a tout d'abord indiqué que la présentation par la Commission européenne d'un « Paquet énergie », le 10 janvier dernier, constituait la première étape d'un processus tendant à faire valider par le conseil européen de Berlin des 8 et 9 mars 2007 une stratégie énergétique globale. Dans cette perspective, le conseil des ministres de l'énergie de l'Union européenne s'est réuni jeudi 15 février afin de préparer les conclusions du conseil européen en la matière.
Soulignant que la présentation du « Paquet énergie » relevait d'une démarche innovante de la Commission européenne, qui utilise habituellement le droit d'initiative que lui confèrent les traités européens pour formuler des propositions législatives, sous forme de directives ou de règlements, il a expliqué que le « Paquet énergie » consistait en une dizaine de documents stratégiques abordant l'ensemble des problématiques liées au secteur de l'énergie et comprenant ainsi une stratégie énergétique globale, un rapport sur le marché intérieur de l'énergie, un plan d'interconnexions prioritaires, un rapport sur les biocarburants ou un panorama de l'industrie nucléaire de l'UE.
Sur ce fondement, il a indiqué aux membres de la commission qu'il articulerait sa présentation autour de deux thèmes concernant respectivement la lutte contre le changement climatique et l'état du marché intérieur de l'énergie.
a relevé que la Commission européenne avait rappelé toute la nécessité d'intégrer la lutte contre le changement climatique au coeur de la politique énergétique de l'Europe afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il est proposé de fixer, dans les négociations internationales, un objectif de réduction de 30 % des émissions de ces gaz d'ici à 2020 et de prendre, en tout état de cause, l'engagement de diminuer ces mêmes émissions de 20 % à la même échéance. Ces objectifs volontaristes s'inscrivent pleinement dans la démarche actuelle de la France tendant à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.
Il a ensuite précisé que la Commission européenne suggérait plusieurs types de mesures pour atteindre ces objectifs :
- un recours au mécanisme d'échange des droits d'émission, institué en 2004. Le plan d'allocation des quotas couvrant la période allant de 2008 à 2012 a été défini au début du mois de janvier, ce qui, pour la France, représente une diminution de 23 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2). Toutefois, au-delà de cette échéance, la Commission européenne réfléchit aux objectifs à atteindre au-delà de ceux définis lors du sommet de Kyoto et souhaite exploiter au mieux les possibilités offertes par le système d'échange des droits d'émissions. Sur ce sujet, la France est d'ailleurs exemplaire pour ce qui concerne la production électrique puisque son parc, constitué en très grande partie de centrales nucléaires, est très peu émetteur de CO2.
- une amélioration de l'efficacité énergétique. Cette stratégie s'appuie sur diverses mesures comme le développement des véhicules faiblement consommateurs d'essence et l'augmentation du recours aux biocarburants. Elle passe également par une amélioration de l'efficacité énergétique des appareils électroménagers, notamment avec un meilleur étiquetage ou une baisse de la consommation en veille et un renforcement de la performance énergétique des logements.
- un renforcement de l'utilisation de combustibles fossiles à faibles émissions de CO2. Au niveau de l'Union européenne, le charbon et le gaz assurent 50 % de l'approvisionnement en électricité et ces deux ressources vont continuer à jouer un rôle important dans l'équilibre du bouquet énergétique européen. En conséquence, la Commission européenne entend promouvoir le développement d'une nouvelle génération de centrales thermiques capable de limiter les émissions de CO2 et souhaite définir des perspectives claires sur les dates à compter desquelles toute nouvelle centrale thermique devra être équipée de systèmes de séquestration du dioxyde de carbone.
- une reconnaissance de l'importance du nucléaire. Tout en réaffirmant que le choix de recourir ou non au nucléaire appartient à chaque Etat, la Commission européenne reconnaît qu'il s'agit d'un moyen de production qui, d'une part, permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, contribue à l'indépendance énergétique, dans la mesure où le prix de l'uranium est faible et les ressources en uranium abondantes et bien réparties sur la planète. Dans ces conditions, la Commission considère qu'il convient de poursuivre le développement du cadre le plus avancé pour l'énergie nucléaire, dans le respect des normes de sécurité, de sûreté et de non-prolifération et en accordant une attention toute particulière à la question de la gestion de l'aval du cycle nucléaire.
Enfin, M. Ladislas Poniatowski a souligné que le premier pilier de cette stratégie énergétique entendait s'appuyer sur un recours plus massif aux énergies renouvelables (ENR), ce qui constituait l'un des points suscitant le plus de débats. Rappelant que l'Union européenne s'était fixée comme objectif en 1997 de parvenir à un seuil de 12 % d'ENR au sein de l'ensemble des sources d'énergies utilisées (électricité, chaleur et transports), il a expliqué que, dans cette optique, la directive de 2001 avait prévu que la part des ENR électriques dans la consommation finale représente 21 % en France en 2010 et que la directive sur les biocarburants avait fixé des objectifs d'incorporation dans la consommation totale d'essence. Dans les deux cas, il s'agit d'objectifs qui n'ont qu'une valeur indicative. Tout en indiquant qu'en dix ans la production d'énergie renouvelable avait augmenté de 55 % dans l'Union européenne, il a noté que l'objectif des 12 % serait loin d'être atteint en 2010, la part des ENR ne représentant aujourd'hui que 7 %.
Sur la base de ce constat, la Commission européenne entend fixer un objectif contraignant afin que les énergies renouvelables représentent, en 2020, 20 % du bouquet énergétique global de l'Union. Tout en admettant qu'il s'agit d'un objectif très ambitieux qui demandera des efforts considérables de la part de tous les Etats, la Commission européenne considère qu'il pourrait être atteint en s'appuyant sur tous les secteurs concernés (chauffage et refroidissement, électricité et biocarburants). Par ailleurs, la Commission européenne compte prendre en compte la situation spécifique de chaque pays et le niveau d'où il part en matière d'ENR afin de laisser à chaque Etat une certaine latitude pour déterminer les ENR les plus adaptées à sa situation.
a considéré qu'une telle proposition était loin d'être neutre, dans la mesure où son coût est estimé par la Commission européenne à 18 milliards d'euros par an en moyenne jusqu'en 2020.
Puis il a abordé le deuxième grand volet de cette stratégie énergétique qui a trait à l'organisation du marché intérieur de l'énergie. Soulignant que la Commission européenne n'avait pas varié dans ses analyses et qu'elle jugeait toujours que l'existence d'un marché européen de l'énergie véritablement concurrentiel était une condition indispensable pour favoriser la compétitivité des entreprises du secteur et garantir la sécurité d'approvisionnement, il a indiqué que son analyse en la matière s'appuyait sur le rapport relatif à l'état d'avancement du marché intérieur de l'énergie et sur une enquête sectorielle de la direction générale de la concurrence. Il a relevé que ces deux rapports avaient conduit les autorités communautaires à estimer que les résultats en la matière n'étaient pas satisfaisants, faute d'une concurrence effective, ce qui les avaient amenées à entamer des procédures contre seize Etats membres, dont la France, pour défaut de transposition des directives de 2003 relatives aux marchés de l'électricité et du gaz. Il a expliqué, à cette occasion, qu'il était notamment reproché à la France de maintenir un système de tarifs administrés pour les prix de vente de l'électricité et du gaz, qui fausserait le jeu de la libre concurrence et ne permettrait pas aux prix de constituer de véritables signaux significatifs pour orienter les décisions d'investissements.
Puis il a détaillé les principales orientations préconisées par la Commission européenne pour améliorer cette situation :
- un renforcement de la régulation. La Commission européenne considère que les compétences des régulateurs nationaux doivent être harmonisées et renforcées et juge que la coopération entre régulateurs doit être améliorée. Elle propose un schéma alternatif, qui n'a aujourd'hui pas la préférence des Etats, notamment de l'Allemagne et de la France, qui s'appuierait sur la création d'un régulateur unique européen.
- la définition d'un plan d'interconnexions prioritaires. Pour que le marché européen de l'énergie dispose d'une véritable profondeur, il convient de faciliter les échanges d'énergie entre pays membres. A cet effet, la Commission européenne a bâti une stratégie s'appuyant sur la reconnaissance d'interconnexions prioritaires et propose de nommer quatre coordonnateurs, chacun d'entre eux étant chargé de suivre un projet important (liaison à grande puissance entre l'Allemagne, la Pologne et la Lituanie, liaisons avec les parcs d'éoliennes situés en mer de l'Europe septentrionale, interconnexions électriques France-Espagne et gazoduc Nabucco pour acheminer le gaz naturel de la Caspienne à l'Europe centrale).
Par ailleurs, M. Ladislas Poniatowski a indiqué que la question du transport d'énergie faisait l'objet d'une attention particulière dans le « Paquet énergie » en raison de ses implications directes en matière de sécurité d'approvisionnement et de concurrence. Tout en estimant que la Commission européenne avait tiré les leçons de la panne d'électricité du 4 novembre 2006, il a souligné que cette dernière estimait désormais nécessaire d'instituer des normes de sécurité minimales et contraignantes pour les gestionnaires de réseaux et proposait la création d'un groupe des transporteurs européens d'électricité, calqué sur le modèle du groupe des régulateurs européens.
Puis il a précisé que la Commission européenne proposait de séparer totalement les entreprises chargées de la production de celles qui gèrent les réseaux de transport. En effet, la Commission considère que, quand un électricien contrôle à la fois la production et le transport, les risques de pratiques anticoncurrentielles sont accrus. Il a ainsi noté que, selon les écrits de la Commission, il est démontré économiquement que la séparation de propriété constitue le moyen le plus efficace pour garantir le choix du consommateur et pour encourager l'investissement, puisque dans un schéma de séparation totale, les entreprises chargées de la gestion du réseau ne sont pas influencées par des intérêts divergents.
Enfin, M. Ladislas Poniatowski a présenté les résultats du conseil des ministres de l'énergie de l'Union tenu jeudi 15 février, estimant que les compromis dégagés à cette occasion étaient satisfaisants.
Il a noté que le conseil avait décidé, suite à l'opposition de certains Etats membres, de donner un caractère uniquement indicatif au seuil des 20 % d'énergies renouvelables d'ici à 2020. En revanche, il a été décidé de fixer aux Etats membres un objectif contraignant en matière de promotion des biocarburants. La directive de 2003 fixe à 5,75 %, fin 2010, la part des biocarburants dans la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport et ce taux d'incorporation a été porté à 10 % en 2020. Tout en admettant qu'il s'agissait d'un objectif ambitieux, il a considéré qu'il s'inscrivait dans le droit fil des orientations défendues par le Gouvernement français, qui avait proposé d'atteindre cet objectif de 10 % dès 2015.
En ce qui concerne le marché intérieur de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement, il a relevé que le conseil des ministres avait réaffirmé la nécessité d'achever la constitution d'un marché unifié de l'énergie au niveau européen et de développer un cadre propice à la réalisation des investissements. A cet effet, sur la régulation, le conseil des ministres a validé les orientations de la Commission portant sur le renforcement des compétences des régulateurs nationaux et une meilleure formalisation de leur coopération pour les enjeux transfrontaliers. Dans ces conditions, l'idée d'un régulateur unique a été écartée pour le moment.
S'agissant des réseaux de transport d'énergie, il a noté que le conseil plaidait en faveur d'une meilleure séparation entre les entreprises chargées de la production et du transport, mais qu'il ne s'était pas prononcé sur une solution particulière. L'idée d'une séparation patrimoniale est ainsi écartée, le conseil ayant réaffirmé que l'enjeu essentiel devait être de garantir aux opérateurs un accès équitable et libre à ces réseaux et que les décisions d'investissements sur ces réseaux soient prises en toute indépendance.
En outre, M. Ladislas Poniatowski a souligné que le conseil appelait à la création d'un nouveau mécanisme communautaire pour améliorer la coordination entre transporteurs afin de garantir la sécurité du réseau et formait des voeux pour que de meilleures prévisions soient réalisées à long terme pour garantir l'équilibre entre l'offre et la demande.
En conclusion, il a estimé que les conclusions du conseil européen de Berlin pourraient amener la Commission européenne à présenter plusieurs propositions de directives au Conseil de l'Union européenne et au Parlement européen, mais que ces textes ne devraient pas être adoptés avant la fin de l'année 2008.