Intervention de Gérard Cornu

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 février 2007 : 1ère réunion
Industrie — Secteur automobile - rapport d'information

Photo de Gérard CornuGérard Cornu, rapporteur :

a ensuite présenté son rapport d'information sur les défis du secteur automobile.

a rappelé que la commission avait décidé d'engager un travail de réflexion sur « Les défis du secteur automobile français », qui avait notamment donné lieu à un cycle d'auditions le 23 janvier dernier, en permettant d'aller au-delà des débats médiatiques actuels sur la crise de l'industrie automobile et de réfléchir à l'opportunité et aux modalités d'une politique spécifique à ce secteur.

Il a ensuite dénoncé l'existence de deux écueils aboutissant tous deux à la conclusion qu'il était préférable de ne rien faire.

Le premier de ces écueils, a-t-il fait valoir, est celui du fatalisme, qui assimile la crise de l'automobile à un simple volet du déclin inéluctable de l'industrie française. Ce discours était déjà dominant dans les années 1980, alors qu'entre temps, le secteur automobile a su s'adapter, permettant à la France de demeurer, en 2007, le quatrième pays en matière de construction automobile, représentant près de 800.000 emplois industriels et affichant un excédent commercial d'environ 10 milliards d'euros. Il se classe aussi au premier rang des secteurs de l'économie française en termes de recherche et développement.

Le deuxième écueil consiste, à l'inverse, à qualifier de conjoncturelles les difficultés actuelles des entreprises françaises, alors même que le secteur automobile doit aujourd'hui faire face à des défis présentant un caractère réellement structurel, ce qui justifie une réflexion et une action globales.

Présentant ces défis, il a estimé qu'ils étaient au nombre de trois et concernaient :

- d'une part, le positionnement de nos marques en termes de gammes de véhicules ;

- d'autre part, la situation de l'Europe sur le nouveau marché mondial de l'automobile ;

- et, enfin, l'organisation de l'ensemble de la filière du secteur, des équipementiers en amont vers les métiers de services en aval.

S'agissant du premier défi, M. Gérard Cornu, rapporteur, a rappelé que Renault et PSA, comme l'ensemble des constructeurs dits « généralistes », devaient faire face à la progression parallèle des marques les plus prestigieuses, dites « Premium », qui sont essentiellement allemandes, ainsi qu'à celle des marques de véhicules basiques. Il a insisté sur le fait que ce phénomène était bien propre aux marques et que ce n'était donc pas seulement les grosses cylindrées, de BMW ou de Mercedes qui rencontraient davantage de succès, mais encore des voitures de milieu de gamme, désormais proposées par ces constructeurs, qui concurrençaient directement les voitures françaises.

Il a indiqué que le même phénomène s'observait pour les marques « basiques », notamment coréennes, qui dépassent le segment des petites voitures citadines pour commercialiser, avec succès, des berlines bien équipées.

Outre cette pression concurrentielle accrue sur les véhicules de type traditionnel, a-t-il ajouté, il faut également déplorer l'absence des constructeurs français de certains marchés spécifiques et porteurs, tel que celui des véhicules 4 x 4.

Présentant le deuxième défi auquel le secteur est confronté, il a tout d'abord estimé que, si l'essentiel de la croissance de la demande au cours des prochaines années se ferait essentiellement en Chine et en Inde, le marché sur lequel la France devait se renforcer de la façon la plus immédiate restait le marché européen, ce dernier -qui absorbe les trois quarts des exportations françaises- ayant vocation à demeurer le premier marché du monde, avec un nombre de véhicules produits qui devrait encore être le double de celui de la Chine en 2010.

Il a précisé que cette priorité à la consolidation des positions sur le Vieux continent -et notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale- ne signifiait pas que la Chine ou l'Inde ne devaient pas être regardées comme susceptibles de bouleverser les équilibres du marché automobile mondial. Mais il a fait valoir que ces bouleversements allaient d'abord concerner l'offre de véhicules, alors que l'on se focalisait généralement sur la demande nouvelle représentée par les pays émergents.

A ce titre, il a fait remarquer que l'offre chinoise évoluait très vite, le secteur, caractérisé par l'existence de plus de trente constructeurs de taille moyenne, étant en pleine consolidation et les équipementiers chinois ou indiens progressant à la fois en volume, en qualité et en gamme de produits.

Il a fait état d'une étude du cabinet de conseil en stratégie MacKinsey, selon laquelle ces progrès réalisés dans le domaine de l'équipement permettraient à la Chine de produire et d'exporter vers 2015 des véhicules présentant un bon rapport qualité-prix selon les critères européens, la question demeurant ouverte sur le point de savoir si ces véhicules seront produits principalement par les Chinois ou par des centres de production installés par les constructeurs européens, et surtout japonais ou coréens.

Poursuivant sur les défis européens, il a abordé les enjeux internes à l'Union, en estimant que le marché communautaire, qui constitue le « marché-socle » de nos constructeurs, était loin d'être organisé de façon optimale.

Il a fait valoir que ce marché n'était unifié, ni au niveau réglementaire ni au niveau fiscal, ce qui empêchait les constructeurs automobiles d'engager véritablement des stratégies commerciales à l'échelle du continent, comparables à celles que les Japonais ou les Américains mènent sur leur marché domestique.

