Intervention de Philippe Cléry-Melin

Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé — Réunion du 7 juin 2005 : 1ère réunion
Santé publique — Nature et organisation des soins dans le domaine de la santé mentale - présentation de l'étude

Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d'experts :

Puis, l'office a entendu la présentation par M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts et médecin psychiatre, de ses propositions pour l'étude consacrée à la santé mentale.

a tout d'abord rappelé que de nombreuses études épidémiologiques ont évalué à 20 % la prévalence des troubles mentaux, soit au minimum 10 millions de personnes en France, ces chiffres concernant aussi bien les enfants, les adolescents, les adultes que les personnes âgées. Face à cette situation, l'organisation de l'offre de soins doit être entièrement revue en intégrant une dimension médico-sociale. Aux pathologies qui relèvent spécifiquement de la psychiatrie s'ajoute en effet le domaine plus vaste de la détresse psychologique. On a par ailleurs trop tendance actuellement à confondre les problèmes liés à la santé mentale et la psychiatrie. C'est pourquoi il faut tout d'abord clarifier les concepts, car ils renvoient à des besoins différents qui ne relèvent pas tous du soin et ne font pas appel aux mêmes compétences, ni aux mêmes professionnels.

La situation française actuelle se caractérise à la fois par un état de santé globalement défavorable et par une offre de soins inadaptée en raison principalement :

 - des cloisonnements entre spécialistes et généralistes, du recours limité aux psychologues et de la méconnaissance par le public du fonctionnement des dispositifs existants ;

 - de l'inadéquation de certaines prises en charge hospitalières, liée à l'insuffisance de la capacité de réponse du secteur médico-social et, en quelque sorte, à une « embolisation » de la filière ;

 - de la forte inégalité de répartition territoriale des professionnels de santé et de la pénurie de psychiatres.

La psychiatrie se trouve donc confrontée à une situation problématique, qu'il s'agisse de la délimitation de ses tâches, de l'organisation de l'offre de soins, de la répartition des moyens humains et matériels ou encore de l'évaluation des pratiques. Le plan d'action en psychiatrie et santé mentale pour les années 2005-2007 propose quatre orientations majeures : décloisonner et permettre à tous les professionnels de travailler ensemble ; garantir les droits des patients et des conditions d'exercice satisfaisantes pour les professionnels ; promouvoir l'évaluation et la qualité des pratiques et développer la recherche ; répondre aux besoins identifiés par des programmes spécifiques, afin notamment d'atteindre les objectifs de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Dès lors, dans la mesure où le plan d'action en santé mentale vise à aborder ce problème dans toutes ses dimensions, il peut sembler difficile de hiérarchiser et d'opérer une sélection entre ses différentes composantes afin de proposer à l'OPEPS des thèmes d'études portant sur des sujets limités. Plusieurs thèmes émergent cependant des nombreux rapports et propositions élaborés au cours des dernières années, tant il est vrai que l'insuffisance d'une politique publique se mesure souvent au nombre de rapports commis sur celle-ci.

Il pourrait tout d'abord être intéressant d'expertiser l'adaptation quantitative et qualitative de l'hospitalisation complète aux contraintes actuelles, le développement des alternatives à l'hospitalisation, l'organisation des soins en réseau ainsi que la coopération entre les secteurs public et privé. Les réseaux de santé, qui réunissent les différents acteurs du système de soins et permettent un meilleur suivi des malades, constituent sans doute la réponse de proximité la mieux adaptée, alors que de nombreux hôpitaux psychiatriques demeurent fermés sur eux-mêmes et éloignés des centres urbains. Il faut également noter qu'un réel consensus s'est dégagé pour renforcer la coopération entre les secteurs public et privé.

L'évolution de la répartition géographique des professionnels médicaux, qui appelle des mesures législatives et réglementaires, pourrait également être étudiée, de même que la trop faible implication de la médecine générale dans le dépistage et l'orientation des patients. Les conditions d'exercice et l'usage du titre de psychothérapeute doivent également être précisés, alors que le décret prévu par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n'a toujours pas été publié.

Concernant le dispositif de l'hospitalisation sans consentement, qui avait fait l'objet d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête déposée par M. Georges Hage, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est chargée de faire des propositions afin de clarifier les procédures. Depuis 1992, on constate une augmentation de 90 % des hospitalisations sans consentement et de nombreux acteurs agissent dans l'illégalité, ce qui semble lié pour partie aux insuffisances de l'offre de soins hospitaliers.

Il y a aussi des efforts à faire en matière de connaissance des risques et de bon usage des médicaments en matière de santé mentale. La France se caractérise par une surconsommation de médicaments psychotropes, prescrits à 70 ou 75 % par les médecins généralistes. A côté des travaux réalisés par les agences sanitaires, en particulier la Haute autorité de santé, il faut améliorer l'information et la diffusion des référentiels et des bonnes pratiques.

Concernant la prise en charge de certaines pathologies et de populations plus sensibles, les quatre pistes suivantes méritent également d'être signalées :

 - le développement de la collaboration médico-psychologique en périnatalité présente aujourd'hui un caractère d'urgence. En effet, aider les familles à mieux préparer l'accueil de l'enfant et améliorer la formation des professionnels de santé contribueraient sans doute à prévenir plus tard l'apparition de comportements violents ;

 - quelle est par ailleurs la réponse apportée aux besoins de prise en charge coordonnée des enfants et des adolescents ? On constate, en effet, un diagnostic trop souvent tardif de leurs troubles psychiques, alors qu'un repérage précoce nécessite que tous les acteurs éducatifs et médicaux soient mobilisés sur cette question ;

 - il conviendrait également d'approfondir la question de la participation des équipes de psychiatrie à la généralisation de la création des centres de ressources sur l'autisme. La circulaire d'application du plan autisme est attendue avec impatience et le rôle de la psychiatrie doit être renforcé dans ce domaine ;

 - on peut enfin s'interroger sur la réponse apportée aux besoins de santé mentale des personnes âgées dans le cadre d'une prise en charge coordonnée sanitaire et médico-sociale. Les psychiatres doivent, là encore, contribuer à répondre à la fragilité et à l'isolement des personnes âgées, révélés de façon dramatique lors de la canicule intervenue au cours de l'été 2003. Il est en particulier très inquiétant d'observer la croissance du taux de suicide des personnes âgées, alors que celui-ci stagne pour les autres catégories de la population.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion