Intervention de Jean-Richard Cytermann

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 7 mars 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Richard Cytermann inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

Jean-Richard Cytermann :

Après avoir indiqué qu'il s'exprimerait à titre personnel, M. Jean-Richard Cytermann s'est interrogé sur le fait que la commande de ce rapport par le ministère intervienne après le vote de la loi. Il a indiqué que cette commande était circonscrite à la question de la valorisation de la recherche, entendue comme l'ensemble des relations entre la recherche publique et le monde économique : recherche de partenariats entre laboratoires publics et entreprises, valorisation de la propriété intellectuelle, création d'entreprises issues de laboratoires publics et mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé.

Evoquant la méthode, il a souligné qu'elle résultait de la combinaison de différentes sources d'information : visites d'organismes, questionnaires (en France et à l'étranger), déplacements dans plusieurs pays étrangers... Les investigations ayant duré dix mois, la mission lancée en février 2006 a abouti au rapport parachevé en novembre dernier. S'agissant ensuite des constats, M. Jean-Richard Cytermann a relevé que la situation n'avait globalement pas progressé depuis 1995, en dépit de la loi sur l'innovation et la recherche de 1999 et des mesures prises depuis, pour ce qui concerne les échanges entre les laboratoires publics de recherche et le monde industriel, sous les quatre aspects suivants :

- le volume des contrats avec les entreprises s'est stabilisé dans le temps, à un niveau inférieur à celui de nombreux autres pays ;

- l'augmentation des dépôts de brevets ne s'est pas accompagnée d'une hausse des revenus des licences d'exploitation avec des entreprises et ces revenus s'avèrent très concentrés sur quelques organismes et produits ;

- si l'on enregistre une forte hausse des créations d'entreprise issues de la recherche publique, il faut regretter que peu d'entre elles aient atteint un chiffre d'affaires ou un effectif suffisant ;

- s'agissant des échanges humains, peu d'évolutions sont notables depuis 1999, en dépit de dispositions législatives et réglementaires favorables.

Au total, M. Jean-Richard Cytermann a relevé que les progrès accomplis depuis 1999 sont réels dans certains domaines, mais sensiblement moins importants que ceux réalisés par d'autres pays. Il a cité, à cet égard, les universités belges, suisses et allemandes.

Il a attribué cette situation à différents facteurs :

- les caractéristiques de la recherche privée, cette dernière étant plus faible en France qu'à l'étranger, pour des raisons liées à l'internationalisation des grands groupes français, à leur restructuration, aux différences culturelles (le doctorat est moins reconnu en France et nos entreprises emploient peu de docteurs, car les élites économiques ne sont pas suffisamment en contact avec le monde de la recherche) et au faible nombre de petites et moyennes entreprises ;

- l'organisation de la recherche publique : un certain nombre de mesures de la loi de 2006 vont dans le bon sens, mais les résultats ne sont pas encore tangibles. Les structures françaises de recherche souffrent de leur émiettement et le système des unités mixtes de recherche (UMR) est peut-être « à bout de souffle » dans son organisation actuelle, qui entraîne des luttes intestines, des pertes d'énergie, des difficultés liées à la répartition des résultats de la propriété intellectuelle et à l'incompréhension des partenaires privés confrontés à la pluralité des partenaires publics et de leurs tutelles. Globalement, le système de recherche publique ne s'avère pas très coopératif dans son rapprochement avec les entreprises et la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) risque d'ailleurs d'exacerber la concurrence entre laboratoires publics, en incitant ces derniers à développer leur politique contractuelle ;

- les services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) et les autres services de gestion des universités et organismes de recherche manquent encore de professionnalisme et leurs équipes sont insuffisamment développées. Il est frappant de constater que seulement cinq embauches ont été réalisées par les SAIC en ayant recours à la possibilité de déroger aux grilles salariales de la fonction publique.

a relevé toutefois des différences entre les établissements, certains d'entre eux étant très performants dans ce domaine. Il a noté aussi le manque de concentration des dotations sur les meilleures équipes : 15 à 20 universités françaises perçoivent 50 % des dotations, tandis que 10 universités britanniques reçoivent 60 à 65 % des crédits. Il a également souligné l'insuffisante mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, ceci étant dû tant à des questions d'ordre culturel qu'aux écarts de rémunération.

Exposant ensuite les propositions du rapport, M. Jean-Richard Cytermann a indiqué qu'elles concernaient largement la gestion des ressources humaines de la recherche publique, qui doit bénéficier de davantage de souplesse. Il a suggéré ainsi que les politiques indemnitaires des établissements puissent inciter les chercheurs à conduire des activités de valorisation et que soit introduite une possibilité de cumul entre rémunération sur contrat et primes. Pour les enseignants chercheurs, les obligations de service pourraient être modulées au cours du temps.

Il a cité, au titre des autres propositions :

- une plus grande gestion de proximité des activités de valorisation ;

- une simplification tendant à éviter la copropriété de brevets par plusieurs partenaires publics ;

- la création d'offices mutualisés de transfert de technologies ;

- et la simplification, la professionnalisation ainsi que la rationalisation des « incubateurs ».

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