Les normes européennes en matière de sécurité et surtout en matière environnementale, a-t-il ajouté, sont très instables et pas toujours cohérentes et, s'agissant des normes communautaires environnementales qui sont les plus exigeantes au monde, il est dommage qu'elles ne soient pas suffisamment valorisées au plan commercial, le constructeur bénéficiant aujourd'hui de la meilleure image en termes de développement durable étant Toyota.

Enfin, M. Gérard Cornu, rapporteur a abordé le troisième défi du secteur, qui porte sur l'organisation interne de la filière automobile, en estimant, s'agissant des équipementiers, que très peu d'industries étaient soumises à des contraintes aussi fortes : les entreprises concernées subissent, d'une part, la flambée du prix des matières premières et sont, d'autre part, dans l'impossibilité de répercuter ces coûts sur le prix de vente ; elles doivent désormais assurer des activités de montage, d'assemblage, voire de conception auparavant réalisées par les constructeurs. Il a indiqué que ces défis concernaient aussi bien les entreprises liées aux constructeurs et les sociétés indépendantes que leurs fournisseurs, rappelant que la situation des équipementiers était un sujet d'autant plus stratégique que ceux-ci réalisaient 75 % de la valeur ajoutée d'un véhicule. En outre, a-t-il souligné, la concurrence deviendra d'autant plus vive que les progrès réalisés par les industriels chinois ou indiens permettront à ceux-ci de fournir en 2010 environ 40 % des équipements utilisés en Europe.

Concernant les entreprises situées en aval des constructeurs, c'est-à-dire principalement les métiers de la distribution et de la réparation automobiles, il a rappelé que ceux-ci présentaient également un caractère stratégique, non seulement en raison des 200.000 emplois non délocalisables qu'ils représentent, mais aussi parce que la qualité du service constitue un avantage commercial décisif : certains constructeurs japonais sont parvenus à s'imposer sur le marché américain en investissant massivement dans un réseau de concessionnaires et de réparateurs agréés et un constructeur asiatique propose à la vente en France un véhicule offrant une garantie pièces et main-d'oeuvre de très longue durée.

a ensuite avancé ses propositions qui s'inscrivent dans le cadre d'actions existant, à savoir :

- les efforts accomplis par les industriels depuis vingt ans en matière d'innovation, de qualité, de conquête de nouveaux marchés et de coopération avec les autres constructeurs, notamment autour du concept de plates-formes de production multimarques ;

- la réflexion européenne menée dans le cadre du groupe « Cars 21 » quant à l'impact des normes européennes sur la compétitivité du secteur ;

- le récent « Plan automobile » du Gouvernement, doté de 400 millions d'euros sur trois ans, dont 250 millions en faveur de la recherche essentiellement tournée vers le développement durable et 150 millions pour reconvertir, former et accompagner les salariés du secteur ayant perdu leurs emplois.

Dans le prolongement de ces politiques, il a proposé à la commission une stratégie en trois axes.

D'abord construire un marché européen mieux intégré, qui puisse pleinement jouer son rôle en faveur de la compétitivité des entreprises automobiles françaises, en recherchant la stabilisation et la meilleure intégration des normes, notamment environnementales, et en préconisant une étude de l'impact des différentes politiques fiscales des Etats membres sur le fractionnement du marché européen.

Le deuxième axe est relatif au développement durable et encourage les pouvoirs publics et les industriels à s'associer pour rendre plus visible et valoriser, en termes d'image, l'excellence des exigences environnementales imposées à l'industrie européenne.

Le troisième axe de sa stratégie porte sur la préparation de l'acte II de l'actuel plan de soutien français à l'automobile, en prévoyant à la fois un volet offensif et un volet défensif.

S'agissant du volet offensif, qui traite de la défense de la valeur des marques, il a évoqué la nécessité de poursuivre l'effort d'innovation et de qualité par une plus forte implication de tous les équipementiers dans le processus d'amélioration des produits ainsi que par l'intégration des métiers de services dans l'effort de recherche et développement.

Quant au volet défensif du plan, il doit permettre d'anticiper sur l'avenir de certains équipementiers, ainsi que des sous-traitants sur qui pèsent, d'ores et déjà, des menaces de pertes d'emplois. A ce titre, il a estimé qu'il ne fallait pas considérer les stratégies d'essaimage ou de sous-traitance réalisées -au sein de l'Europe élargie- sous le contrôle de ces entreprises comme systématiquement contraires au maintien de l'emploi en France. Il a précisé qu'il existait des situations qui méritaient d'être regardées avec beaucoup de précaution, où les stratégies de maintien de la compétitivité et de l'emploi par la relocalisation d'une partie des activités pouvaient être payantes, prenant à ce sujet l'exemple du secteur allemand de la machine-outil.

En conclusion, il a ajouté qu'il faudrait poursuivre l'effort de reconversion lancé par le Gouvernement et réfléchir d'ores et déjà aux politiques d'accompagnement des territoires qui seront touchés par la concurrence prévisible des équipementiers indiens ou chinois d'ici 5 à 10 ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion