des vols habités. Evoquant sa propre expérience sur la base de Concordia, il a précisé que cette base accueillait seulement une quinzaine de personnes et offrait donc des conditions de confinement proches de celles des stations spatiales, notamment en matière de retraitement des eaux et de contamination bactérienne.
a ensuite insisté sur les caractéristiques de l'organisation de la présence française aux pôles. Il a d'abord déploré son manque de lisibilité, relevant notamment les dissensions entre les deux principaux acteurs que sont les TAAF (Territoire d'outre-mer des terres australes et antarctiques) et l'Institut Paul-Emile Victor. Il a jugé que cette confusion dans l'organisation française entraînait des difficultés dans nos relations avec les autres pays présents aux pôles.
Il a également regretté que la représentation de l'Etat ne concerne que le territoire antarctique et les terres australes françaises, alors que la présence française gagnerait à s'inscrire sur les deux pôles.
a conclu en incitant à mieux organiser la dimension européenne des recherches en milieu polaire. Constatant la présence de l'Italie au nord et celle de l'Allemagne et de la France au sud, il a jugé qu'une collaboration entre ces trois Etats pouvait permettre d'initier une coordination susceptible de devenir européenne, afin de faire pendant à la montée en puissance de la Chine notamment. Il a fait valoir que la France avait fait la démonstration de sa capacité à mener des recherches en qualité de « leader » et qu'il importait donc de lui donner les moyens de réaliser ce dont elle était capable.